Cinq Prix Nobel de la Paix, ont remis au pape François une déclaration en faveur de « l’humanité » et du désarmement nucléaire, ce vendredi 10 novembre 2017, au Vatican. Ce sont: Mohamed El Baradei (Egypte, 2005), Mairead Maguire (Irlande, 1976), Adolfo Pérez Esquivel (Argentine, 1980), Jody Williams (Etats-Unis, 1997) et Muhammad Yunus (Bangladesh, 2006).
« Interdire les armes nucléaires et promouvoir la paix et un désarmement intégral, c’est placer l’humanité au premier plan et rassembler nos esprits pour faire face aux graves problèmes auxquels nous sommes confrontés » aujourd’hui, comme le changement climatique, l’économie mondialisée et le terrorisme: c’est la déclaration qu’ils ont adressée au pape François, à l’occasion de la Conférence internationale intitulée « Perspectives pour un monde sans armes nucléaires et pour un désarmement intégral », organisée au Vatican ces 10 et 11 novembre.
« Il est temps de reconnaître que la véritable sécurité passe par le fait de se concentrer sur la satisfaction des besoins des individus et des communautés – la sécurité humaine – et la protection et la promotion du bien commun », insistent ces cinq signataires
Voici notre traduction de la déclaration, en anglais, remise au pape François.
HG
Déclaration de cinq Prix Noble de la Paix
Votre Sainteté,
Nous accueillons avec une profonde gratitude l’attention que vous accordez aux problèmes urgents de notre temps. En particulier, en ce moment de tension profonde entre les États dotés d’armes nucléaires, nous applaudissons vos nouvelles initiatives visant à réaliser la paix dans le monde et à s’attaquer aux armes nucléaires ainsi qu’au désarmement intégral dans son ensemble.
L’aboutissement des négociations aux Nations Unies, le 7 juillet dernier, en faveur d’un traité international global interdisant les armes nucléaires, en dépit du manque de participation des États dotés d’armes nucléaires, ouvre la voie à un monde sans armes nucléaires. Cette convention va commencer à établir une nouvelle réglementation juridique internationale et stigmatiser davantage ces armes et les États qui refusent jusqu’ici de les abandonner.
Il convient de rappeler que même les États qui n’ont pas appuyé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires de 2017, mais qui sont parties au Traité de non-prolifération, sont toujours soumis à l’obligation énoncée à l’article VI : « Chacune des parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation rapide de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace ».
C’est l’action concertée de la société civile, des communautés religieuses, des organisations internationales et des États qui aspirent ardemment à un monde sans armes nucléaires, qui a abouti aux négociations fructueuses du traité d’interdiction nucléaire à l’ONU. En fin de compte, ce seront les travaux en cours de ces secteurs de la société qui ouvriront la voie aux États nucléaires pour qu’ils renoncent finalement à ces armes capables d’anéantir la vie telle que nous la connaissons en un clin d’œil. Ce ne sera pas une tâche facile, mais c’est possible.
La seule façon d’assurer une paix durable dans le monde et d’empêcher la prolifération et l’utilisation des armes nucléaires est de les abolir. Dans le même temps, nous devons construire un système de sécurité internationale inclusif et équitable dans lequel aucun pays ne ressente le besoin de s’appuyer sur des armes nucléaires.
L’élimination des seules armes nucléaires libérerait des ressources pour faire ce changement. Avec un désarmement intégral, les possibilités sont illimitées.
Nous devons créer un mécanisme de contrôle multinational de la production de matières fissiles. Cela permettrait de contrer un phénomène émergent selon lequel de plus en plus de pays deviennent des « États dotés d’armes nucléaires », possédant la technologie qui pourrait être utilisée pour fabriquer des armes nucléaires, s’ils le souhaitent. Cependant, pour qu’un tel mécanisme réussisse, il faut qu’il soit universel, équitable et apolitique.
Alors que nous nous concentrons sur le désarmement nucléaire complet, nous devons également garder notre attention sur les nouveaux systèmes d’armes létales autonomes qui, à eux seuls, pourraient cibler et tuer des êtres humains. Il est impératif de se demander quels êtres humains éthiques et moraux peuvent croire qu’il est bon de donner aux machines la capacité de tuer des humains. La meilleure solution à cette troisième révolution imminente dans la guerre est d’interdire préventivement de telles armes avant qu’elles n’apparaissent sur le champ de bataille.
Interdire les armes nucléaires et promouvoir la paix et un désarmement intégral, c’est placer l’humanité au premier plan et rassembler nos esprits pour faire face aux graves problèmes auxquels nous sommes confrontés: le changement climatique, une économie mondialisée qui glorifie l’accumulation des richesses pour la richesse et se soucie peu de répondre aux besoins de la majorité des milliards de personnes partageant notre planète, et le terrorisme de toutes sortes, y compris celui de l’État pour n’en nommer que quelques-uns.
Les cadres de sécurité nationale qui reposent sur les armes, les forces armées et la projection du pouvoir de l’État ne peuvent pas nous protéger des défis du monde actuel. Il est temps de reconnaître que la véritable sécurité passe par le fait de se concentrer sur la satisfaction des besoins des individus et des communautés – la sécurité humaine – et la protection et la promotion du bien commun.
Votre Sainteté, merci de vos efforts pour le bénéfice de toute l’humanité. Nous sommes prêts à soutenir vos nouvelles initiatives de désarmement de quelque manière que ce soit qui s’avérerait utile.
Prof. Mohamed El Baradei
Mme Mairead Maguire
Prof. Adolfo Pérez Esquivel
Prof. Jody Williams
Prof. Muhammad Yunus
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Le pape, le card. Turkson et les Prix Nobel 10/11/2017 © L'Osservatore Romano
Pour le désarmement nucléaire, appel de cinq Prix Nobel (traduction complète)
Placer l’humanité au premier plan