CITE DU VATICAN, Mercredi 4 septembre 2002 (ZENIT.org) –
Le pape Jean-Paul II commente le Ps 83 en proclamant la « béatitude » de celui qui se met en route dans la foi vers la Demeure de Dieu. « Si celui qui habite dans le temple de façon stable est heureux, celui qui décide d’entreprendre un voyage de foi vers Jérusalem est encore plus heureux »:c’est ainsi que Jean-Paul II interprète le chemin spirituel proposé par le Ps 83.
Voici la traduction de L’Osservatore Romano en français du 3 septembre de cette catéchèse liturgique donnée lors de l’audience générale de mercredi dernier, 28 août, à Castel Gandolfo, suivie de l’allocution de Jean-Paul II en français.
N. B. A la vocalisation française « Yavhé », nous avons préféré la transcription, adoptée par les biblistes modernes, des quatre consonnes hébraïques du Tétragramme sacré, imprononçable: YHWH. A la lecture, on dit simplement « (le) Seigneur ».
1. Notre itinéraire à travers les Psaumes de la Liturgie des Laudes se poursuit. Nous venons d’écouter le Psaume 83, attribué par la tradition juive « aux fils de Coré », une famille de prêtres qui s’occupait du service liturgique et qui gardait l’entrée de la tente de l’arche de l’Alliance (cf. 1 Ch 9, 19).
Il s’agit d’un chant très doux, parcouru par un souffle mystique envers le Dieu de la vie, célébré à plusieurs reprises (cf. Ps 83, 2.4.9.13) sous le titre de « YHWH Sabaot », c’est-à-dire le Seigneur des étoiles, et donc du cosmos. D’autre part, ce titre avait un lien particulier avec l’arche conservée dans le Temple, qui était appelée « l’arche de YHWH Sabaot, qui siège sur les chérubins » (1 Sm 4, 4; cf. Ps 79, 2). Celle-ci était en effet perçue comme le signe de la protection divine lors des jours de danger et de la guerre (cf. 1 S 4, 3-5; 2 S 11, 11).
La toile de fond de tout le Psaume est représentée par le temple vers lequel se dirige le pèlerinage des fidèles. La saison semble être l’automne car l’on parle de la « pluie d’automne » qui apaise les brûlures de l’été (cf. Ps 83, 7). On pourrait donc penser au pèlerinage vers Sion pour la troisième fête principale de l’année juive, celle des Tentes, souvenir de la pérégrination d’Israël dans le désert.
2. Le temple est présent avec toute la fascination qu’il exerce au début et à la fin du Psaume. En ouverture (cf. vv. 2-4), nous trouvons l’image admirable et délicate des oiseaux qui ont installé leur nid dans le sanctuaire, privilège enviable.
Il s’agit d’une représentation du bonheur de ceux qui – comme les prêtres du temple – ont une résidence fixe dans la Maison de Dieu, jouissant de son intimité et de sa paix. Tout l’être du croyant est en effet tendu vers le Seigneur, poussé par un désir presque physique et instinctif: « Mon âme soupire et languit après le parvis de YHWH, mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant » (v. 3). Le temple réapparaît ensuite à la fin du Psaume (cf. vv. 11-13). Le pèlerin exprime son grand bonheur de passer quelque temps sur le parvis de la Maison de Dieu et il oppose ce bonheur spirituel à l’illusion de l’idôlatrie, qui pousse vers « la tente de l’impie », c’est-à-dire les temples infâmes de l’injustice et de la perversion.
3. Ce n’est que dans le sanctuaire du Dieu vivant que se trouve la lumière, la vie, la joie et qu' »est heureux qui se fie » au Seigneur, en choisissant la voie de la rectitude (cf. vv. 12-13). L’image du chemin nous conduit au centre du Psaume (cf. vv. 5-9), où se déroule un autre pèlerinage plus significatif. Si celui qui habite dans le temple de façon stable est heureux, celui qui décide d’entreprendre un voyage de foi vers Jérusalem est encore plus heureux.
Les Pères de l’Eglise, dans leurs commentaires au Psaume 83, accordent eux aussi une importance particulière au verset n. 6: « Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au cœur les montées ». Les anciennes traductions du Psautier parlaient de la décision d’accomplir les « ascensions » vers la ville sainte. C’est pourquoi, pour les Pères, le pèlerinage à Sion devenait le symbole du progrès permanent des justes vers les « tentes éternelles », où Dieu accueille ses amis dans la pleine joie (cf. Lc 16, 9).
Nous voudrions nous arrêter un moment sur cette « ascension » mystique, qui trouve dans le pèlerinage terrestre une image et un signe. Et nous le ferons à travers les paroles d’un écrivain chrétien du VIIe siècle, abbé du monastère du Sinaï.
4. Il s’agit de Jean Climaque, qui a consacré un traité tout entier – L’échelle du Paradis – à l’illustration des degrés innombrables par lesquels s’élève la vie spirituelle. A la fin de son œuvre, il donne la parole à la charité elle-même, placée au sommet de l’échelle du progrès spirituel.
C’est elle qui invite et qui exhorte, en proposant des sentiments et des attitudes déjà suggérés par notre Psaume: « Montez, frères, montez. Cultivez dans votre cœur, frères, le vif désir de monter toujours (cf. 83, 6). Ecoutez l’Ecriture qui invite: « Venez, montons à la montagne de YHWH, à la maison du Dieu de Jacob » (Is 2, 3), qui rendit nos pieds rapides comme ceux d’un cerf et qui nous donna pour objectif un lieu sublime, afin qu’en suivant ses voies nous puissions vaincre (cf. Ps 17, 33). Pressons-nous donc – comme il est écrit – tant que nous n’aurons pas tous rencontré dans l’unité de la foi le visage de Dieu et que, après l’avoir reconnu, nous n’aurons pas rejoint l’homme parfait dans la pleine maturité de l’âge du Christ (cf. Ep 4, 13) » (L’échelle du Paradis, Rome 1989, p. 355).
5. Le Psalmiste pense tout d’abord au pèlerinage concret qui conduit à Sion à partir de diverses localités de la Terre Sainte. La pluie qui tombe lui semble une anticipation joyeuse des bénédictions qui l’envelopperont comme un manteau (cf. Ps 83, 7) lorsqu’il sera devant le Seigneur dans le temple (cf. v. 8). Le voyage fatigant à travers « le val des pleurs » (cf. v. 7) est transfiguré par la certitude que l’objectif est Dieu, celui qui donne la force (cf. v. 8), qui écoute la supplication des fidèles (cf. v. 9) et devient son « bouclier » protecteur (cf. v. 10).
C’est précisément sous cette lumière que le pèlerinage concret se transforme – comme les Pères en avaient eu l’intuition – en une parabole de la vie tout entière, tendue entre l’éloignement et l’intimité avec Dieu, entre le mystère et la révélation. Même dans le désert de l’existence quotidienne, les six jours de travail de la semaine sont fécondés, illuminés et sanctifiés par la rencontre avec Dieu le septième jour à travers la liturgie et la prière de la rencontre dominicale.
Nous marchons alors, même lorsque nous nous trouvons dans le « val des pleurs », en gardant le regard fixé vers cet objectif lumineux de paix et de communion. Nous aussi nous répétons dans notre cœur la béatitude finale, semblable à une antienne qui scelle le Psaume: « YHWH Sabaot, heureux qui se fie en toi! » (v. 13).
©L’Osservatore Romano