Le pape François s'est rendu en voiture ouverte à la Piazza Unità d'Italia, où il a présidé la messe à 10h00 © Vatican Media

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Quel obstacle nous empêche-t-il de croire en Jésus ? 

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Le pape François répond dans l’homélie sur la Piazza Unità d’Italia (Trieste)

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À l’issue de la rencontre avec les participants de la Semaine catholique italienne au « Generali Convention Centre », le pape François s’est rendu en voiture ouverte sur la Piazza Unità d’Italia, où il a présidé la sainte messe à 10 heures. Une centaine d’évêques et 260 prêtres ont concélébré avec le pape. Des évêques et des pasteurs des Églises orthodoxe serbe, orthodoxe grecque et luthérienne étaient également présents. 

Avant la célébration de la sainte messe sur la Piazza Unità d’Italia, le pape a rencontré Maria, une habitante de Trieste âgée de 111 ans, avec laquelle il a échangé une brève salutation. Le pontife lui a remis un chapelet et l’a bénie.

 

Voici la traduction en français de l’homélie du pape par ZENIT

Pour réveiller l’espérance des cœurs affligés et pour soutenir les fatigues du voyage, Dieu a toujours suscité des prophètes au sein de son peuple. Cependant, comme nous le raconte la première lecture d’aujourd’hui dans l’histoire d’Ézéchiel, ils ont souvent rencontré un peuple rebelle, « des enfants têtus et au cœur dur » (Ez 2, 4), et ils ont été rejetés.

 

Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli

Jésus fait la même expérience que les prophètes. Il revient à Nazareth, sa patrie, au milieu du peuple avec lequel il a grandi, mais il n’est pas reconnu, il est même rejeté : « Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1, 11). L’Évangile nous dit que Jésus « leur fit scandale » (Mc 6, 3), mais le mot « scandale » ne se réfère pas à quelque chose d’obscène ou d’indécent comme nous l’utilisons aujourd’hui ; scandale signifie « pierre d’achoppement », c’est-à-dire un obstacle, un empêchement, quelque chose qui te bloque et t’empêche d’aller plus loin. Demandons-nous : quel est l’obstacle qui nous empêche de croire en Jésus ?

En écoutant les discours de ses compatriotes, nous constatons qu’ils ne s’attardent que sur son histoire terrestre, sur ses antécédents familiaux, et qu’ils ne parviennent donc pas à expliquer comment le fils de Joseph le charpentier, c’est-à-dire une personne ordinaire, peut avoir autant de sagesse et même la capacité d’accomplir des prodiges. Le scandale, c’est donc l’humanité de Jésus. L’obstacle qui empêche ces personnes de reconnaître la présence de Dieu en Jésus est le fait qu’il soit humain, qu’il soit simplement le fils de Joseph le charpentier : comment Dieu, qui est tout-puissant, peut-il se révéler dans la fragilité de la chair d’un homme ? Comment un Dieu tout-puissant et fort, qui a créé la terre et libéré son peuple de l’esclavage, peut-il devenir faible au point de venir dans la chair et de s’abaisser pour laver les pieds des disciples ? Tel est le scandale. 

Frères et sœurs, une foi fondée sur un Dieu humain, attentif à l’humanité, qui en prend soin, qui s’émeut de nos blessures, qui assume nos fatigues, qui rompt le pain pour nous. Un Dieu fort et puissant, qui est à mes côtés et qui me satisfait en tout, c’est attirant ; un Dieu faible, un Dieu qui meurt sur la croix par amour et qui me demande aussi de dépasser tout égoïsme et d’offrir ma vie pour le salut du monde ; et cela, frères et sœurs, c’est un scandale.

 

Nous avons besoin du scandale de la foi

Et pourtant, alors que nous nous tenons devant le Seigneur Jésus et que nous regardons les défis qui nous interpellent, les nombreuses questions sociales et politiques qui sont également débattues au cours de cette Semaine sociale, la vie concrète de notre peuple et ses luttes, nous pouvons dire qu’aujourd’hui, nous avons précisément besoin de ce scandale. Nous avons besoin du scandale de la foi. Nous n’avons pas besoin d’une religiosité égocentrique qui regarde vers le ciel sans se préoccuper de ce qui se passe sur terre et qui célèbre des liturgies dans le temple en oubliant la poussière qui court dans nos rues. Nous avons plutôt besoin du scandale de la foi, d’une foi enracinée dans le Dieu qui s’est fait homme, et donc d’une foi humaine, d’une foi de chair, qui entre dans l’histoire, qui caresse la vie des gens, qui guérit les cœurs brisés, qui devient le levain de l’espérance et la semence d’un monde nouveau.

C’est une foi qui réveille les consciences de la léthargie, qui met le doigt sur les blessures, sur les blessures de la société – qui sont nombreuses -, une foi qui pose des questions sur l’avenir de l’homme et de l’histoire. C’est une foi inquiète, et nous devons vivre une vie inquiète, une foi qui va de cœur en cœur, une foi qui reçoit de l’extérieur les problèmes de la société, une foi inquiète qui aide à vaincre la médiocrité et la paresse du cœur, qui devient une épine dans la chair d’une société souvent anesthésiée et abrutie par le consumérisme. Et je m’attarde un peu… On dit que notre société est un peu anesthésiée et abrutie par le consumérisme : vous êtes-vous déjà demandé si le consumérisme n’était pas entré dans votre cœur ? Cette angoisse d’avoir, d’avoir des choses, d’avoir plus, cette angoisse de gaspiller de l’argent. Le consumérisme est un fléau, c’est un cancer : il rend le cœur malade, vous rend égoïste, vous incite à ne regarder que vous-même. Frères et sœurs, nous avons surtout besoin d’une foi qui dissipe les calculs de l’égoïsme humain, qui dénonce le mal, qui pointe du doigt l’injustice, qui dérange les intrigues de ceux qui, à l’ombre du pouvoir, jouent avec la peau des faibles. Et que de personnes – nous le savons – utilisent la foi pour exploiter les gens. Ce n’est pas cela la foi.

 

L’infinitude de Dieu se cache dans la misère humaine

Un poète de cette ville, décrivant dans un texte son habituel retour à la maison le soir, dit qu’il passe par une rue un peu sombre, un lieu de déchéance où les hommes et les marchandises du port sont des « déchets », c’est-à-dire des rebuts de l’humanité ; et pourtant, ici même, il écrit, ainsi, je cite : « Je trouve, en passant, l’infini dans l’humilité« , parce que la prostituée et le marin, la femme querelleuse et le soldat, « sont tous des créatures de vie et de douleur ; il s’agite en eux, comme en moi, le Seigneur » (U. Saba, « Città vecchia », in Il canzoniere (1900-1954) Édition définitive, Turin, Einaudi, 1961.

Ne l’oublions pas : Dieu se cache dans les coins sombres de notre vie citadine, y avez-vous pensé ? Dans les coins sombres de la vie de notre ville  ? Sa présence se révèle précisément dans les visages creusés par la souffrance et où la décadence semble triompher. L’infinitude de Dieu se cache dans la misère humaine, le Seigneur s’agite et devient une présence amicale précisément dans la chair blessée des derniers, des oubliés, des mis au rebut. C’est là que le Seigneur se manifeste. Et nous, qui sommes parfois inutilement scandalisés par tant de petites choses, nous ferions bien de nous demander : pourquoi ne sommes-nous pas scandalisés par le mal qui sévit, par la vie humiliée, par les problèmes du travail, par la souffrance des migrants ? Pourquoi restons-nous apathiques et indifférents aux injustices du monde ? Pourquoi ne prenons-nous pas à cœur le sort des prisonniers, qui, même dans cette ville de Trieste, s’élève comme un cri d’angoisse ? Pourquoi ne contemplons-nous pas la misère, la douleur, la mise à l’écart de tant de personnes dans la ville ? Nous avons peur, nous avons peur d’y rencontrer le Christ.

 

Nous sommes appelés à être des prophètes, des témoins du Royaume de Dieu

Bien-aimés, Jésus a vécu dans sa chair la prophétie de la justice, en entrant dans la vie quotidienne et les histoires des gens, en manifestant de la compassion dans les événements, et il s’est manifesté comme Dieu, qui est compatissant. Et à cause de cela, certains ont été scandalisés par lui, il est devenu un obstacle, il a été rejeté au point d’être jugé et condamné ; cependant, il est resté fidèle à sa mission, il ne s’est pas caché derrière l’ambiguïté, il ne s’est pas accommodé de la logique du pouvoir politique et religieux. Il a fait de sa vie une offrande d’amour au Père. C’est ainsi que nous sommes chrétiens : nous sommes appelés à être des prophètes, des témoins du Royaume de Dieu, dans toutes les situations que nous vivons, dans tous les lieux où nous vivons.

Frères et sœurs, depuis cette ville de Trieste qui domine l’Europe, carrefour de peuples et de cultures, terre de frontières, nourrissons le rêve d’une nouvelle civilisation fondée sur la paix et la fraternité ; de grâce, ne nous scandalisons pas de Jésus mais, au contraire, indignons-nous de toutes ces situations où la vie est brutalisée, blessée, tuée ; portons la prophétie de l’Évangile dans notre chair, avec nos choix plutôt qu’avec des mots. Cette cohérence entre les choix et les mots. Et à cette Église de Trieste, je voudrais dire : allez-y ! allez-y ! Continuez à être en première ligne pour diffuser l’Évangile de l’espérance, en particulier à ceux qui viennent de la route des Balkans et à tous ceux qui, dans leur corps ou dans leur esprit, ont besoin d’encouragement et de consolation. Engageons-nous ensemble pour qu’en redécouvrant notre amour pour le Père, nous puissions tous vivre comme des frères et des sœurs. Tous frères, avec ce sourire d’accueil et la paix de l’âme. Je vous remercie.

 

Lire aussi : les paroles du pape à l’Angélus à Trieste
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Pape Francois

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