« Dieu a mis ces deux peuples ici : ni l’un ni l’autre ne disparaîtra », déclare le P. Neuhaus à Radio Vatican, où il plaide pour la reprise du dialogue entre Palestiniens et Israéliens.
« La situation à Jérusalem est de plus en plus préoccupante. Une "Journée de colère" a été organisée par le Hamas en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pour ce vendredi 16 octobre, à l’issue de la prière des musulmans. Entre-temps, hier, mercredi 14 octobre, Abou Mazen a demandé la protection internationale pour l’esplanade des Mosquées tandis que le secrétaire d’État américain, John Kerry, a annoncé qu’il sera bientôt au Moyen-Orient pour aider au retour au calme entre Israéliens et Palestiniens », explique Radio Vatican en italien.
Le père David Neuhaus, SJ, vicaire du patriarcat latin de Jérusalem pour les catholiques de langue hébraïque, a évoqué le climat de tension dans la région.
Père David Neuhaus — C’est une situation très triste… Une tristesse mêlée à beaucoup de peur. Les juifs vivent dans la peur, les Palestiniens vivent dans la peur… Hier j’ai parlé avec un homme qui m’a dit qu’il n’avait pas envoyé ses enfants à l’école depuis trois jours, parce qu’il a peur de ne pas les voir revenir vivants. Espérons que le Saint Esprit inspirera nos chefs afin qu’ils fassent des pas en avant et non en arrière, parce que pour le moment on ne voit rien de clair. Comme toujours, nous devons aller un peu plus au fond pour voir, parce que nos jeunes – des deux côtés – sont pris par cette violence, cette haine, ce refus total de l’autre. Et aller en profondeur pour trouver les racines de cette situation veut dire aussi comprendre un peu l’histoire, écouter l’autre parler de ses blessures. C’est un travail difficile…
Hier, Mahmoud Abbas a dit qu’on risque, à très court terme, un « conflit de religion » : cette préoccupation est-elle fondée ?
Mais, la pauvre religion… La religion est utilisée, manipulée : cela a toujours été comme ça, malheureusement, en Terre sainte. Mais ce n’est pas une guerre religieuse ici ; il y a le problème du refus de l’autre qui, au fond, n’est pas tellement basé sur la religion mais sur l’appartenance ethnique et nationale. Ici, c’est une guerre entre Israéliens et Palestiniens, et ici, la religion a toujours été utilisée pour se justifier. Faire entrer Dieu dans chaque formule politique est très, très dangereux !
L’imposition de barrages israéliens dans les zones palestiniennes de Jérusalem représente-t-elle, selon vous, une réelle mesure de sécurité ?
C’est difficile à dire. Ce qui est clair, c’est que les Israéliens ont peur et demandent à leurs chefs de prendre des mesures qui sont basées sur cette peur. Mais la réaction provoquée par la peur ne peut pas être une solution : nous devons comprendre qu’il y a ici une situation de dizaines d’années d’occupation militaire ; un peuple qui n’a pas de droits. Et ajouter la pression à l’oppression de ce peuple ne sera pas la solution ! J’ai été très, très touché quand le fils d’un homme qui a été tué dans l’autobus l’autre jour – un juif religieux – a dit après l’enterrement du papa : « Nous, nous ne cherchons pas la violence ni la vengeance pour la mort de mon papa. Mon papa a été un homme de dialogue, un homme simple… Pourquoi ne nous investissons-nous pas dans ce dialogue, pour chercher la solution ensemble ? »
Que pensez-vous du fait que l’on a décidé de démolir, en quelques dizaines d’heures, les maisons des Arabes impliqués dans les récentes attaques à Jérusalem, et qu’il a aussi été décidé de révoquer la résidence des familles des terroristes et de les expédier dans les Territoires occupés ?
Pas seulement, il y a aussi d’autres réactions : ne pas rendre les corps de ceux qui sont morts à leurs familles, les empêchant de leur donner une sépulture… Je suis Israélien, donc je dis « nous » : nous avons depuis des dizaines d’années ces réactions basées sur la peur. Nous avons éprouvé tout cela pendant des dizaines, des dizaines et des dizaines d’années tellement souvent, et nous devons comprendre ! Nous ne sommes pas stupides ! Cela ajoute de la haine, du refus. Dieu a mis ces deux peuples ici : ni l’un ni l’autre ne disparaîtra. Voici, je crois, le plus grand ennemi : quand nos chefs disent toujours que la victoire est proche et que nous devons résister jusqu’à la victoire ! Mais il n’y aura pas de victoire ! Il n’y aura de victoire que quand les deux peuples pourront s’asseoir ensemble et parler l’un avec l’autre : ce sera cela, la victoire !
Source : Radio Vatican en italien
© Traduction de Zenit, Constance Roques