CITE DU VATICAN, Mercredi 4 décembre 2002 (ZENIT.org) – Voici la traduction de l’allocution de Jean-Paul II au cours de l’Audience générale du 27 novembre 2002, publiée dans L’Osservatore Romano en français du 2 décembre (cf. www.vatican.va) , sous le titre: « Saint est le Seigneur notre Dieu ».
Lecture: Ps 98, 2-4.9
1. « Le Seigneur règne ». Cette acclamation, qui ouvre le Psaume 98 que nous venons d’écouter, en révèle le thème fondamental et le genre littéraire caractéristique. Il s’agit d’un chant élevé par le Peuple de Dieu au Seigneur, qui gouverne le monde et l’histoire en tant que souverain transcendant et suprême. Il se rattache à d’autres hymnes semblables – les Psaumes 95-97, qui ont déjà été l’objet de notre réflexion – que la Liturgie des Laudes propose comme prière idéale du matin.
En effet, en commençant sa journée, le fidèle sait qu’il n’est pas abandonné en proie à un destin aveugle et obscur, ni voué à l’incertitude de sa liberté, ni confié aux décisions d’autrui, pas plus que dominé par les événements de l’histoire. Il sait qu’au-dessus de toute réalité terrestre, le Créateur et Sauveur se dresse dans sa grandeur, sa sainteté et sa miséricorde.
2. Diverses hypothèses ont été avancées par les chercheurs sur l’utilisation de ce Psaume dans la liturgie du temple de Sion. Quoi qu’il en soit, il possède le caractère d’une louange contemplative qui s’élève vers le Seigneur, siégeant dans sa gloire céleste devant tous les peuples de la terre (v. 1). Toutefois, Dieu se rend présent dans un lieu et au milieu d’une communauté, c’est-à-dire à Jérusalem (cf. v. 2), révélant qu’il est « Dieu-avec-nous ».
Les titres solennels attribués à Dieu par le Psalmiste dès les premiers versets sont au nombre de six: il est roi, grand, redoutable, saint, puissant, juste (cf. vv. 1-4). Plus avant, Dieu est également présenté avec la qualité de « patient » (v. 8). L’accent est surtout placé sur la sainteté de Dieu: en effet, on répète à trois reprises – presque sous forme d’antienne – qu' »il est saint » (vv. 3.5.9.). Le terme indique en particulier, dans le langage biblique, la transcendance divine. Dieu est supérieur à nous, et il se place infiniment au dessus de chacune de ses créatures. Toutefois, cette transcendance ne le transforme pas en souverain impassible et distant: lorsqu’il est invoqué, il répond (cf. v. 6). Dieu est celui qui peut sauver, le seul qui puisse libérer l’humanité du mal et de la mort. En effet, « il aime le jugement » et exerce « jugement et justice en Jacob » (v. 4).
3. Les Pères de l’Eglise ont proposé d’innombrables réflexions sur le thème de la sainteté de Dieu, en célébrant l’inaccessibilité divine. Toutefois, ce Dieu transcendant et saint s’est fait proche de l’homme. Comme le dit saint Irénée, il s’est même « habitué » à l’homme dès l’Ancien Testament, se manifestant par des apparitions et parlant à travers les prophètes, alors que l’homme « s’habituait » à Dieu en apprenant à le suivre et à lui obéir. Saint Ephrem, dans l’un de ses hymnes, souligne même qu’à travers l’incarnation, « le Saint établit sa demeure dans le sein (de Marie) de façon corporelle, / à présent il établit sa demeure dans l’esprit de façon spirituelle » (Hymnes sur la Nativité, 4, 130). En outre, à travers le don de l’Eucharistie, par analogie avec l’Incarnation, « la Médecine de Vie est descendue d’en-haut / pour demeurer en ceux qui en sont dignes. / Après être entré, / il a établi sa demeure parmi nous, / ainsi nous nous sanctifions nous-mêmes en lui » (Hymnes conservés en arménien, 47, 27.30).
4. Ce lien profond entre « sainteté » et proximité de Dieu est également développé dans le Psaume 98. En effet, après avoir contemplé la perfection absolue du Seigneur, le Psalmiste rappelle que Dieu était sans cesse en contact avec son peuple à travers Moïse et Aaron, ses médiateurs, ainsi qu’à travers Samuel, son prophète. Il parlait et était écouté, il punissait les délits mais pardonnait également.
Le signe de cette présence parmi son peuple était « le marchepied », c’est-à-dire le trône de l’arche du temple de Sion (cf. vv. 5-8). Le Dieu saint et invisible se rendait donc disponible pour son peuple à travers Moïse le législateur, Aaron le prêtre, Samuel le prophète. Il se révélait à travers des paroles et des actes de salut et de jugement, et il était présent à Sion à travers son culte célébré dans le temple.
5. Nous pourrions alors dire que le Psaume 98 se réalise aujourd’hui dans l’Eglise, siège de la présence de Dieu saint et transcendant. Le Seigneur ne s’est pas retiré dans le lieu inaccessible de son mystère, indifférent à notre histoire et à nos attentes. Il « vient pour juger la terre, il jugera le monde en justice et les peuples en droiture » (Ps 97, 9).
Dieu est venu parmi nous en particulier dans son Fils, qui s’est fait l’un de nous pour nous communiquer sa vie et sa sainteté. C’est pourquoi, nous nous approchons à présent de Dieu non pas avec peur mais avec confiance. En effet, dans le Christ se trouve le prêtre souverain et saint, innocent, sans tache. Il « est capable de sauver de façon définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur » (He 7, 25). Notre chant se remplit alors de sérénité et de joie: il exalte le Seigneur roi, qui demeure parmi nous, essuyant toute larme de nos yeux (cf. Ap 21, 3-4).
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