Pédophilie: Le danger d'une société « pédophobe »

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Par Don Fortunato Di Noto

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ROME, mardi, 7 février 2012 (ZENIT.org) – « Une société qui ne lutte pas contre la pédophilie est souvent une société hypocrite et « pédophobe » : elle a peur des enfants et leur nie le droit d’exister comme enfants », fait observer celui que tous connaissent en Italie comme « Don Fortunato ».

Le P. Fortunato Di Noto, fondateur de l’association « Meter », est une illustre figure de l’engagement contre la pédophilie. Il participe au symposium international intitulé « Vers la guérison et le renouveau », organisé à Rome par l’université pontificale grégorienne du 6 au 9 février. Il témoigne de son expérience de plus de vingt ans au service des plus petits.

ZENIT – Quelle est la contribution de Meter à la lutte contre la pédophilie dans la société ?

Don Fortunato Di Noto – Tous les ans, nous présentons à la société et à l’Eglise le Rapport Meter qui contient tout ce qui concernenotreengagement, un engagement cohérent et réel dans la lutte contre la pédophilie, la pédopornographie en ligne et les abus commis sur des enfants. Des chiffres qui parlent de l’aide concrète apportée aux victimes (environ un millier) au cours de ses 21 années d’efforts ; en plus des 100.000 sites pédophiles qui ont été dénoncés, des centaines de milliers de rencontres ont eu lieu avec les jeunes, dans les écoles et avec les familles. Les diocèses italiens et de l’étranger sont de plus en plus impliqués non seulement à l’occasion de réunions de formation périodiques, mais aussi à travers la conception de projets selon les méthodes et le charisme de Meter. D’ailleurs, Meter n’est pas née d’un problème urgent de pédophilie dans l’Eglise, mais cette association a été créée il y a une vingtaine d’années, dans la communauté paroissiale dont je suis le curé, pour donner des réponses concrètes dans une vision pastorale de proximité envers les personnes qui ont été violées, par des prêtres ou par d’autres. Nous avons promu de nouvelles normes législatives, nous mettons notre compétence au service des Parlements italien et européen et nous avons collaboré avec le Japon et d’autres pays pour optimiser les actions contre la pédophilie. Nous savons que nous faisons déjà beaucoup, mais nous devons faire encore plus.

Actuellement vous apportez votre expérience et votre compétence au congrès de l’Université pontificale grégorienne : renouveau et guérison sont possibles ?

C’est une bonne chose de se rencontrer, d’écouter, de se confronter. Lorsqu’une communauté ecclésiale se met en marche pour donner une réponse au scandale de la pédophilie, c’est toujours éloquent et instructif. Nous avons commencé à comprendre que l’«Evangile nous interpellait » et que l’innocence des enfants ne pouvait pas continuer à être piétinée et violée. Mon impression, c’est que cela a été un véritable scandale, un tremblement de terre, un tsunami : Dieu notre Père ne supportait pas le cri des innocents. Même si, depuis quelque temps, on pouvait voir des signaux d’un véritable « changement ». Ensuite, il faut passer du symposium à l’action pastorale – ce qui est déjà le cas dans diverses parties du monde – et aujourd’hui cela nécessite non seulement des actions globales, mais des paroles prophétiques qui sachent « dénoncer » et défendre les droits des enfants. Une Eglise – l’Eglise – se renouvellera sans cesse si elle part des enfants crucifiés. Le temps est venu de prendre un tournant dans le domaine de l’éducation, de la formation, au sein des séminaires et des communautés religieuses : nous avons besoin d’hommes et de femmes authentiques, généreux, forts, capables de donner leur vie – et beaucoup le font déjà –pour les petits et pour les faibles, et qui ne laisseront personne voler la vie des innocents.

La société a-t-elle pris la mesure de ce phénomène ?

Le phénomène est transversal, complexe, dynamique mais dévastateur pour celui qui le subit. C’est un problème culturel. Une société qui ne lutte pas contre la pédophilie est souvent une société hypocrite et « pédophobe » (elle a peur des enfants et leur nie le droit d’exister comme enfants !) ; c’est aussi une société érotisée. Il suffit de penser à la manière dont elle réagit quand il y a une opération de police. C’est l’indignation, mais on en parle peu. Si tout le monde, y compris ici à ce symposium, voyait au moins une fois dans sa vie les photos pédophiles, qui circulent sur le web, de ces centaines de milliers de petits garçons et de petites filles, on pourrait vraiment soulever le monde.

Dans l’Eglise, ce phénomène est cause de scandale : comment prévenir ?

Il faut que la pastorale ordinaire se préoccupe aussi de la « protection des enfants » ; la pastorale sacramentelle ne suffit pas. Mais l’évangélisation doit toujours avoir l’audace et l’ardeur authentiques de la doctrine sociale de l’Eglise qui parle, qui agit et qui prend la défense des petits et des faibles. Il faut des rencontres, des congrès, des parcours éducatifs. Nous ne devons pas rester en arrière, nous devons aller de l’avant. Que chaque communauté chrétienne soit une sentinelle, mais qu’elle soit aussi éducatrice pour indiquer ce qui est bon.

Le Saint-Siège demande à toutes les conférences épiscopales de se mobiliser et de proposer des stratégies. Quelles sont les mesures les plus importantes à prendre ?

J’attends, moi aussi, des indications de ce symposium. Je suis certain qu’il y aura des retombées, non seulement dans les communautés ecclésiales représentées par les évêques qui sont présents, mais aussi dans la société. Sur ce terrain, l’Eglise et la société doivent marcher ensemble et non pas s’opposer ou camper sur leurs positions : il faut qu’elles agissent ensemble, dans le respect des compétences de chacune.

Ce travail de l’Eglise peut aider la société ?

Et est-ce que la société peut aider l’Eglise ? Je crois que oui. Tout en reconnaissant à l’Eglise le rôle millénaire qu’elle a joué dans l’éducation et la formation des consciences, n’oublions pas que la société a donné des réponses fortes– au moins dans ce domaine – plus précises et plus stratégiques. Je pense au réseau internet : un réseau de collaboration peut – ensemble – faire encore plus. Meter est à la disposition de tous ceux qui sont demandeurs de formation et d’expérience (www.associazionemeter.org).

Propos recueillis par Anita Bourdin

Traduction de l’italien par Hélène Ginabat

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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