CITE DU VATICAN, Dimanche 28 juillet 2002 (ZENIT.org) – « Be strong! Courage! Animo! Coraggio! »: lorsque Jean-Paul II improvise dans son homélie où il jongle avec les langues, c’est d’abord pour transmettre aux jeunes du monde accourus à Toronto et en partance pour Cologne la vertu de « courage ».
Les improvisations ont en effet émaillé cette célébration de la messe de conclusion de la JMJ sur l’immense domaine de Downsview, naguère terrain militaire et qui accueille aujourd’hui celui dont le cardinal Stafford salue le courage et ses centaines de milliers d’émules du IIIe millénaire.
D’emblée ses paroles sont des exhortations au courage: « Be strong! Courage! Animo! Coraggio! Vous êtes la vitalité et la force de l’Eglise… Continuez à avancer dans le IIIe millénaire comme levain de vie nouvelle. Portez avec vous la lumière de la foi et de l’Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, prêts à rendre compte de votre espérance. Soyez le sel de la terre et la lumière du monde! »
Saint Pierre
Un courage que le cardinal James Stafford, président du conseil pontifical pour les Laïcs, salue précisément en Jean-Paul II. Le courage de celui qui descend de l’avion par les marches de la passerelle, une à une, symbole de l’échelle mystique dont parlent les Pères de l’Eglise, rappelle le cardinal Stafford. Un courage qui est un modèle et où s’exprime la « paternité spirituelle » de Jean-Paul II, souligne encore le cardinal. Citoyen des Etats-Unis, le cardinal Stafford s’adresse pourtant au pape dans les deux langues du Canada. Et, en français, il fera finalement au pape le cadeau de ce beau lapsus: « Merci Saint Pierre! »
Jean-Paul II lui-même improvise en français, avec ces observations, qu’il affectionne, dans le langage, universel, de la météo spirituelle: « Le baptême fait de façon naturelle! La pluie, la pluie nous rappelle l’eau du baptême. Alors prions! »
Et l’oraison demande, après le Gloria: « Toi dont l’Esprit met fin à la médiocrité, fais de nous des flambeaux qui dissipent les ténèbres ».
La lecture d’un chapitre du livre d’Isaïe invite à « défaire les chaînes injustes », « délier les liens du joug », « renvoyer libre les opprimés », partager le pain avec l’affamé », « héberger les pauvres sans abri », « vêtir celui qui est nu »… (ch. 58, 6 et suiv.).
En compétition
Dans son homélie, tour à tour Jean-Paul II ou la foule accentuent une parole. « Ecoutez la voix de Jésus », insiste-t-il.
Une voix exigeante: « Le Seigneur vous invite à choisir entre ces deux voix, qui sont en compétition pour s’emparer de votre âme, avertit le pape. Ce choix constitue la substance et le défi de la Journée mondiale de la Jeunesse ».
Il les interroge: « Pourquoi vous êtes-vous rassemblés ici de toutes les parties du monde? » Et répond en renforçant l’interrogation: « Pour dire ensemble au Christ: « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Qui? Qui? Qui? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Jésus, l’ami intime de chaque jeune, a les paroles de la vie ».
Le monde a besoin de vous
« Le monde dont vous hériterez est un monde qui a désespérément besoin d’un sens renouvelé de la fraternité et de la solidarité humaine. C’est un monde qui a besoin d’être touché et guéri par la beauté et par la richesse de l’amour de Dieu. Le monde actuel a besoin de témoins de cet amour », dit encore le pape en ajoutant: « Il a besoin de VOUS! »
Il continue: « Il a besoin que vous soyez le sel de la terre et la lumière du monde ». Le pédagogue insiste en quittant son discours pour regarder la foule immense qui répond « oui » par ses acclamations: « Le monde a besoin de vous. Il a besoin de cela: vous, comme sel de la terre et lumière du monde ».
La pluie, le vent, le soleil!
Au moment où il passe à l’espagnol, le pape remarque: « Voyez! Voilà le soleil! » En effet la foule venait d’essuyer un orage qui avait fait sortir imperméables et parapluies et avait contraint les jeunes dépourvus de cet attirail, à s’emmitoufler comme ils pouvaient , parfois dans un drapeau, où à s’inventer un abri de sacs poubelles.
« La pluie, le vent, le soleil! », commente encore le pape tandis que les jeunes reprennent l’acclamation de Mexico qui depuis a fait le tour du monde en passant par la Place Saint-Pierre: « Juan Pablo Secundo te quiere todo el mundo! »
Le soleil ne quittera plus l’esplanade, et le bleu du ciel répondra bientôt au bleu des océans qui sert de fond à la grande croix jaune d’or surplombant le podium, au bleu des bouleaux figurés au fond de la scène et rappelant les forêts des premiers habitants du continent, au bleu des croix imprimé sur les chasubles. Jaune (le soleil), bleu (le ciel, l’océan, les lacs, les fleuves!), rouge (l’érable!), couleurs des populations indigènes et couleurs du logo de la JMJ. S’il n’y avait pas eu l’orage, l’esplanade aurait été une fournaise: 32°C, ce soir, à Toronto! Et s’il n’y avait pas eu l’orage, les jeunes n’auraient pas vu apparaître le signe biblique de l’alliance: l’arc-en-ciel!
Humaniser le monde
« Nous continuons avec le sel, reprend Jean-Paul II en interrompant la longue ovation. En suivant Jésus, vous devez changer et améliorer la «saveur» de l’histoire humaine. Par votre foi, votre espérance et votre amour, par votre intelligence, votre courage et votre persévérance, vous devez humaniser le monde dans lequel nous vivons ». Et de citer Isaïe 58.
Le thème du courage revient en anglais avec ces invitations: « ne vous découragez pas! », « servir », « faire le bien », « n’ayez pas peur ». Et lui-même ne craint pas d’affronter les récents scandales qui ont secoué l’Amérique du Nord: « Si vous aimez Jésus, aimez l’Église ! Ne vous découragez pas devant les fautes et les manquements de certains de ses fils ! Le préjudice causé par certains prêtres et religieux à des personnes jeunes et fragiles nous remplit tous d’un profond sentiment de tristesse et de honte. Mais pensez à la grande majorité des prêtres et des religieux qui vivent généreusement leur engagement, et dont l’unique désir est de servir et de faire le bien ! » Acclamations, prolongées: chacun songe à un visage, un nom.
La voie royale
« Aujourd’hui, il y a ici beaucoup de prêtres, de séminaristes et de personnes consacrées: soyez proches d’eux et soutenez-les ! » Les jeunes acquiescent.
Jean-Paul II va jusqu’au bout de sa pensée: « Et si, au plus profond de votre cœur, vous entendez résonner le même appel au sacerdoce ou à la vie consacrée, n’ayez pas peur de suivre le Christ sur la voie royale de la Croix ! »
La jeune foule redouble d’applaudissements et d’acclamations tonitruantes. Le pape, doucement sourit, et il écoute longuement cette réponse étonnante autant que l’exigence de son exhortation. Il va remettre à douze jeunes, à la fin de la célébration, la Croix du Chiapas que chaque participant à trouvée dans le « sac du pèlerin », cette besace rouge comme la feuille d’érable du drapeau canadien.
Aucune difficulté ne peut étouffer l’espérance
Alors, Jean-Paul II n’hésite pas à les entraîner encore plus loin: « Dans les moments difficiles de l’histoire de l’Église, le devoir de la sainteté devient encore plus urgent. Et la sainteté n’est pas une question d’âge. La sainteté, c’est vivre dans l’Esprit Saint, comme l’ont fait Kateri Tekakwitha et de nombreux autres jeunes ».
L’exhortation se fait confidence: » Vous êtes jeunes, le Pape est âgé et un peu fatigué »: il se laisse encore une fois interrompre, ovations, sifflets d’enthousiasme à l’américaine, applaudissements.
« But, but!, répète-t-il finalement en anglais. « Mais, mais, il fait encore siennes vos attentes et vos espérances ». Ils répondent, enthousiastes, convaincus, affectueux. Il les écoute et reprend: « Même si j’ai vécu des moments de profondes ténèbres, sous
de durs régimes totalitaires, j’ai vu assez de choses pour être convaincu de manière inébranlable qu’aucune difficulté, qu’aucune peur n’est assez grande pour étouffer complètement l’espérance qui jaillit éternellement dans le cœur des jeunes ». Et il détache la fin « OF THE YOUNG! »
Des témoins crédibles
Et les jeunes de répondre, comme à Denver: « John Paul Two, we love you! John Paul Two, we love you! » John Paul Two ajoute: « Vous êtes notre espérance! You are our hope! The Young are our hope ».
Jean-Paul II achève son homélie par une prière qui inspirera peut-être un jeune musicien et où le pape demande au Christ: » Fais d’eux des témoins crédibles de ton Évangile, dans un monde qui a tant besoin de ta grâce qui sauve « .
Les moments de manifestation de vraie affection ont eux aussi donné à la célébration ce visage profondément humain qui caractérise les célébrations des JMJ et en particulier ces journées canadiennes, comme par exemple ces propos impromptus du pape et des jeunes lors de la procession d’offertoire, du signe de la paix, de la remise de la croix, ou du dernier au-revoir, entouré de deux jeunes aidant à conduire la plate-forme mobile. L’hélicoptère s’envole: seuls les moteurs étouffent l’ovation.