CITE DU VATICAN, Mercredi 6 novembre 2002 (ZENIT.org) – « Dieu jugera avec justice », c’est le titre choisi par L’Osservatore Romano en français du 5 novembre (cf. www.vatican.va) pour le commentaire du cantique d’Isaïe donné par Jean-Paul II lors de l’audience du 30 octobre.
Voici la traduction de l’OR pour le texte italien de la catéchèse.
Lecture: Is 33, 13-14b-15a.16
1. Parmi les Cantiques bibliques qui se mêlent aux Psaumes dans la Liturgie des Laudes, nous rencontrons le bref texte proclamé aujourd’hui. Il est tiré d’un chapitre du Livre du Prophète Isaïe, le trente-troisième de son ample et admirable recueil d’oracles divins.
Le Cantique s’ouvre, dans les versets précédents ceux qui sont rapportés (cf. vv. 10-12), par l’annonce d’une entrée puissante et glorieuse de Dieu sur la scène de l’histoire humaine: « Maintenant je me lève, dit Yahvé, maintenant je me dresse, maintenant je m’élève » (v. 10). Les paroles de Dieu sont adressées à ceux qui sont « loin » et à ceux qui sont « proches », c’est-à-dire à toutes les nations de la terre, même aux plus éloignées, et à Israël, le peuple « proche » du Seigneur en vertu de l’Alliance (cf. v. 13).
Dans un autre passage du Livre d’Isaïe, on affirme: « Faisant naître la louange sur leurs lèvres: Paix, paix à qui est loin et à qui est proche, dit Yahvé, et je le guérirai » (Is 57, 19). A présent, en revanche, les paroles du Seigneur deviennent amères, revêtent le ton du jugement sur le mal accompli par ceux qui sont « loin » et ceux qui sont « proches ».
2. En effet, immédiatement après, voilà que se répand la peur parmi les habitants de Sion, chez lesquels se cachent péché et impiété (cf. Is 33, 14). Ils sont conscients de vivre près du Seigneur qui réside dans le temple, qui a choisi de marcher à leurs côtés dans l’histoire et s’est transformé en « Emmanuel », « Dieu-avec-nous » (cf. Is 7, 14). Mais le Seigneur juste et saint ne peut tolérer l’impiété, la corruption et l’injustice. Comme un « feu dévorant » et des « brasiers éternels » (cf. Is 33, 14), Il se déchaîne contre le mal pour l’anéantir.
Déjà, dans le chapitre 10, Isaïe avertissait: « La lumière d’Israël deviendra un feu et son Saint une flamme, elle brûlera et consumera » (v. 17). Même le Psalmiste chantait: « Comme fond la cire en face du feu, ils périssent les impies, en face de Dieu » (Ps 68 [67], 3). Cela signifie, dans le contexte de l’économie de l’Ancien Testament, que Dieu n’est pas indifférent face au bien et au mal, mais se montre indigné et en colère face à la malveillance.
3. Notre Cantique ne prend pas fin pas sur cette sombre scène de jugement. Au contraire, il réserve la partie la plus ample et intense à la sainteté accueillie et vécue comme signe de la conversion et de la réconciliation ayant eu lieu avec Dieu. Dans la lignée de certains Psaumes, comme le Psaume 14 et le Psaume 23, qui mettent en lumière les conditions exigées par le Seigneur pour vivre en communion joyeuse avec Lui dans la liturgie du temple, Isaïe énumère six engagements moraux pour le véritable croyant, fidèle et juste (cf. Is 33, 15), qui peut habiter, sans en souffrir, auprès du feu divin, qui devient pour lui source de bienfaits.
Le premier engagement consiste à « se conduire avec justice », c’est-à-dire à considérer la loi divine comme une lampe qui illumine le sentier de la vie. Le second consiste à parler loyalement et sincèrement, ce qui est le signe de relations sociales correctes et authentiques. Comme troisième engagement, Isaïe propose de « refuser un gain extorqué », combattant de cette façon l’oppression des pauvres et la richesse injuste. Le croyant s’engage ensuite à condamner la corruption politique et judiciaire en « repoussant de la main le pot-de-vin », image suggestive qui indique le refus de dons faits pour dévier l’application des lois et le cours de la justice.
4. Le cinquième engagement est exprimé à travers le geste significatif de « se boucher les oreilles » lorsque l’on nous fait des propositions sanguinaires, ou face à des actes de violence à perpétrer. Le sixième et dernier engagement est exprimé à travers une image qui, à première vue, nous déconcerte, car elle ne correspond pas à notre façon de parler. Lorsque nous parlons de « fermer les yeux » sur quelque chose, nous voulons dire: « faire semblant de ne pas voir pour ne pas devoir intervenir »; mais le prophète dit au contraire que l’homme honnête « ferme les yeux pour ne pas voir le mal », comme signe d’un refus total de tout contact avec le mal.
Saint Jérôme, dans son commentaire sur Isaïe, développe ainsi le concept, en tenant compte de l’ensemble du passage: « Chaque iniquité, oppression et injustice est une décision de sang: et même si l’on ne tue pas par l’épée, on tue par l’intention. « Et ferme les yeux pour ne pas voir le mal »: heureuse conscience qui n’écoute pas et ne contemple pas le mal! Qui donc est tel, demeurera « dans les hauteurs », c’est-à-dire dans le royaume des cieux ou sur la roche escarpée de la très forte Pierre, dans le Christ Jésus » (In Isaiam prophetam, 10, 33: PL 24, 367).
Jérôme nous introduit de cette manière à la juste compréhension de cette attitude de « fermer les yeux », évoquée par le prophète: il s’agit d’une invitation à refuser totalement toute complicité avec le mal. Comme il est facile de le noter, les principaux sens du corps sont mis en cause: en effet, mains, pieds, yeux, oreilles, langue sont concernés par l’action morale humaine.
5. Celui qui choisit de suivre cette conduite honnête et juste pourra accéder au temple du Seigneur, où il recevra la certitude de ce bien-être extérieur et intérieur que Dieu donne à celui qui est en communion avec Lui. Le prophète utilise deux images pour décrire cette heureuse issue (cf. v. 16): la sécurité dans des forteresses imprenables, et l’abondance du pain et de l’eau, symbole de vie prospère et heureuse.
La tradition a interprété de façon spontanée le signe de l’eau comme une image du baptême (cf. par exemple la Lettre de Barnabé, 11, 5), tandis que le pain s’est transfiguré pour les chrétiens en signe de l’Eucharistie. C’est ce que l’on lit, par exemple, dans le commentaire de saint Justin martyr, qui voit dans les paroles d’Isaïe une prophétie du « pain » eucharistique, « mémoire » de la mort rédemptrice du Christ (cf. Dialogue avec Triphon, Paoline 1988, p. 242).
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