Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !
Je suis heureux de vous rencontrer à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Famille calasanzienne, qui vous réunit dans le charisme éducatif du patron universel de toutes les écoles populaires chrétiennes du monde, saint Joseph Calasanz, et à l’occasion du centenaire de la mort de deux de vos fondateurs, saint Faustino Míguez et la bienheureuse Celestina Donati.
Le Seigneur a inspiré à saint Joseph Calasanz l’idée de consacrer sa vie à l’éducation des jeunes, en particulier des petits et des pauvres, en tant qu’« ange gardien », pour reprendre l’expression avec laquelle il aimait lui-même définir la mission du « maître » : « ange gardien », c’est beau. Et vous poursuivez son œuvre qui, entre-temps, au fil des siècles, s’est étendue à quatre continents. Je voudrais donc souligner, en cette heureuse occasion, deux aspects de vos origines que je considère importants pour vous et pour votre avenir : le premier aspect, la docilité courageuse à la Providence ; le second aspect, l’attention à la croissance intégrale de la personne. La docilité courageuse à la Providence, l’attention à la croissance intégrale de la personne.
Premièrement : une docilité courageuse à la Providence. Votre fondateur, issu d’une famille aisée, probablement destiné à une carrière ecclésiastique – j’ai horreur de ce terme, « carrière ecclésiastique », il faut s’en débarrasser – arrivé à Rome avec des hautes fonctions, n’a pas hésité à bouleverser les plans et les perspectives de sa vie pour se consacrer aux enfants des rues qu’il rencontrait dans la ville. C’est ainsi que les Écoles Pies ont vu le jour : non pas tant comme le résultat d’un plan prédéfini et garanti, mais grâce au courage d’un bon prêtre qui s’est laissé impliquer dans les besoins de son prochain, lorsque le Seigneur les lui a présentés.
C’est vraiment beau et je voudrais vous inviter à maintenir, dans vos choix, la même ouverture et la même disponibilité, sans trop calculer, en surmontant les peurs et les hésitations, surtout face aux nombreuses et nouvelles pauvretés de notre temps (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 210). Les nouvelles pauvretés… et il serait bon qu’aujourd’hui ou demain, un de ces jours, dans votre rencontre, vous essayiez de décrire les nouvelles pauvretés, ce que sont ces nouvelles pauvretés. N’ayez pas peur de vous aventurer, de répondre aux besoins des pauvres, sur des chemins différents de ceux que vous avez empruntés dans le passé, même au prix d’une révision des modèles et d’un redimensionnement des attentes. C’est dans cet abandon confiant que se trouvent vos racines, et c’est en y étant fidèles que vous maintiendrez votre charisme vivant.
Deuxième aspect : l’attention à la croissance intégrale de la personne. La grande nouveauté des Écoles Pies a été d’enseigner aux jeunes pauvres, outre les vérités de la foi, les matières de l’éducation générale, en intégrant la formation spirituelle et intellectuelle pour préparer des adultes mûrs et capables. Il s’agissait d’une décision prophétique à l’époque, qui est encore valable aujourd’hui. J’aime parler, à cet égard, de faire l’unité, dans la personne, entre les « trois intelligences » – vous savez que nous n’avons pas trois intelligences ! [entre les « trois intelligences » : celle de l’esprit, celle du cœur et celle des mains – les mains sont intelligentes ! – et donc nous pouvons faire avec nos mains ce que nous sentons et pensons, sentir ce que nous pensons et faisons, penser ce que nous sentons et faisons. Les trois intelligences.
Aujourd’hui, il est très urgent d’aider les jeunes à réaliser ce type de synthèse, une unité harmonique des trois intelligences, à « faire l’unité » en eux-mêmes et avec les autres, dans un monde qui, au contraire, les encourage de plus en plus vers la fragmentation des sentiments et de la cognition, et vers l’individualisme dans les relations. Et sur cette insistance à avoir des relations « normales », en se regardant dans les yeux, et non des relations virtuelles via le téléphone portable.
Un évêque m’a raconté qu’un dimanche, ses cousins l’ont invité à déjeuner dans un restaurant et qu’à la table voisine se trouvait une famille : le père, la mère, le fils et la fille, tous avec leur téléphone portable, sans se parler. L’évêque, peu prudent, s’est levé, s’est approché d’eux et leur a dit : « Regardez, vous êtes une belle famille, mais pourquoi parlez-vous avec vos téléphones portables, pourquoi ne vous parlez-vous pas entre vous, ce qui est beaucoup plus agréable ? » Ils l’ont écouté, l’ont renvoyé et ont continué à faire comme avant. C’est terrible, c’est un manque d’humanité. Les trois formes d’intelligence. Et il est important que les jeunes fassent cette unité en eux-mêmes, avec les autres et avec le monde. Le modèle éducatif intégral est un « talent charismatique » très important que Dieu vous a confié, afin que vous le fassiez fructifier au mieux de vos capacités, pour le bien de tous.
Chers amis, je voudrais conclure en soulignant un dernier aspect positif de votre présence ici : marcher ensemble. Je me réjouis de voir comment vous tous – hommes et femmes, consacrés et laïcs – à l’écoute de l’Esprit, avez ressenti le besoin de « faire famille », d’unir vos forces et de partager vos expériences dans un réseau de charité, au service de vos frères et sœurs (cf. Exhortation apostolique Christus vivit, n. 222). C’est le style de Jésus (cf. Mc 3, 14-15 ; Mt 18, 20), et c’est aussi le style de l’Église (cf. Constitution dogmatique Lumen gentium, 7 ; Constitution pastorale Gaudium et spes, 92).
Merci pour cela et pour tout ce que vous faites. Je vous bénis de tout cœur et vous demande de prier pour moi.