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ONU : prévenir les conflits et consolider la paix, par Mgr Auza

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Sécurité, développement et causes profondes des conflits (traduction complète)

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Pour prévenir les conflits et consolider la paix, le Saint-Siège invite « les dirigeants et les citoyens » à dépasser « les intérêts égoïstes ,pour le bien commun », à « rejeter l’esprit de vengeance » et à « prendre la bonne voie de la guérison et de la réconciliation ».

Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège au Conseil de sécurité des Nations unies, est intervenu, mardi 17 novembre 2015, à l’Onu à New York, lors d’un « Débat ouvert sur le maintien de la paix internationale et de la sécurité : la sécurité, le développement et les causes profondes des conflits ».

Il indique les conditions de la prévention: « La prévention des conflits et la consolidation de la paix (…) exigent de la persévérance, une vision et un engagement à long terme. Elles sont consolidées à travers des milliers de gestes quotidiens qui sont les piliers de sociétés justes et pacifiques. Elles se réalisent lorsque les dirigeants et les citoyens transcendent les intérêts égoïstes pour le bien commun, rejettent l’esprit de vengeance et prennent la bonne voie de la guérison et de la réconciliation. »

« Ces éléments sous-tendent tous les efforts pour parvenir à un développement durable, à une paix durable et à des sociétés plus respectueuses des droits humains. Sans eux, les interventions militaires et les missions de maintien de la paix ne suffiront pas à résoudre les causes profondes des conflits », fait observer Mgr Auza.

A.B.

Intervention de Mgr Auza

Monsieur le Président,

Pour commencer, ma délégation exprime ses sincères condoléances pour toutes les victimes des attentats terroristes odieux à Paris, Beyrouth et ailleurs. Nos pensées vont à tous ceux qui pleurent la perte d’êtres chers.

Ma délégation tient à remercier le Royaume-Uni d’avoir organisé en temps opportun ce débat ouvert avec un accent particulier sur la sécurité, le développement et les causes profondes des conflits. 

Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies le 25 septembre, le pape François a affirmé : « La guerre est la négation de tous les droits et une agression dramatique contre l’environnement. Si l’on veut un vrai développement humain intégral pour tous, on doit poursuivre inlassablement l’effort pour éviter la guerre entre les nations et les peuples. »

Les affirmations de l’ONU, selon lesquelles le développement, la paix et la sécurité, et les droits humains sont intimement liés et se renforcent mutuellement, abondent (1), faisant de ce lien l’un des principes directeurs du maintien et de la consolidation de la paix. Les États membres viennent d’adopter l’Agenda 2030 pour le développement durable, exprimant ainsi leur détermination « à favoriser des sociétés paisible, justes et inclusives qui soient libérées de la peur et de la violence. Il ne peut y avoir de développement durable sans paix, ni de paix sans développement durable » (2).

Ce consensus doit être traduit dans la réalité si nous voulons réussir à épargner les générations présentes et futures du fléau de la violence et atteindre les objectifs de développement durable. Les évaluations sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) montrent que les pays en conflit ont pris beaucoup de retard dans la réalisation des OMD et, en fait, beaucoup ont subi une régression, démontrant ainsi amplement que le développement ne peut prospérer que dans le contexte de sociétés pacifiques.

Cette reconnaissance au niveau de principe doit se traduire sur le terrain dans une approche commune pour construire la paix, soutenir le développement et promouvoir les droits humains. Pour éviter la fragmentation, l’idée que le développement, la paix et la sécurité, et les droits humains se chevauchent et coïncident souvent, doit trouver une expression concrète dans la manière dont opèrent les différents organes et agences de l’ONU.

Le budget total, pour les opérations de maintien de la paix pour la période allant du 1er juillet 2015 à juin 2016, approuvé en juin dernier par l’Assemblée générale, se chiffre à 8,2 milliards de dollars. Une somme assez importante par rapport à l’aide publique au développement (APD) reçue par les pays les moins avancés (PMA), ou encore par rapport au montant total de l’APD reçue par tous les pays (3). Ces chiffres montrent que les conflits ne sont pas seulement un fardeau intolérable pour les personnes, mais aussi un énorme fardeau pour la communauté internationale. Une augmentation substantielle de l’APD et une organisation plus équitable des relations commerciales et financières entre les différentes catégories de pays atténuera, à moyen terme, le poids économique des opérations de maintien de la paix.

Ces chiffres sont un appel indirect à mettre fin aux cloisonnements qui traitent le développement, la paix et la sécurité, et les droits humains comme des tâches séparées. Les projets de développement, qui pourraient aider à prévenir les conflits, doivent passer en premier et pourraient réduire sensiblement les dépenses futures sur les opérations de maintien de la paix. Les ressources dépensées sur les opérations de maintien de la paix devraient être transférées à des projets de développement dès que possible, une fois que les situations commencent à se stabiliser. Même si l’objectif du Conseil de sécurité n’est pas le développement en soi, il pourrait aider à mobiliser des ressources pour le développement en tant qu’élément clé de ses objectifs de paix et de sécurité.

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège tient à souligner le rôle important que jouent les mouvements populaires, les organisations religieuses et les communautés locales dans la prévention des conflits et dans la construction de la paix. Leurs atouts ne résident ni dans des ressources matérielles ni dans une expertise scientifique ni dans un pouvoir politique, mais dans le fait que ce sont des éléments enracinés localement, catalyseurs d’individus et de sociétés, dans leur capacité à produire et à former des responsables susceptibles d’inspirer des actions concrètes, de développer un rapport d’immédiateté avec les individus et les communautés et de mobiliser les personnes pour travailler ensemble à quelque chose de plus grand qu’elles. Ils peuvent aussi être des obstacles majeurs à la paix s’ils manifestent de la partialité ou, bien sûr, s’ils prennent part au conflit.

Monsieur le Président,

La prévention des conflits et la consolidation de la paix n’ont pas un caractère aussi dramatique et urgent que la liquidation des conflits actifs, mais elles nécessitent davantage d’attention, d’engagement et parfois de ressources que pour mettre fin aux guerres et aux troubles civils. Elles exigent de la persévérance, une vision et un engagement à long terme. Elles sont consolidées à travers des milliers de gestes quotidiens qui sont les piliers de sociétés justes et pacifiques. Elles se réalisent lorsque les dirigeants et les citoyens transcendent les intérêts égoïstes pour le bien commun, rejettent l’esprit de vengeance et prennent la bonne voie de la guérison et de la réconciliation. Ces éléments sous-tendent tous les efforts pour parvenir à un développement durable, à une paix durable et à des sociétés plus respectueuses des droits humains. Sans eux, les interventions militaires et les missions de maintien de la paix ne suffiront pas à résoudre les causes profondes des conflits.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

***

NOTES

(1) Cf. A/RES/70/1 ; A/RES/70/1 ; A/RES/70/1.

(2) Transformer notre monde : l’Agenda 2030 pour le développement durable, Préambule (Paix) et 16 SDG.

(3) D’après l’OCDE, respectivement 31 et 134 milliards de dollars US.

© Traduction de Zenit, Constance Roques

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Bernardito Auza

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