Messe à Sainte-Marthe, 8 avril 2020 © Vatican Media

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Sainte-Marthe : « Pensons au petit Judas intérieur » (traduction complète)

Le « mercredi de la trahison »

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Le pape François a invité à réfléchir sur la trahison de Judas et sur son amour de l’argent qui « l’avait conduit en dehors des règles : à voler, et de voler à trahir, il n’y a qu’un pas, tout petit ». « Chacun de nous doit choisir », a exhorté le pape qui a invité à un examen de conscience sur le « petit Judas intérieur ».

Le pape a commenté l’Évangile du jour, dans lequel l’évangéliste Matthieu évoque d’une part la scène où Judas négocie avec les grands prêtres le prix pour leur livrer Jésus et, d’autre part, l’annonce par Jésus, le soir de la dernière Cène, qu’un de ses disciples le trahira, et le dialogue qui s’ensuit d’abord avec ses disciples, puis avec Judas.

« Aujourd’hui encore on vend des personnes », a souligné le pape. « Tous les jours. Il y a des Judas qui vendent leurs frères et sœurs : en les exploitant par le travail, en ne les rétribuant pas correctement, en ne reconnaissant pas leurs devoirs… ». Il a mis en garde : « Nous avons tous la capacité à trahir », ou à « nous laisser attirer par l’amour de l’argent ou des biens ou du bien-être futur ».

Et le pape de conclure : « Pensons à tous les Judas institutionnalisés dans ce monde, qui exploitent les gens. Et pensons aussi au ‘petit Judas’ qui est en chacun de nous à l’heure de choisir : entre loyauté et intérêt. »

Dans un tweet posté sur son compte @Pontifex_fr, le pape a résumé cette invitation à un examen de conscience: « Pensons au petit Judas que chacun de nous a à l’intérieur de lui-même. Chacun de nous a la capacité de choisir entre la loyauté et l’intérêt. Chacun de nous a la capacité de trahir, de vendre, de choisir pour son propre intérêt. Judas, où es-tu? »

Après la communion, comme lors de chaque messe en semaine depuis le début du confinement, un temps d’adoration du Saint-Sacrement exposé sur l’autel dans l’ostensoir, a accompagné la communion spirituelle, et la messe s’est conclue par la bénédiction eucharistique.

Pour inviter à la communion spirituelle, le pape François a lu la prière du cardinal espagnol Rafael Merry del Val (1865-1930).

A la fin de la messe, l’assemblée, – trois prêtres, les Filles de la charité, chargées de la chapelle, quelques proches du pape, l’organiste – ont entonné l’antienne mariale «Ave Regina Caelorum» dont voici la traduction de l’AELF:

Salut, Reine des cieux ! Salut, Reine des anges !
Salut, Tige féconde ! Salut, Porte du ciel !
Par toi, la lumière s’est levée sur le monde.

Réjouis-toi, Vierge glorieuse,
belle entre toutes les femmes !
Salut, splendeur radieuse :
implore le Christ pour nous.

Voici notre traduction de l’homélie du pape François, prononcée en italien, retranscrite par Radio Vatican.

HG/AB

Homélie du pape François

Le Mercredi Saint est aussi appelé « mercredi de la trahison », le jour où l’Église souligne la trahison de Judas. Judas vend son Maître.

Quand nous pensons au fait de vendre les gens, il nous vient à l’esprit le commerce fait avec les esclaves d’Afrique pour les emmener en Amérique – quelque chose d’ancien – puis le commerce, par exemple, des jeunes filles yazidies vendues à Daesh : mais c’est loin, c’est quelque chose… Aujourd’hui encore on vend des personnes. Tous les jours. Il y a des Judas qui vendent leurs frères et soeurs : en les exploitant par le travail, en ne les rétribuant pas correctement, en ne reconnaissant pas leurs devoirs…

On vend même bien souvent ce qui nous est le plus cher. Je pense que, pour être plus à l’aise, un homme est capable d’éloigner ses parents et de ne plus les voir ; de les mettre en sécurité dans une maison de retraite et de ne pas aller les voir… il les vend. Il existe un dicton très courant qui, en parlant de ce genre de personnes, dit que « untel est capable de vendre sa propre mère » : et il la vend. Maintenant ils sont tranquilles, on les a éloignés : « Prenez soin d’eux, vous… ».

Aujourd’hui, le commerce humain est comme dans les premiers temps : il existe. Et pourquoi ? Parce que, Jésus l’a dit : Untel a donné à l’argent la suprématie. Jésus a dit : « On ne peut servir Dieu et l’argent » (cf. Lc 16,13), deux seigneurs. C’est l’unique chose que Jésus met à la même hauteur et chacun de nous doit choisir : ou tu sers Dieu et tu seras libre dans l’adoration et dans le service ; ou tu sers l’argent et tu seras esclave de l’argent. C’est cela, l’option ; et nombreux sont ceux qui veulent servir Dieu et l’argent. Et cela n’est pas possible. À la fin, on fait semblant de servir Dieu pour servir l’argent. Ce sont les exploiteurs cachés qui sont socialement impeccables, mais sous la table, il font du commerce, y compris avec les gens : peu importe. L’exploitation humaine consiste à vendre son prochain.

Judas est parti, mais il a laissé des disciples, qui ne sont pas ses disciples, mais ceux du diable. Ce qu’a été la vie de Judas, nous ne le savons pas. Un jeune homme normal, peut-être, avec aussi ses inquiétudes, parce que le Seigneur l’a appelé à être disciple. Jamais il n’a réussi à l’être : il n’avait pas le langage du disciple ni le coeur du disciple, comme nous l’avons lu dans la première Lecture. Il était faible en tant que disciple, mais Jésus l’aimait… Et puis l’Évangile nous fait comprendre qu’il aimait l’argent : chez Lazare, quand Marie verse ce parfum très cher sur les pieds de Jésus, c’est lui qui fait une réflexion et Jean souligne : « Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur » (cf. Jn 12,6). L’amour de l’argent l’avait conduit en dehors des règles : à voler, et de voler à trahir, il n’y a qu’un pas, tout petit. Celui qui aime trop l’argent trahit pour en avoir davantage, toujours : c’est une règle, c’est un fait établi. Le jeune Judas, peut-être bon, avec de bonnes intentions, finit en traître au point d’aller vendre au marché : « Il se rendit chez les grands prêtres et leur dit : “Que voulez-vous me donner si je vous le livre, directement ?” » (cf. Mt 26,14). À mon avis, cet homme avait perdu la tête.

Il y a quelque chose qui attire mon attention : c’est que Jésus ne lui dit jamais « Traître » ; il dit qu’il sera trahi, mais il ne lui dit pas : « Traître ». Il ne le dit jamais : « Va-t’en, traître ! ». Jamais ! Au contraire, il lui dit : « Mon ami » et il l’embrasse. Le mystère de Judas : quel est le mystère de Judas ? Je ne sais pas… Don Primo Mazzolari l’a expliqué mieux que moi… Oui, cela me console de contempler ce chapiteau de Vézelay : comment Judas a-t-il fini ? Je ne sais pas. La menace de Jésus est forte, ici ; une menace forte : « Malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! » (cf. Mt 26,24). Mais cela veut-il dire que Judas est en enfer ? Je ne sais pas. Je regarde le chapiteau. Et j’entends la parole de Jésus : « Mon ami ».

Mais cela nous fait penser à autre chose, plus réel, plus d’aujourd’hui : le diable est entré en Judas, c’est le diable qui l’a conduit jusque là. Et comment l’histoire se termine-t-elle ? Le diable est un mauvais payeur : ce n’est pas un payeur fiable. Il te promet tout, il te montre tout et à la fin, il te laisse te pendre, seul dans ton désespoir.

Le cœur de Judas, inquiet, tourmenté par la cupidité et tourmenté par l’amour de Jésus – un amour qui n’a pas réussi à se faire amour – tourmenté dans ce brouillard ; il retourne chez les grands prêtres en demandant pardon, en demandant le salut. « Que nous importe ? Cela te regarde… » (cf. Mt 27,4) : le diable parle comme cela et nous laisse dans le désespoir.

Pensons à tous les Judas institutionnalisés dans ce monde, qui exploitent les gens. Et pensons aussi au « petit Judas » qui est en chacun de nous à l’heure de choisir : entre loyauté et intérêt. Nous avons tous la capacité à trahir, à vendre, à choisir dans notre propre intérêt. Nous avons tous la possibilité de nous laisser attirer par l’amour de l’argent ou des biens ou du bien-être futur. « Judas, où es-tu ? ». Mais la question, je la pose à chacun de nous : « Toi, Judas, ‘le petit Judas’ qui est en moi : où es-tu ? ».

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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