Élevé par une mère très chrétienne – restée veuve encore jeune – Jean (349-407) fait ses études à Antioche, sa ville natale ; puis il se sent appelé à la rude discipline des moines de Syrie. Mais là n’est pas sa voie. Il est ordonné prêtre à Antioche et s’y révèle un prédicateur éminent ; c’est son éloquence qui lui vaut le surnom de Chrysostome, c’est-à-dire « Bouche d’or ». Cette réputation le fait choisir pour le siège de Constantinople, ville impériale, où il se heurte à des intrigues de cour et à des mœurs cléricales relâchées. Très humain et proche de son peuple, il se fait le défenseur des pauvres face au luxe insolent des riches. Sa franchise lui vaut l’exil, dans les déserts voisins de la Mer Noire. C’est là qu’il meurt d’épuisement. Apôtre et moraliste, il affectionne Saint Paul qu’il lit et commente inlassablement. De lui nous reste un traité sur le Sacerdoce, plusieurs centaines de sermons et ses Lettres d’exil.
Le sang et l’eau sont les éléments constitutifs de l’Église
Contemplant le Christ en croix et méditant sur le sang et l’eau jaillis de son côté (Jean 19, 36-37), Chrysostome explique : « Les soldats vinrent briser les jambes des deux larrons ; mais ils ne les brisèrent pas au Christ … Ils percèrent son côté d ‘un coup de lance et outragèrent ainsi son cadavre… . Les actes que leur inspiraient leurs mauvais sentiments tournaient, en définitive, à l’honneur de la vérité ; car un prophète avait dit : « Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé » (Zacharie 12, 10). En même temps, un profond mystère est opéré. « Il en sortit du sang et de l’eau ». Ce n’est ni par hasard, ni sans but, que ces deux sources jaillirent : c’est parce que le sang et l’eau sont les éléments constitutifs de l’Église. Les nouveaux baptisés le savent, eux que les eaux ont régénérés et qui prennent pour aliment la chair, et le sang pour breuvage. Voici la raison d’être des sacrements ; car vous venez à cette coupe, comme si vous deviez vous abreuver à ce côté divin » (Hom. 85 sur S. Jean). « Ce qui est dans le calice est cela même qui coula du côté du Christ » (Homélie 24 sur 1Co).
Le Christ a formé l’Église à partir de son côté
« C’est le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du Temple saint et moi, j’ai trouvé ce trésor et j’en fais ma richesse … J’ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du Baptême et des saints Mystères [c’est-à-dire l’Eucharistie] ». Or l’Eglise est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l’Esprit – par le Baptême donc – et par les saints Mystères. Or les signes du Baptême et des Mystères sont issus du côté. Par conséquent, le Christ a formé l’Église à partir de son côté, comme il a formé Eve à partir du côté d’Adam … De même que le Seigneur a pris de la chair du côté d’Adam -pendant son sommeil pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l’eau de son côté – après sa mort – pour former l’Église (Catéchèses baptismales 3, 13-19). Il semble que Saint Jean Chrysostome inaugure là l’interprétation ecclésiale et sacramentelle que la Tradition a fait sienne. Ainsi entendons-nous dans la préface, à la messe de la Fête du Sacré-Cœur : « De son côté transpercé, laissant jaillir le sang et l’eau, il fait naître les sacrements de l’Eglise, pour que tous les hommes, attirés vers son Cœur, viennent puiser la joie aux sources vives du salut. »
Père Jean-Marie Baguenard