CITE DU VATICAN, Jeudi 25 avril 2002 (ZENIT.org) – Plusieurs évêques de France se sont prononcés dès le lendemain du premier tour des élections présidentielles et continuent de s´exprimer. Ils réagissent devant le taux d´abstention en appelant les catholiques à la responsabilité et au vote, et ils les invitent, en vue du second tour de la présidentielle et des législatives à « discerner les valeurs fondatrices de la démocratie », comme l´écrit Mgr Ricard, et à choisir les valeurs évangéliques.
Après les réactions du président de la conférence des évêques, Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, et celle du cardinal archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger (cf. ZF020422), repris par leurs confrères sous différents angles, le site de la conférence des évêques de France (cef.fr)
continue de publier les réactions des évêques dans un dossier. D´autres évêques sont intervenus oralement à la télévision.
Le devoir de secourir le pauvre et l´étranger
Un Message de Mgr Émile Marcus, archevêque de Toulouse, invite, le 24 avril, à voter (ne pas le faire, sauf cas de force majeure est une « faute »), à éclairer sa conscience et à agir « la tête froide ».
Pour ce qui est du devoir d´éclairer sa conscience pour voter, l´évêque constate: « Nous ne sommes pas démunis de possibilités de réfléchir. Nous ne saurions notamment perdre de vue que la défense de la démocratie demeure toujours un élément primordial de discernement, que ce soit au moment de voter ou plus largement dans toute action politique ».
Points de repère
Et de préciser: « On voit mal que l´on puisse faire aujourd´hui une politique qui n´affirme pas au premier rang de ses points de repère un crédit indiscutable des droits de l´homme, la dignité de la personne humaine quelle que soit son origine, le devoir de secourir le pauvre et l´étranger, la nécessité de vivre la citoyenneté tout à la fois au plan de la nation, de l´Europe et du monde ? Tout cela évidemment, pour un catholique, en fonction des exigences que manifestent l´Évangile et l´enseignement de l´Église. Et sans oublier ces autres objectifs que sont le soutien de la famille et l´accueil des jeunes dans la vie active ».
« Je fais mienne la conclusion du message que le Président de la Conférence des Évêques de France a rendu public dès le lendemain du premier tour de cette élection présidentielle, conclut Mgr Marcus : » Dans la période qui s´ouvre, nous devons tous faire appel à l´intelligence plutôt qu´à l´instinct, au discernement plutôt qu´à la seule spontanéité, à la sérénité plutôt qu´à la peur « . Autrement dit s´il importe d´avoir le cœur chaud il faut plus que jamais garder la tête froide ».
Ensemble en démocratie
« Vivre ensemble en démocratie »: c´est le thème de fond du Message, en date du 24 avril, de Mgr Pierre Raffin, évêque de Metz. Mgr Raffin qui se déclare « solidaire de la déclaration de Mgr Ricard rappelle que « la peur est mauvaise conseillère » pour conclure: « Le vote (…) est une obligation grave à laquelle on ne saurait se soustraire ».
« Comment ne pas être solidaire de la dernière déclaration du président de la Conférence des évêques de France » discerner les valeurs fondatrices de la démocratie « , écrit Mgr Raffin.
Il analyse en ces termes le vote du 21 avril: « Les résultats du scrutin du 21 avril révèlent en effet, en Moselle comme dans le reste de la France, une crise profonde de la société, qui génère chez beaucoup un sentiment de peur et d´insécurité.
« La peur l´emporte souvent dans les quartiers dits sensibles où vivent des jeunes désœuvrés et blessés par de graves carences éducatives et sociales : certains d´entre eux n´ont jamais vu leurs parents travailler !
Les Lorrains en savent quelque chose
« La peur l´emporte aussi dans le monde du travail conscient de la fragilité d´entreprises que l´on délocalise avec légèreté sans considération des personnes, les récentes affaires Bata et Daewo en sont des exemples parmi bien d´autres.
« La peur l´emporte encore lorsque l´on diabolise l´étranger, pourtant attiré par la tradition d´hospitalité de notre pays – les Lorrains en savent quelque chose – et que l´on est sollicité de se replier sur ses frontières hexagonales.
« Mais la peur est mauvaise conseillère. Elle ne sera vaincue ni par la répression, ni par un néo-fascisme qui cherche à dissimuler sa véritable nature, mais par un sursaut démocratique. En démocratie, les décisions ne se prennent pas dans la rue, ni sous les feux des médias, mais au Parlement grâce au débat et au vote des élus de la Nation ».
Le « courageux message » de l´archevêque de Paris
Le Message de Mgr Brincart, évêque du Puy-en-Velay, adressé aux catholiques de son diocèse, le 24 avril, rappelle tout d´abord « l´importance du devoir électoral ». Il cite les paroles « courageuses » de l´archevêque de Paris et conclut en confiant « l´avenir de notre pays à Notre-Dame du Puy ».
« Celui qui veut incarner la foi au Christ dans sa vie, désire accomplir ce devoir à la lumière d´une conscience éclairée par les enseignements tirés de l´Évangile, affirme Mgr Brincart. De tels enseignements concernent, en particulier, le respect absolu de la dignité de la personne humaine, l´urgence d´une vraie justice sociale, la nécessité de bâtir l´unité de la nation sur la promotion de valeurs universelles qu´aucune ambition politique ne saurait ignorer ou détourner à des fins partisanes, sans, par le fait même, porter gravement atteinte au bien de tous ».
« C´est dans cet esprit, ajoute Mgr Brincart, que je veux me faire l´écho du courageux message que vient de publier le cardinal archevêque de Paris :
« Le résultat du premier tour des élections présidentielles met au jour la crise profonde et les bouleversements que connaît la société française depuis plusieurs dizaines d´années. L´Église et les chrétiens ne peuvent accepter que l´on détourne de leur signification les symboles et les convictions religieuses au service de la polémique électorale. L´avertissement ne servira de rien s´il n´entraîne pas une prise de conscience et un véritable effort de réflexion de la part des responsables de la vie politique, de l´information, de la vie sociale et aussi de l´ensemble des citoyens pour préparer dans la paix et le respect mutuel l´avenir de notre société. Enfin, la paix civile repose sur l´arbitrage démocratique. La violence n´est jamais l´instrument de la raison, ni de la charité ».
Développer une vraie solidarité
Dans un Communiqué du 23 avril, Mgr Jacques David, évêque du diocèse d´Evreux, s´adresse aux catholiques de l´Eure. « Voter est notre dignité de citoyen et notre foi nous le rappelle, déclare l´évêque. Voter, c´est prendre parti pour la réussite de la société. La réussite de la société passe par notre volonté infatigable de vivre ensemble. Avec nos différences, sans que personne ne soit mis de côté en raison de ses opinions, de sa religion, de ses origines, sans avoir peur les uns des autres. Sinon nous nous éloignons de l´Évangile ». Mgr David insiste: « Pour beaucoup les temps sont durs. La peur peut être mauvaise conseillère. Par notre vote, il nous revient de développer une vraie solidarité pour que chacun se sente reconnu, respecté, retrouve confiance. Tel est le message du Christ ».
Résister à la peur, à la haine et au mépris
Dans une intervention en quatre points, du 22 Avril, Mgr Claude Dagens, évêque d´Angoulême, interroge: « Au sujet des élections : que voulons-nous vraiment pour notre société ? » Tout d´abord, l´évêque dégage « la signification politique de ce premier tour ».
Ensuite, Mgr Dagens affirme: « Ces résultats obligent à repenser l´action politique et ses buts ». « Quels
sont ces buts ?, demande-t-il. Non pas de gagner pour gagner, comme on gagne une course de chevaux. Car l´action politique n´est pas un jeu. Elle est un travail et une lutte. Les hommes et les femmes politiques travaillent sur la société pour l´améliorer, en affirmant la force du pouvoir politique, en cherchant à réduire les inégalités, en fixant des règles à la vie économique, pour qu´elle n´obéisse pas aux seules lois d´un marché sans contrôle, et surtout en empêchant la société de se refermer sur elle-même ».
A ce sujet, l´évêque évoque un événement de son diocèse: « Je ne peux pas oublier que l´engagement politique de notre Église de Charente a été marqué par la journée du samedi 15 décembre, quand nous avons examiné, avec le président du Secours catholique, Joël Thoraval, la situation des pauvres et des étrangers parmi nous, et en donnant la parole à ces pauvres et à ces étrangers ».
L´évêque avance une troisième question: « À quoi faut-il résister ? Pour quoi faut-il lutter? » Et de répondre: » Il faut résister à la peur, à la haine et au mépris. Avec réalisme et avec conviction. Et il faut lutter pour faire reculer le désarroi chez ceux qui souffrent de l´absence de solidarité, en leur donnant des moyens et des raisons de vivre, en faisant progresser la solidarité et la fraternité, pas seulement en paroles, mais en actes ».
Il conclut: « Bien entendu, ces combats politiques, pour nous, s´enracinent dans la tradition et dans la foi chrétiennes ».
« J´étais étranger… » (Mt 25)
Rappelons que d´autres évêques sont intervenus au lendemain du premier tour, comme Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis en France, et membre du Conseil pontifical Justice et Paix.
Mgr de Berranger a déclaré mardi 23 avril, à la télévision LCI qu´on ne pouvait être « catholique clairvoyant » et voter Jean-Marie Le Pen, « héritier d´une tradition totalitaire et antichrétienne », rapporte l´AFP. L´évêque de Saint-Denis s´est indigné que le président du Front national « cite subrepticement Jean Paul II pour tenter de manipuler l´opinion publique ».
Dimanche 21 avril, au soir, M. Jean-Marie Le Pen avait en effet lancé aux électeurs : « N´ayez pas peur, entrez dans l´espérance ». Des exhortations qui ont marqué le pontificat de Jean-Paul II et le Jubilé.
Mgr Dagens rappelait à ce propos sur la chaîne de télévision France 3, le 24 avril que ces expressions sont d´abord issues de l´Evangile et en particulier de l´exhortation du Christ ressuscité à ses disciples (« N´ayez pas peur »). Mgr Dagens qui invitait à nouveau ses diocésains à se déterminer en fonction des valeurs affirmées par l´Evangile, et citait la page de Saint Mathieu: « J´avais faim…, j´avais soif…, j´étais étranger… » (Mt 25, sur le Jugement dernier).
Pour sa part, le cardinal Lustiger a écrit: » L´Église et les chrétiens ne peuvent accepter que l´on détourne de leur signification les symboles et les convictions religieuses au service de la polémique électorale ».