Sur la communion et l’adoration

Mes chères filles,

Aujourd’hui, c’est plus particulièrement de la sainte Communion et de l’exposition du Saint Sacrement que je veux vous parler, et de la nécessité de renouveler souvent sa ferveur dans les exercices ordinaires, mais surtout dans ces deux actes à cause de leur sainteté plus grande. Nous vivons dans l’abondance des grâces de Dieu et il est à craindre que nous les recevons quelquefois avec routine et par habitude. Nous ne saurions trop, pour éviter cet écueil, nous ressouvenir de la grandeur du don que Dieu nous fait dans l’Eucharistie.

Nous, mes soeurs, qui avons le bonheur de communier [...] quelle préparation y apportons-nous, quelle attention, quelle ferveur ? Il faut souvent nous renouveler dans la grandeur de cette grâce. Pensez à la préparation que vous avez apportée à la réception de ce Pain à telle époque de votre vie, votre première Communion ou d’autres jours solennels dont vous conservez le plus de souvenirs, et chaque fois, il faudrait que les pensées de la foi que nous excitons en nous à ces moments dont je vous parle, redevinssent aussi vives et aussi fortes. La Communion doit nous sanctifier. Notre-Seigneur s’y donne à vous tout entier ; sa chair, son sang deviennent notre aliment. Il faut que cette céleste nourriture transforme notre âme et même notre corps, qu’elle ait une influence de paix, de recueillement, de modestie, de pureté sur tout notre être et lui imprime ce je ne sais quoi qui distingue la vierge chrétienne.

La Communion dépose en nos corps un germe de la résurrection et de la gloire future. Notre-Seigneur l’a dit : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang, je le ressusciterai au dernier jour." Enfin elle communique à votre corps la force nécessaire pour résister. C’est ce Pain des Anges qui donnait aux martyrs la force de supporter de si terribles tourments pour l’amour de Celui qu’ils portaient dans leur coeur. Vous n’avez pas de martyre à subir, mais vous avez des épreuves, des fatigues, des contradictions. Que la Communion soit toujours votre force. Les saints Pères comparent l’union si intime que vous contractez avec Notre-Seigneur dans la Communion à celle de deux morceaux de cire fondus ensemble et qu’on ne distingue plus l’un de l’autre. De là en effet le nom de chrétien, un autre Christ, de religieux, c’est-à-dire un être tout entier voué à Dieu, consacré à son service, devenu une chose sainte comme un calice.

Que ne fera pas Jésus-Christ dans votre âme, mes chères soeurs. Il n’est pas seulement la lumière de votre intelligence, la nourriture de votre âme, il en devient l’hôte béni, l’habitant et c’est une des raisons qui nous empêchent de désirer les visions, les faveurs extraordinaires. La Communion est une grâce vingt fois préférable à une vision. Si l’Enfant Jésus était déposé pour quelques instants dans vos bras, vous seriez certainement très heureuses, mais nous devons l’être bien plus de le recevoir dans notre coeur, parce qu’il y a là une véritable union. Et voyez en passant comme l’Église donne à ses enfants ce qu’elle a de meilleur : d’autres dons particuliers sont faits à quelques-uns, mais ce qui est le plus excellent, le plus substantiel est le partage de tous.

Mère Marie-Eugénie de Jésus
Fondatrice des Religieuses de l’Assomption
Nîmes, dimanche 20 novembre 1870