« Nous ne pouvons plus concevoir notre présence au Moyen-Orient seulement et simplement comme un droit. Cela ferait de nous fatalement une partie fragile d’un conflit et d’une guerre… Il y a un style chrétien d’être au Moyen-Orient et cela nous devons aider les pasteurs et les fidèles à le redécouvrir et à le vivre » : c’est ce qu’a déclaré le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales catholiques.
Il est intervenu lors de la présentation du magazine – papier et numérique – Oriente Cattolico (« Orient catholique ») le 18 décembre 2018, à la Villa Magistrale, siège institutionnel de l’Ordre de Malte, à Rome, indique Il Sismografo le 18 décembre.
L’ambassadeur de l’Ordre Souverain Militaire de Malte près le Saint-Siège, Antonio Zanardi Landi, est également intervenu au cours de l’événement.
Une nouvelle édition d’Oriente Cattolico a été publiée en mars 2018, à l’occasion des célébrations du centenaire de la fondation du dicastère pour les Églises orientales (1917-2017).
Le préfet de la Congrégation romaine a voulu donner « un aperçu de la complexité de la vie et des relations entre les fils et les filles des Églises catholiques orientales, tant dans la mère patrie que dans la diaspora ».
« Être et rester sur le territoire de nos Églises, déchiré par toute forme de violence et de conflit, a dit le cardinal Sandri, sera de plus en plus pour nous une vocation et un choix, comme le choix libre et aimant du Christ, venu habiter parmi nous et donner sa vie pour tous. (…) Nous ne devons pas tant partir de la situation de nos Églises et de nos communautés qui peut parfois inquiéter, mais de la vocation que nos Églises ont dans ce contexte très difficile. »
« Un style chrétien d’être au Moyen-Orient », a expliqué le cardinal, « c’est la manière concrète d’y vivre ce que le pape François a posé comme clef de voûte de son pontificat : Evangelii Gaudium. »
Le cardinal Sandri a cité aussi à ce propos les paroles du patriarche grec orthodoxe d’Antioche, Ignace IV Hazim, qui affirmait : « La mission de toutes les Églises c’est d’être une conscience vivante et prophétique du drame de ce temps. »
Un magazine plébiscité
Oriente Cattolico, a dit le cardinal, est « une clé d’accès à un horizon aux dimensions véritablement universelles ».
« Les marques d’estime », a-t-il expliqué, recueillies après la publication « auprès du Saint-Père François, du pape émérite Benoît XVI, du patriarche œcuménique Bartholomée ainsi que de nombreux hauts représentants des Églises catholiques et non-catholiques orientales, sont motifs de fierté et une heureuse responsabilité à poursuivre le chemin entrepris ».
Ce chemin devra se concrétiser « à la fois en mettant à jour constamment cet ouvrage, dans sa version en format Kindle surtout » et en vue de la version anglaise qui devra être achevée par le nouveau comité scientifique d’ici l’été 2019, et distribuée au début de l’automne.
Le cardinal a parlé du « vif intérêt porté » à Oriente Cattolico, malgré les opinions sceptiques de certains experts qui « auraient pu penser qu’il s’agissait d’un témoignage d’un passé peut-être glorieux, mais pour cela plus objet d’études historiques-archéologiques ». En réalité, a-t-il noté, il s’agit plutôt d’un « outil pour des personnes soucieuses d’interpréter le présent pour trouver de nouveaux chemins ».
C’est « une belle œuvre », a poursuivi le cardinal, et elle « est vivante » et « veut nous mettre en contact avec le Vivant que la tradition orientale appelle aussi le « Venant », Celui qui continue à entrer dans l’histoire en frappant à la porte du cœur ».
La réalité des Églises orientales
Son bref parcours sur les Églises orientales le cardinal a commencé par « la réalité de la diaspora ». Il s’est arrêté sur la Loi sur la responsabilité et le secours en cas de génocide en Irak et en Syrie (Iraq and Syria Genocide Relief and Accountability Act) soutenue par le président américain Trump « il y a quelques jours ».
« Cette réalité, a expliqué le cardinal argentin, est née il y a quatre ans aux États-Unis d’Amérique, parmi les représentants de la nombreuse diaspora du Moyen-Orient appartenant à différentes Églises, désireux de voir leur droit à la survie protégé dans leur pays d’origine, bouleversé par la guerre, mais aussi par la folie meurtrière de Daesh. »
Il a parlé ensuite de la situation en Égypte, ou « plusieurs changements majeurs » ont eu lieu pendant les dernières années, en s’arrêtent en particulier sur la visite du pape François en 2017 et sur la Conférence internationale organisée par l’Université d’Al-Ahzar du Caire à Abou Dhabi « qui portait sur le concept de « citoyenneté » pour tous les habitants du Moyen-Orient ». Ce concept, a-t-il souligné, « dépassant le concept traditionnel de dhimmitudin » « est comme une réponse heureuse à ce qui a déjà été mentionné en 2010 et souhaité par le synode spécial des évêques sur le Moyen-Orient ».
Le cardinal Sandri a décrit aussi la situation en Érythrée et en Éthiopie, ou les « deux Églises ‘jumelles’ » «ont continué à rester unies dans la liturgie commune malgré les soldats de leurs peuples respectifs qui se faisaient face aux frontières ». « De nombreux fils et filles de ces deux nations ont été victimes de trafic et d’exploitation, a-t-il souligné, et beaucoup de leurs corps semés en Méditerranée, victimes du martyre de l’indifférence et de l’emprise des ressources dans leur pays d’origine… »
Jérusalem, l’Ukraine, le Liban
Il a cité également Jérusalem, siège de la Custodie de Terre Sainte et depuis 1847 du diocèse patriarcal de Jérusalem des Latins, qui vit « une réalité qui en elle-même embrasse des contextes très différents » avec la « lutte également entre » Israël et la Palestine, la Jordanie et Chypre.
En parlant de l’Ukraine, le cardinal a évoqué « le geste de charité » du pape François qui avait envoyé « quinze millions d’euros supplémentaires d’aide ». Le préfet a aussi exprimé le souhait que, malgré la situation difficile actuelle, quelque cinq millions de fidèles gréco-catholiques ukrainiens puissent « continuer à vivre dans cette liberté qui leur a été rendue il y a plus de vingt-cinq ans quand ils ont quitté les catacombes ».
En ce qui concerne le Liban, le cardinal a souligné que « la présence des Églises catholiques orientales est une invitation à l’harmonie entre les différentes positions pour préserver l’identité du pays » et qu’elle « doit cependant s’accompagner d’un témoignage crédible d’être une Église qui annonce, mais surtout vit l’Évangile, en communion fraternelle, dans l’authenticité de la vie religieuse ». Il a exprimé « un mot de gratitude spéciale pour l’Association de l’Ordre de Malte au Liban, très active et efficace, capable d’impliquer des dizaines de jeunes Européens dans les camps d’été de volontaires pour les handicapés à Chabrouh, temple de l’Esprit et de la charité » où il a eu « la joie de consacrer l’autel de la chapelle il y a trois ans ».
Le préfet a évoqué aussi la rencontre interreligieuse qui s’est tenue le 7 juillet dernier à Bari, en soulignant que « c’était aussi l’occasion d’une réflexion non seulement sur les « autres », mais aussi sur notre Église au Moyen-Orient, en Syrie comme en Irak et dans d’autres régions ».
Cardinal Leonardo Sandri, Capture Salt&LightTV
«Un style chrétien, au Moyen-Orient» : le redécouvrir et le vivre, par le card. Sandri
Présentation d’ «Orient Catholique»