L’icône russe de la Mère de Dieu de Kazan, remise par le pape Jean-Paul II au patriarche Alexis II en 2004, trouvera bientôt sa place dans une nouvelle cathédrale reconstruite à Kazan, capitale du Tatarstan, en Russie.
Mintimer Chaimiev, ancien président du Tatarstan et musulman, raconte l’histoire du retour de l’icône à Kazan et parle des dernières étapes de la reconstruction de la cathédrale dans une grande interview en russe au portail Orthodoxie au Tatarstan, le 20 janvier 2020.
M. Chaimiev souligne l’importance de l’icône de la Mère de Dieu de Kazan pour le rapprochement entre les Églises catholique et orthodoxe: « L’image de la Mère de Dieu incarnée dans l’icône de Kazan poursuit sa mission de réconciliation, dit-il. Lors d’une réunion historique à Cuba en 2016, le patriarche Cyrille, en signe d’espoir d’un rapprochement entre orthodoxes et catholiques, a offert au pape François une copie de l’icône de la Mère de Dieu de Kazan. »
Histoire de l’icône
En 1579, à Kazan, une petite fille de neuf ans, Matrona Onoutchina, a une vision de la Mère de Dieu qui lui indique un endroit dans la ville où il faut creuser pour trouver son icône. Au début, les parents de l’enfant ne la croient pas, mais la vision se répète. La mère se rend alors chez l’archevêque Jérémie qui ne l’écoute pas davantage. Désespérée, la mère de Matrona commence à creuser la terre elle-même avec l’aide de plusieurs voisins. C’est le 8 juillet 1579, près de l’ancien four à pain, qu’ils trouvent l’icône, enveloppée dans un paquet recouvert d’un linge mauve foncé.
En 1612, l’icône est apportée à Moscou, au moment où la capitale russe est occupée par les Polonais, pour implorer la protection de la Vierge en faveur de ses habitants. Elle fut conservée au monastère de Kazan construit pour l’abriter mais elle aurait été volée au monastère le 29 juin 1904, pour l’or et les pierres précieuses qui la recouvraient.
Plusieurs copies anciennes étaient révérées ailleurs. L’une d’elles, datant de 1730, miraculeuse, est ensuite vendue à l’étranger au lendemain de la révolution d’Octobre 1917, a été acquise par une association catholique: elle transite notamment par l’Angleterre, les États-Unis, le Portugal, avant de rejoindre les appartements du pape polonais au Vatican en 1991. Elle aurait été destinées alors au sanctuaire de Fatima.
Le retour en Russie
Ayant appris que l’icône se trouve dans la chambre privée du pape Jean-Paul II, les autorités de Kazan décident de lui écrire une lettre. « Nous n’osons même pas rêver que l’icône de la Mère de Dieu revienne dans sa patrie, à Kazan, a écrit le président M. Chaimiev au pape, mais si cela se produisait, cela équivaudrait à un miracle et l’orthodoxie à travers la Russie percevrait cet acte comme sa deuxième naissance. En soi, un tel acte serait perçu comme un geste de bonne volonté et deviendrait une nouvelle étape vers le renforcement des liens de compréhension mutuelle entre musulmans et chrétiens du monde entier. »
Le pape Jean-Paul II décide de remettre l’icône à la Russie. Après la célébration solennelle du 25 août 2004 et l’exposition de l’icône à Saint-Pierre pour la vénération des fidèles catholiques, le pape confie au cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens à l’époque, la mission de la remettre au patriarche Alexis II.
Le patriarche Alexis II l’amène ensuite à Kazan en juillet 2005, à l’occasion du 1000e anniversaire de la capitale du Tatarstan.
Lors du transfert de l’icône, le patriarche note que le retour de l’icône est une bonne occasion pour la renaissance du monastère et de la cathédrale de la Mère de Dieu de Kazan à l’endroit où l’icône a été retrouvée au 16e siècle.
La reconstruction de la cathédrale
Les travaux de construction sur le site des ruines du monastère commencent en avril 2016. Lors des fouilles, les archéologues découvrent le territoire de la cathédrale de l’icône de la Mère de Dieu de Kazan et nettoient les couches formées par l’explosion de 1931, lorsque le temple a été détruit, et par les activités de l’usine de tabac qui fonctionnait ici jusqu’aux années 2000.
« Après cela, raconte l’ancien président du Tatarstan, le principal travail de recherche a commencé, au cours duquel il a été découvert que sous les ruines de la fondation, un temple souterrain unique a été préservé, dont nous ne savions pas l’existence au départ. Nous avons décidé: bien que nous perdions en temps et en coûts de travail, mais vu qu’il y avait même la moindre occasion de tout sauver, nous devions le faire… » Le temple souterrain a donc été sauvé et se trouve présentement en dessous de la cathédrale reconstruite.
Le jour de la pose de la première pierre au fondement de la cathédrale (le 21 juillet 2016), participaient, avec le patriarche russe Cyrille, le président de l’administration spirituelle centrale des musulmans, le mufti suprême de Russie Talgat Tajuddin ainsi que le président de l’administration spirituelle des musulmans du Tatarstan Kamil Samigullin. Beaucoup de musulmans participent à la reconstruction de la cathédrale, note Mintimer Chaimiev.
Aujourd’hui, les travaux de la reconstruction sont à leur phase finale : « J’espère, dit Chaimiev, que dans un avenir proche, nous assisterons tous à un grand événement, nous verrons comment l’icône de la Mère de Dieu de Kazan du Vatican trouvera sa place dans le majestueux temple restauré. »