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Ces âmes qui me touchent

Témoignages de foi de Taïwan

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Curé depuis quelques mois au service de la paroisse Notre-Dame de Nansongshan, à Taipei, le père Vincent Balsan se met à la suite de deux confrères qui ont successivement partagé avec cette communauté leurs charismes respectifs.

Le travail de pasteur ne manque pas, ce qui me meut est plus que jamais l’espérance que Dieu me donne chaque jour. Quand je suis fatigué, je me dis que je suis un travailleur immigré en bonne santé, importé pour faire, à bas prix, ce que les gens ne veulent pas. Quand je suis en forme, j’imagine que je réalise mon rêve des bancs de fac, d’être chef d’entreprise. Quand je prie, je me rappelle que je suis serviteur de Jésus-Christ et je rends grâce pour toutes les âmes qu’il m’a confiées.

Madame Deng

Voici quelques-unes de ces âmes qui m’ont particulièrement marqué. Madame Deng est une aborigène de 50 ans qui se bat pour récupérer la garde de son petit-fils. Son propre fils, en prison, et sa belle-fille ne s’en occupent pas et les relations familiales passent, dorénavant, toutes par la barre du tribunal. Tant la santé que le niveau scolaire de l’enfant laissent à désirer. Madame Deng, baptisée petite dans la foi catholique, après une longue errance dans la religion populaire (mélange de taoïsme et d’autres croyances ou superstitions), est revenue à l’église grâce à l’accompagnement de l’équipe paroissiale Saint-Vincent-de-Paul. Sa psychologie fragile la met en grande tension dans son combat, et je réalise, peu à peu, qu’elle n’aura sans doute pas les ressources humaines et financières nécessaires pour s’occuper de son petit-fils. Elle menace parfois de se suicider, m’assaille très souvent de rafales de SMS, ne s’alimente pas toujours très bien, travaille au petit bonheur la chance et, surtout, passe son temps à fréquenter les hôpitaux. Avec l’équipe Saint-Vincent et plusieurs paroissiens, nous essayons de l’accompagner comme nous pouvons, priant pour elle, la réconfortant, lui faisant des courses et l’invitant à plus échanger avec l’assistant social. Quand, le dimanche, elle vient à la messe, plus en retard qu’à l’heure, elle entre fièrement en procession le long de l’allée centrale, pour se placer dignement au premier rang.

Le lycéen Yi-Ru

Yi-Ru est le seul non chrétien de sa famille. Son petit frère, baptisé l’année dernière, est maintenant servant de messe et fréquente assidûment le catéchisme, où il retrouve, avec joie, deux autres garçons de son âge, trio terrible qui met à rude épreuve les catéchistes. En regardant le film Titanic, Yi-Ru s’est mis à réfléchir, que, quand il mourra, il ne voudrait pas être séparé des siens, et que le plus sûr moyen d’être avec eux, c’est de demander le baptême. Seul hic, il n’a pas d’amis dans la paroisse et, quand il se lève, la messe est déjà achevée depuis longtemps. Pour l’instant, je m’émerveille de son désir et je prie pour voir comment, avec son parrain, nous pouvons lui rendre plus familière la communauté paroissiale et lui donner le goût de la prière.

Maman Tu

Maman Tu, décédée au bel âge de plus de 90 ans, est bien représentative de la société taïwanaise et du contexte actuel de l’Église catholique. D’une part, elle appartient à la classe super-âgée de la population qui ne fait que croître et qui requiert l’apport crucial d’aides-soignantes étrangères, d’autre part elle fait partie des 10 % de paroissiens autrefois assidus, à qui, faute de santé, il faut porter les sacrements durant des années, et dont les enfants retournent peu à peu, mais sûrement, vers le paganisme. Je consacre actuellement deux après-midi par mois à rendre visite à nos vieux paroissiens. Quand je constate que je ne passe pas autant de temps pour les jeunes, je me remets en question. Et, pourtant, pour ces personnes qui, souvent, ont rendu service à l’Église jusqu’à l’épuisement de leur force, il y a un devoir fraternel à les accompagner. Les enfants de Maman Tu ne croient presque plus en Dieu, dois-je la blâmer ? Une lecture du Manuel de survie pour les paroisses de James Mallon, prêtre canadien, m’a éclairé. Il remarque que les mêmes enfants, il y a un siècle, auraient très certainement suivi la foi de leur mère et se seraient même fait un devoir de la transmettre à leur propre descendance. Aujourd’hui, les traditions, surtout en matière de foi, ne se transmettent plus automatiquement. Aussi, il ne s’agit plus de penser en termes de pratiquants, mais de croyants, non pas d’aller à la messe, mais d’avoir faim de l’Eucharistie, non pas de connaître la Bible et le catéchisme, mais de tomber amoureux du Christ. Un mois avant sa mort, Maman Tu était suffisamment lucide pour se confesser. J’ai pu lui donner à temps l’extrême-onction. La chorale paroissiale était présente pour ses funérailles. Il faut à nouveau annoncer Jésus-Christ, je dois me rappeler que je suis là pour ça ! Priez pour moi, que je ne cesse d’annoncer l’espérance du Dieu sauveur !

 

P. Vincent Balsan, MEP

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