« La charité de saint Yves rayonnait de son vivant non seulement dans son ministère de prêtre au service des âmes, dans sa fonction de juge ou son service d’avocat, mais encore dans toute sa vie quotidienne. C’est pour donner aux pauvres qu’il a vendu le cheval que lui avait offert l’Evêque de Rennes. C’est aussi pour donner aux pauvres qu’il abandonnait ses riches habits couverts de la fourrure distinctive de l’Official », explique Mgr Daneels.
Homélie de Mgr Frans Daneels
je dois me confesser. Trop longtemps Saint Yves de Bretagne a été pour moi un noble inconnu. C’est grave. Oui, il y avait saint Raymond de Peñafort, le patron des canonistes, et il y avait Yves de Chartres, mais, bien qu’étant tant d’années dans la magistrature ecclésiastique, j’ignorais longtemps l’existence de Saint Yves de Kermartin, ce merveilleux Patron des juges et des avocats. C’est vraiment grave. Ce sont des canonistes et juristes français, que j’ai reçus à la Signature Apostolique, qui me l’on fait connaître et de même une Confrérie d’avocats flamands, qui voulaient visiter l’église de leur Patron ici à Rome. Il y a, enfin, un ami flamand, qui m’a parlé récemment avec tant d’enthousiasme de son voyage dans la région où a vécu Saint Yves.
C’est aussi assez curieux : Saint Yves ne nous a laissé aucun écrit, si ce n’est son testament. Et l’on ne connaît pas d’écrivains d’époque qui aient laissé quelque chose sur lui. Mais ce saint juge et avocat se fait connaître avec humour par les actes d’un procès. Nous avons, en effet, une copie, considérée authentique, des dépositions des témoins à son procès de canonisation en 1330, vingt-sept ans après sa mort.
Ce que l’on sait des actes de ce procès, c’est que Saint Yves de Bretagne a été un modèle de prêtre avant d’être un modèle d’avocat et de juge. En effet, on aimait venir de partout pour entendre ce saint prêtre humble et dont la piété faisait aimer la piété. Il ne ménageait pas sa peine pour dire l’espérance de Dieu aux pauvres gens de la campagne bretonne.
Avocat, saint Yves étonnait tout le monde par son désintéressement : « advocatus erat, sed non latro, res mirabilis populo ». Une exclamation en latin qui a traversé les siècles : « il était avocat, mais pas voleur, chose admirable pour les gens ». Il acceptait, en effet, de plaider pour les pauvres sans honoraires, Sans rechercher aucun avantage matériel, comme saint Paul ne recherchait aucun avantage matériel.
Le juge était encore plus réputé. Les statues nous montrent saint Yves habillé en juge, entre le riche et le pauvre. L’un ou l’autre a des sacs de procès à la main. Un juge qui en ce temps-là tint la balance égale entre le riche et le pauvre, c’est sans doute un juge admirable, et il reste sans doute un exemple pour notre temps. Ben Sira le Sage a dit : « Délivre l’opprimé du pouvoir de l’oppresseur, et ne sois pas timide quand tu rends justice ».
Mais la charité de saint Yves rayonnait de son vivant non seulement dans son ministère de prêtre au service des âmes, dans sa fonction de juge ou son service d’avocat, mais encore dans toute sa vie quotidienne. C’est pour donner aux pauvres qu’il a vendu le cheval que lui avait offert l’Evêque de Rennes. C’est aussi pour donner aux pauvres qu’il abandonnait ses riches habits couverts de la fourrure distinctive de l’Official. Saint Yves a bien compris l’Évangile : « Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas ». Saint Yves donnait son propre pain, pas seulement le surplus, et cela de nombreuses fois. Il enterrait les morts abandonnés et recueillit une famille de pauvres dans sa propre maison. Il était l’ami des pauvres qui s’était fait pauvre lui-même, l’ami des malheureux et des malades. Oui, comme le dit saint Paul, avec les faibles, il a été faible pour gagner les faibles. Il s’est fait tout à tous pour les sauver.
Saint Yves a vraiment suivi le conseil de Ben Sira le Sage : « Mon fils, ne retire pas au pauvre ce qui lui faut pour vivre, ne fais pas attendre le regard d’un indigent. Ne repousse pas celui qui supplie dans la détresse, ne détourne pas du pauvre ton visage. Alors, tu seras un fils du Très-Haut ». Avec le psaume, nous pouvons dire de saint Yves : « Lumière des coeurs droits, il s’est levé dans les ténèbres, homme de justice, de tendresse et de pitié ».
Remercions le Seigneur, de qui vient ce qui est juste et bon, parce qu’il a établi saint Yves comme juge parmi ses frères et a fait de lui un grand ami des pauvres. Et prions pour qu’il nous accorde à nous aussi, par l’intercession de saint Yves, de rechercher passionnément la justice et de communier à son amour pour tous les hommes, en premier lieu pour les pauvres.
Amen.