Brésil: La mission fondamentale de l'Evêque

Visites “ad limina” (suite)

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CITE DU VATICAN, Dimanche 1er décembre 2002 (ZENIT.org) –  » La mission fondamentale de l’Evêque »: L’Osservatore Romano en français du 26 novembre (cf. www.vatican.va) publie sous ce titre une traduction du discours de Jean-Paul II aux évêques brésiliens de la Région « Nord-Est 5 » en visite « ad limina Apostolorum ».

Dans la matinée du samedi 19 octobre 2002, le Pape Jean-Paul II a reçu en audience un sixième groupe d’évêques du Brésil . Les cinq groupes précédents avaient été reçus le 31 août (Région Sud II); le 5 septembre (Région Est 1); le 14 septembre (Régions Nord 1 et Nord-Est); le 21 septembre (Régions Ouest 1 et 2) et le 28 septembre (Région Nord-Est 2).

Dans son discours, le pape aborde la question de l’administration du baptême aux enfants. Il dit: « Parfois, les normes de l’Eglise sont interprétées de façon restrictives, en négligeant le bien le plus profond des âmes. Il arrive alors que, dans certaines circonstances, l’on demande aux parents de reculer, voire que l’on refuse même le Baptême des enfants. Il est juste que les parents et les parrains soient préparés de manière adaptée au baptême des enfants, mais il est également important que le premier sacrement de l’initiation chrétienne soit en particulier considéré comme un don gratuit de Dieu le Père ».

Vénérés frères dans l’épiscopat!

1. « Le Christ a aimé l’Eglise: il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier » (Ep 5, 25).
J’ai à coeur de rappeler cette affirmation de la Lettre aux Ephésiens en vous recevant aujourd’hui, Evêques du Maranhão, en saisissant cette occasion pour partager avec vous la richesse du ministère pastoral qui nous a été confié par le Christ. En vous rencontrant personnellement ces jours derniers, je me suis profondément réjoui de votre zèle apostolique, dont la source et le modèle est le don de soi du Christ, rapporté par saint Paul.

Je vous embrasse cordialement, bien-aimés frères, et j’embrasse en particulier parmi vous ceux qui ont commencé leur service pastoral ces dernières années. Je remercie des paroles qu’il m’a adressées en votre nom, Mgr Affonso Felippe Gregory, Evêque d’Imperatriz et Président de la Région Nord Est 5, qui a présenté la situation actuelle des communautés chrétiennes qui vous sont confiées et dont je con-serve un souvenir plein de reconnaissance, lié à ma deuxième visite pastorale dans votre pays.

2. La mission fondamentale de l’Evêque est celle d’évangéliser, une tâche qui doit être accomplie non seulement de façon individuelle, mais également en tant qu’Eglise; il s’agit d’une mission qui se réalise dans la triple fonction d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.
En tant que vicaires et légats du Christ, vous êtes tout d’abord appelés à offrir l’annonce claire et vigoureuse de l’Evangile, de façon à ce qu’elle s’exprime dans toute l’existence du chrétien, quelle que soit la situation. On doit l’annoncer par la parole, sans laquelle la valeur apostolique des bonnes actions diminue ou se perd. On doit l’annoncer à travers les oeuvres de charité, témoignages vivants de la foi, en n’oubliant pas les oeuvres de miséricorde spirituelle à côté des oeuvres matérielles. Il ne faut pas hésiter à associer la Parole du Christ aux activités caritatives parce que l’on aurait peur de ne pas respecter les convictions des autres. Ce n’est pas de la charité que de laisser nos frères sans connaître la vérité; ce n’est pas de la charité que de nourrir les pauvres ou de rendre visite aux malades en leur offrant uniquement des ressources humaines sans leur transmettre la Parole qui sauve. « Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant pour lui grâces au Dieu Père! » (Col 3, 17).

3. Comme on le sait, le Maranhão a participé aux débuts de l’histoire de l’évangélisation du Brésil car, dans la deuxième moitié du XVII siècle, son Eglise était suffragante de la Province ecclésiastique de Bahia. Dès le début, votre Etat devint le centre du rayonnement de l’action missionnaire de grandes familles religieuses – jésuites, capucins, mercédaires, etc. – dont un grand nombre offrent, aujourd’hui encore, leur collaboration à l’action pastorale de la plupart de vos diocèses. C’est de ce fait que dérive le sentiment de gratitude élevé au Tout-Puissant, pour l’oeuvre d’évangélisation qui y a été accomplie, et que le Successeur de Pierre désire promouvoir avec « grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ » (Rm 1, 7).

L’Evangile prêché avec fidélité par les pasteurs, en tant que « maîtres de la foi » et défenseurs de la vérité qui libère, est un élément qui marquera toujours, comme un dénominateur commun, chacune de nos rencontres. Les difficultés que vous rencontrez dans l’accomplissement de votre tâche pastorale ne me sont pas inconnues: le manque d’emplois et de logements touchant de nombreuses personnes (je pense concrètement aux problèmes liés aux migrations intérieures de la campagne vers les villes), les problèmes relatifs à l’éducation de base et à la santé, à de nombreux secteurs de la société qui, liés aux autres déséquilibres sociaux et à la présence agressive des sectes, constituent des facteurs qui engendrent l’incertitude au moment de définir vos priorités pastorales.

Tout en tenant compte des délicats problèmes sociaux existant dans vos régions, il est nécessaire de ne pas limiter l’action pastorale à la dimension temporelle et terrestre. Il n’est pas possible d’envisager, par exemple, les défis lancés à l’Eglise du Brésil en se limitant à quelques questions, importantes mais circonstantielles, relatives à la politique locale, à la concentration de la terre, à l’environnement ou à d’autres facteurs. Revendiquer pour l’Eglise un modèle de participation à caractère politique où les décisions soient votées par la « base », limitée aux pauvres et aux marginaux de la société, mais privé de la présence de tous les secteurs du Peuple de Dieu, dénaturerait sa signification rédemptrice originelle voulue par le Christ.

4. Le Fils de Dieu lui-même, envoyé par le Père, confia aux Apôtres la mission d’instruire « toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et leur apprenant à observer tout ce qu’il a prescrit » (cf. Mt 28, 19-20). Cette mission solennelle du Christ d’annoncer la Vérité salvifique de la foi fut transmise par les Apôtres aux Evêques, leurs successeurs, appelés à l’apporter jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1, 8) « en vue de la construction du Corps du Christ » (Ep 4, 12) qui est l’Eglise.

Les Evêques sont appelés par l’Esprit Saint à jouer le rôle des Apôtres, en tant que pasteurs des Eglises particulières. Il sont donc revêtus d’une autorité propre qui « n’est nullement effacée par le pouvoir suprême et universel; au contraire, elle est affermie, renforcée et défendue par lui » (Lumen gentium, n. 27). Avec le Souverain Pontife, et sous son autorité, les Evêques ont pour mission de perpétuer l’oeuvre du Christ, Pasteur éternel. De fait, notre Sauveur donna aux Apôtres et à leurs Successeurs le mandat et le pouvoir d’enseigner à toutes les nations, de sanctifier les hommes dans la vérité et de les gouverner (cf. Christus Dominus, n. 2).

Avant de réfléchir sur la triple dimension de la mission pastorale, je désire tout d’abord souligner le centre vers lequel toutes vos activités doivent converger: « Le mystère du Christ à la base de la mission de l’Eglise » (Lettre encyclique Redemptor hominis, n. 11). Celui qui, d’une certaine façon, participe à la mission de l’Eglise doit se développer dans une fidèle adhésion au mandat reçu. Cela vaut tout d’abord pour les Evêques qui ont été, pour ain-si dire, « insérés » de façon particulière dans le mystère du Chris
t. Revêtus de la plénitude du sacrement de l’Ordre, l’Evêque est appelé à proposer et à vivre le mystère intégral du Maître (cf. Christus Dominus, n. 12) dans le diocèse qui lui est confié. C’est le mystère qui contient des « richesses insondables » (Ep 3, 8). Conservons ce trésor!

5. Dans le triple ministère des Evêques, comme l’enseigne le Concile Vatican II, la prédication de l’Evangile ressort de manière particulière. Les pasteurs doivent tout d’abord être « les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples » (Lumen gentium, n. 25). En tant que « fidèle dispensateur de la parole de vérité » (2 Tm 2, 15), nous devons transmettre en même temps ce que nous-mêmes recevons: non pas notre pauvre parole, bien qu’elle soit sage, car nous ne prêchons pas nous-mêmes, mais la Vérité révélée qui doit être transmise avec fidélité, conformément aux enseignements de l’Eglise.
En ce qui concerne le ministère de l’enseignement, vous vivez dans un climat culturel comportant des problèmes difficiles à résoudre en raison de l’analphabétisme des adultes et des enfants, bien que les chiffres du dernier recensement aient révélé une augmentation encourageante de la durée des études parmi la population la plus pauvre.

Par ailleurs, les indices relatifs à la fragilité du mariage, à la violence sur les enfants et la malnutrition sont toujours présents, il faut y ajouter les problèmes du logement, du manque de réformes de base dans de nombreux secteurs et l’influence évidente, parfois négative, des moyens de communication sociale. En particulier, lorsque ces derniers sont poussés par la mentalité aujourd’hui très diffuse d’exclure de la vie publique les interrogations à propos des vérités ultimes, en reléguant la foi religieuse et les convictions sur les valeurs morales dans le domaine privé. On court ainsi le risque de voir exister des courants qui exercent une forte influence sur la pensée et sur le comportement humain, en excluant le fondement moral chrétien de la société.

Chers frères, vous savez que le devoir fondamental de l’Evêque, en tant que pasteur, est d’inviter les membres des Eglises particulières qui lui sont confiées, à accepter dans toute sa plénitude l’enseignement de l’Eglise à propos des questions de la foi et de la morale. Nous ne devons pas nous décourager si, parfois, l’annonce de la parole n’est accueillie qu’en partie. Avec l’aide du Christ, qui a vaincu le monde (cf. Jn 16, 33), la façon la plus efficace d’y remédier est de continuer « à temps et à contre temps » (2 Tm 4, 2) à diffuser sereinement, mais courageusement, l’Evangile.

Je forme ces voeux en pensant en particulier aux jeunes de votre Etat, qui constituent, par exemple dans la capitale, la moitié de la population. En exerçant le ministère ecclésial de l’enseignement, en union avec vos prêtres et vos collaborateurs de la catéchèse, prêtez une attention particulière à la formation de la conscience morale, qui doit être respectée comme « sanctuaire » de l’homme seul face à Dieu, dont la voix retentit dans l’intimité du coeur (cf. Gaudium et spes, n. 16). Toutefois, avec une égale ferveur rappelez à vos fidèles que la conscience est un tribunal exigeant, dont le jugement doit toujours se conformer aux normes morales révélées par Dieu et proposées de façon autorisée par l’Eglise, avec l’assistance de l’Esprit Saint.
Un enseignement clair et univoque sur ces thèmes ne pourra avoir qu’une influence positive sur le retour nécessaire au Sacrement de la Réconciliation, qui est aujourd’hui malheureusement délaissé, même dans les régions catholiques de votre pays.

6. A propos de l’exercice de la mission de sanctifier, « l’évêque doit être considéré comme le grand prêtre de son troupeau; la vie chrétienne de ses fidèles découle et dépend de lui en quelque manière » (Sacrosanctum Concilium, n. 41). C’est pourquoi il est, pour ainsi dire, le premier liturgiste de son diocèse et le principal dispensateur des Mystères de Dieu, en organisant, en promouvant et en diffusant la vie liturgique dans l’Eglise particulière qui lui est confiée (cf. Christus Dominus, n. 15).

A ce propos, je vous recommande vivement les deux sacrements fondamentaux de la vie chrétienne: le Baptême et l’Eucharistie. Après avoir été élevé à la Chaire de Pierre, j’ai approuvé l’Instruction sur le Baptême des enfants, dans laquelle l’Eglise a confirmé la pratique baptismale concernant les enfants, qu’elle a toujours pratiquée. Dans vos Eglises locales, on insiste à juste titre sur l’exigence d’administrer le Baptême uniquement dans le cas où l’on a l’espérance fondée que l’enfant soit éduqué dans la foi catholique, de façon à ce que le sacrement puisse fructifier (cf. Code de Droit canonique, can. 868, 2).

Parfois, cependant, les normes de l’Eglise sont interprétées de façon restrictives, en négligeant le bien le plus profond des âmes. Il arrive alors que, dans certaines circonstances, l’on demande aux parents de reculer, voire que l’on refuse même le Baptême des enfants. Il est juste que les parents et les parrains soient préparés de manière adaptée au baptême des enfants, mais il est également important que le premier sacrement de l’initiation chrétienne soit en particulier considéré comme un don gratuit de Dieu le Père, car « à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3, 5).

En raison de l’exigence, justifiée en soi, de préparer les parents et les parrains, la bonté et la prudence pastorale ne doivent pas manquer. On ne peut pas exiger des adultes de bonne volonté ce pour quoi on ne leur a pas donné une motivation adaptée. Lorsque le Baptême est demandé, on peut en profiter pour commencer à offrir une catéchèse aux parents, qui les rendra capables de mieux comprendre le sacrement et de donner ainsi une éducation chrétienne au nouveau membre de la famille. Quoi qu’il en soit, on ne doit jamais éteindre la mèche qui brûle encore, mais il faut créer de nouveaux processus d’évangélisation, adaptés au monde d’aujourd’hui et aux nécessités de la population. L’Evêque est le premier responsable afin que tous les prêtres, diacres et agents de pastorale fassent preuve de tout le zèle nécessaire, et de toute la bonté et la patience possibles avec les populations les moins instruites.

Une autre tâche fondamentale de votre ministère sacerdotal consiste à réaffirmer le rôle vital de l’Eucharistie comme « source et sommet de toute la vie chrétienne » (Lumen gentium, n. 11). Dans la célébration du sacrifice eucharistique, le service des Evêques et des prêtres atteint non seulement son point culminant, mais la vie de tous les autres membres du Corps du Christ y trouve également son centre dynamique. Le manque de prêtres et leur répartition inégale, d’une part, et la réduction inquiétante du nombre de ceux qui fréquentent régulièrement la Messe dominicale, de l’autre, constituent un défi constant pour vos Eglises. Il est évident que cette situation requiert une solution provisoire, afin de ne pas laisser la communauté à l’abandon et risquer un appauvrissement spirituel progressif. C’est pourquoi le caractère sacramentel incomplet de ces fonctions liturgiques, présidées par des personnes non ordonnées (laïcs ou religieux), devrait inciter toute la communauté paroissiale à prier avec une plus grande ferveur, afin que le Seigneur envoie des ouvriers à sa moisson (cf. Mt 9, 38).

7. Pour finir, je désire souhaite m’arrêter sur la mission de gouverner qui vous a été confiée. En exerçant cette tâche, vous avez sans aucun doute à l’esprit l’image du Bon Pasteur, qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (cf. Mt 20, 28).

C’est pourquoi, à cet égard, je vous recommande vivement les prêtres de vos Eglises locales, pour lesquels, en tant qu’Evêques, vous constituez « le principe visible et le fondement de l’unité » (Lumen gentium, n. 23).
Veiller sur vos prêtres est un service très exigeant, en particulier lorsque les fruits du travail pastoral tardent à venir, et que l’on peut éprouver la tentation de céder au découragement et à la tristesse. De nombreux pasteurs ont l’impression de ne pas travailler dans une vigne évangélique, mais dans une steppe aride.

Je connais le poids des engagements quotidiens liés à votre ministère. Toutefois, je rappelle avec une sollicitude paternelle les paroles claires et pleines de sensibilité du Concile Vatican II: « En raison de cette communion dans le même sacerdoce et le même ministère, les évêques doivent donc considérer leurs prêtres comme des frères et des amis, et se préoccuper, autant qu’ils le peuvent, de leur bien, matériel d’abord, mais surtout spirituel… Qu’ils sachent les écouter volontiers, les consulter même, et parler avec eux de ce qui concerne les exigences du travail pastoral et le bien du diocèse » (Presbyterorum ordinis, n. 7). « Les évêques doivent entourer d’une miséricorde active les prêtres qui se trouvent d’une façon ou d’une autre en danger ou qui ont défailli sur quelque autre point » (Christus Dominus, n. 16).

8. Vénérés frères, face à l’immensité de la mission qui vous a été confiée, ne vous laissez jamais vaincre par la lassitude ou par le découragement, car le Seigneur ressuscité chemine avec vous et rend vos efforts féconds. Il est vrai que les urgences pastorales sont nombreuses, mais les ressources humaines et spirituelles sur lesquelles vous pouvez compter sont également importantes. C’est à vous que revient la tâche de conduire ce Peuple de Dieu à la plénitude de la réponse fidèle au dessein divin.

Que Marie vous accompagne sur ce chemin, difficile mais enthousiasmant. A chacun de vous, ainsi qu’aux prêtres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles de vos communautés, je donne de tout coeur ma Bénédiction.

© L’Osservatore Romano

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ZENIT Staff

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