Messe à Sainte-Marthe, 28 avril 2020 © Vatican Media

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Sainte-Marthe : La vérité ne « tolère pas » les pressions

Contre le « petit lynchage quotidien » (Traduction intégrale)

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« La vérité est le témoignage de ce qui est vrai, des choses qu’une personne croit ; la vérité est claire, elle est transparente. La vérité ne tolère pas les pressions », a affirmé le pape François dans son homélie lors de la messe de ce mardi 28 avril 2020 à la Maison Sainte-Marthe. Or, a-t-il averti, « il existe un petit lynchage quotidien qui cherche à condamner les gens, à donner d’eux une mauvaise réputation, à les écarter, à les condamner. Le petit lynchage quotidien des cancans qui crée l’opinion ».

La condamnation d’Étienne, dont la lecture de ce jour, tirée des Actes des apôtres, donne le récit, suit un processus déjà familier aux lecteurs de la Bible, a fait observer le pape François : les docteurs de la Loi, qui « ne toléraient pas la clarté » de sa doctrine, cherchèrent un faux témoin pour pourvoir l’accuser de blasphème. « On a aussi fait la même chose avec Jésus » et avec d’autres personnages de l’Ancien Testament, a souligné le pape qui n’a pas mâché ses mots : c’est « de la bestialité », « un véritable lynchage », un « lynchage social », a-t-il dit.

« Aujourd’hui aussi nous voyons cela », a dénoncé le pape : « de fausses nouvelles, des calomnies, et puis on fait confiance à un juge, un de ceux qui aiment créer la jurisprudence avec ce positivisme ”situationnaliste” qui est à la mode, et ensuite on condamne ». Et le pape de citer « les martyrs d’aujourd’hui », telle Asia Bibi, ou d’hier, telles les victimes de la Shoah : « On a créé l’opinion contre un peuple », une « façon de faire pour ”éliminer” les gens qui agacent, qui « dérangent ».

Voici notre traduction de l’homélie du pape François.

HG

Homélie du pape François

Dans la première lecture de ces jours-ci, nous avons entendu le martyre d’Etienne : quelque chose de simple, tel que cela s’est passé. Les docteurs de la Loi ne toléraient pas la clarté de [sa] doctrine et, dès qu’elle fut proclamée, ils allèrent demander à quelqu’un d’affirmer qu’il avait entendu dire qu’Etienne blasphémait contre Dieu et contre la Loi (cf. Ac 6,11-14). Et après cela, ils lui tombèrent dessus et le lapidèrent : comme cela, simplement (cf. Ac 7,57-58).

C’est un schéma d’action qui n’est pas le premier : on a aussi fait la même chose avec Jésus (cf. Mt 26,60-62). Le peuple qui était là [incertain], a cherché à le convaincre qu’il était un blasphémateur et ils ont crié : » Crucifie-le ! » (Mc 15,13). C’est de la bestialité. De la bestialité, partir de faux témoignages pour parvenir à « faire justice ». C’est le plan. Dans la Bible aussi il y a des cas de ce genre : on a fait la même chose à Suzanne (cf. Dn 13, 1-64), on a fait la même chose à Nabot (cf. 1 R 21, 1-16), et ensuite Aman a essayé de faire la même chose avec le peuple de Dieu (cf. Est 3,1-14). De fausses nouvelles, des calomnies qui chauffent le peuple et réclament la justice. C’est un lynchage, un véritable lynchage.

Et c’est ainsi qu’il est amené au juge pour que celui-ci donne une forme légale à tout cela : mais il a déjà été jugé ; le juge doit être très, très courageux pour aller contre un jugement « aussi populaire », fait exprès, préparé. C’est le cas de Pilate : Pilate vit clairement que Jésus était innocent, mais il vit le peuple et s’en lava les mains (cf. Mt 27, 24-26). C’est une façon de faire jurisprudence. Aujourd’hui aussi nous voyons cela : aujourd’hui aussi, on voit cela dans certains pays, quand on veut faire un coup d’État ou « éliminer » un homme politique pour qu’il ne se présente pas aux élections, c’est ce que l’on fait : de fausses nouvelles, des calomnies, et puis on fait confiance à un juge, un de ceux qui aiment créer la jurisprudence avec ce positivisme « situationnaliste » qui est à la mode, et ensuite on condamne. C’est un lynchage social. Et c’est ce que l’on a fait à Etienne, c’est ainsi qu’a été fait le jugement d’Etienne : on fait juger quelqu’un qui a déjà été jugé par le peuple trompé.

Cela se produit aussi avec les martyrs d’aujourd’hui : les juges n’ont pas la possibilité de rendre la justice parce qu’ils ont déjà été jugés. Pensons à Asia Bibi, par exemple, que nous avons vue : dix ans de prison parce qu’elle a été jugée par une calomnie et un peuple qui veut sa mort. Devant cette avalanche de fausses informations qui créent l’opinion, bien souvent on ne peut rien faire, on ne peut rien faire.

À ce sujet, je pense souvent à la Shoah. La Shoah est un cas similaire. On a créé l’opinion contre un peuple et ensuite il était normal de dire : « Oui, oui, il faut les tuer, il faut les tuer ». Une façon de faire pour « éliminer » les gens qui agacent, qui dérangent.

Nous savons tous que ce n’est pas bon, mais ce que nous ne savons pas, c’est qu’il existe un petit lynchage quotidien qui cherche à condamner les gens, à donner d’eux une mauvaise réputation, à les écarter, à les condamner. Le petit lynchage quotidien des cancans qui crée l’opinion. Bien souvent, on entend dire du mal de quelqu’un et l’on dit : « Mais non, c’est quelqu’un de bien ! – Non, non, on dit que… » et avec ce « on dit que », on crée l’opinion pour se débarrasser d’une personne. La vérité est autre : la vérité est le témoignage de ce qui est vrai, des choses qu’une personne croit ; la vérité est claire, elle est transparente. La vérité ne tolère pas les pressions.

Regardons Etienne, martyr, premier martyr après Jésus. Le premier martyr. Pensons aux apôtres : ils ont tous rendu témoignage. Et pensons à tous les martyrs, notamment à celui que nous fêtons aujourd’hui, saint Pierre Chanel : ce sont les cancans qui ont créé [l’opinion] selon laquelle il était contre le roi… On crée une réputation, et il faut le tuer. Et pensons à nous-mêmes, à notre langue : bien souvent, avec nos commentaires, nous initions un lynchage de ce genre. Et dans nos institutions chrétiennes, nous avons vu beaucoup de lynchages quotidiens, qui sont partis des cancans.

Que le Seigneur nous aide à être justes dans nos jugements, à ne pas commencer ou suivre cette condamnation massive que provoquent les cancans.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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