CITE DU VATICAN, Mardi 12 mars 2002 (ZENIT.org) - Le Nouvel An chinois sera désormais un jour chômé dans tout le pays : un geste bien accueilli par la communauté sino-indonésienne mais insuffisant pour assurer une vraie égalité des droits, indique la revue des Missions étrangères de Paris, dans son édition du 1er mars (EDA, cf. eglasie.mepasie.org).

Le 17 février dernier, à l’occasion d’une célébration organisée dans un parc d’exposition de Djakarta pour marquer la fin des festivités du Nouvel An chinois, la présidente Megawati Sukarnoputri a créé la surprise en déclarant que désormais, à compter de 2003, Imlek, nom indonésien du Nouvel An chinois, sera une fête chômée dans tout le pays.

Jusqu’alors, Imlek, fêté cette année le 12 février, n’était pas un jour férié bien que, dans les villes et les régions du pays où la population d’origine chinoise est importante, la plupart des écoles, des commerces et des bureaux étaient de fait fermés. « Je sais que c’est le souhait de beaucoup de voir le Nouvel An chinois devenir un jour férié. Au nom de la solidarité nationale, je décrète Imlek jour chômé dans le pays tout entier », a déclaré la présidente qui a ajouté : « Pour nous, les différences, ainsi que le caractère pluriel de notre nation le montre, sont un fait. Qu’on l’apprécie ou non, c’est le visage de notre pays […]. J’appelle tous les Indonésiens à accepter et à respecter ces différences. »

Les Sino-Indonésiens ont bien entendu exprimé leur assentiment à cette décision mais un certain nombre d’observateurs locaux ont fait part de certaines réserves. Pour le P. Ignatius Wibisono, jésuite et enseignant à l’Ecole de philosophie Driyarkara de Djakarta ainsi qu’à l’Université d’Indonésie, « la décision du gouvernement est incontestablement quelque chose de nouveau pour les Indonésiens d’origine chinoise à qui il était interdit de célébrer publiquement leurs fêtes culturelles et religieuses ».

Mais l’annonce de la présidente doit être comprise, poursuit ce prêtre, expert en culture chinoise, comme un geste purement politique visant à restaurer l’image des autorités auprès de la communauté chinoise et à panser ce qui a été blessé. « De ce point de vue, l’annonce n’atteint pas son objectif, poursuit le P. Wibisono. Ce que revendiquent les Sino-Indonésiens, c’est l’abandon des pratiques discriminatoires à leur égard, le droit d’être traités de la même façon que les autres citoyens indonésiens. C’est à cela que le gouvernement doit répondre. »

Pour le député d’origine chinoise, Alvin Lie, membre du PAN (National Mandate Party), l’important n’est pas tant de décréter un jour de congé de plus ou de moins mais « d’abolir tous les règlements et les pratiques discriminatoires à l’encontre des Sino-Indonésiens ». Depuis l’abolition en janvier 2000 par le président Abdurrahman Wahid du décret N° 14 de 1967, qui, deux ans après le coup d’Etat manqué attribué au Parti communiste indonésien et à la Chine populaire, avait interdit l’expression des pratiques religieuses et culturelles liées à la tradition chinoise, les réformes visant à supprimer la discrimination à l’encontre des Sino-Indonésiens se sont enlisées, estime Alvin Lie.

Aujourd’hui encore, constate EDA, une cinquantaine de lois et de décrets organisent cette discrimination : les Indonésiens d’origine chinoise portent sur leurs papiers d’identité la mention de leur appartenance ethnique, sont obligés d’apporter la preuve de leur citoyenneté pour la plupart de leurs démarches officielles et payent à cette occasion des droits plus élevés que les autres citoyens indonésiens (demande de passeport, par exemple).

Selon Easter Jusuf Purba, d’origine chinoise et membre de Solidarity Nusa Bangsa, une ONG active dans le domaine de la défense des droits de l’homme, la discrimination s’étend à d’autres domaines, comme la conduite des affaires commerciales ou politiques. A diverses occasions, par le biais du Conseil de coordination des affaires ethniques chinoises, rattaché à l’armée, des responsables de la communauté chinoise ont reçu des menaces leur promettant des émeutes semblables à celles du mois de mai 1998, date à laquelle un millier de personnes ont trouvé la mort et plusieurs centaines de femmes d’origine chinoise ont été violées.

Selon Said Aqil Al Munawar, ministre des Affaires religieuses, les adeptes du confucianisme représentent environ 5 % des 220 millions d’Indonésiens et la décision de faire d’Imlek un jour chômé dans tout le pays n’est que justice, étant donné que chacune des grandes religions reconnues par les autorités dispose déjà de jours fériés. Mais, pour le P. Wibisono ou pour Easter Jusuf Purba, les choses ne sont pas si simples. En effet, les autorités ne semblent pas avoir décidé si Imlek est célébré au titre d’une fête religieuse ou à celui d’une pratique culturelle.

Dans le premier cas, précise EDA, le confucianisme doit alors être reconnu comme une religion à part entière. Dans le second, accorder un traitement particulier à la communauté chinoise peut provoquer des jalousies au sein d’autres groupes ethniques dans le pays. « Je me demande si des groupes aborigènes ne désirent pas avoir leurs propres jours fériés. Pourquoi ne décréterions-nous pas, pour eux, de nouveaux jours chômés par tous ? », s’est ainsi interrogé Astrid S. Susanto, député inscrit à la FKKI (Faction pour l’unité nationale de l’Indonésie).