ONU : le Saint-Siège demande de condamner les discours de haine sous le prétexte de religion

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« Le rôle des jeunes contre l’extrémisme » (traduction intégrale)

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Le Saint-Siège appelle les responsables religieux à condamner les discours de haine sous le prétexte de la religion et à former les jeunes au respect de l’autre.

Voici notre traduction intégrale de l’intervention de Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, lors du débat ouvert du Conseil de sécurité sur « Le rôle des jeunes pour lutter contre l’extrémisme violent et pour promouvoir la paix », à New York, le 23 avril 2015, en présence du roi Abdallha de Jordanie.

Il appelle à condamner les discours de haine sous le prétexte de la religion :  « Les responsables et organisations religieux doivent condamner les messages de haine au nom de la religion et fournir aux jeunes une formation religieuse qui favorise la compréhension et le respect entre les peuples de confessions différentes. »

Il rappelle l’importance d’allier foi et raison : « Les gens de foi ont la grave responsabilité de condamner ceux qui cherchent à séparer la foi de la raison et à instrumentaliser la foi pour justifier la violence. »

A.B.

Discours de Mgr Auza

Votre Altesse Royale,

Permettez-moi tout d’abord de féliciter la Jordanie pour sa présidence de ce mois-ci et en particulier, pour avoir organisé ce débat sur le rôle des jeunes dans la lutte contre l’extrémisme violent et dans la promotion de la paix.

La mondialisation croissante et l’interdépendance technologique ont apporté de nombreux avantages à notre monde d’aujourd’hui, mais elles ont aussi créé de nouveaux défis émergents. Les jeunes du monde entier peuvent utiliser l’internet et les médias sociaux pour entrer en contact, se faire des amis et en apprendre davantage sur les grandes cultures et traditions des autres peuples aux quatre coins du monde. Malheureusement, ces grandes avancées technologiques peuvent aussi être manipulées pour diffuser des messages de haine et de violence. Le débat de ce jour nous permet d’examiner plus en profondeur comment ces messages nocifs trouvent de nouveaux publics et comment les États peuvent travailler ensemble pour relever ce défi.

Le phénomène des jeunes gens qui se laissent recruter par ceux qui les incitent à s’engager dans un extrémisme violent se développe dans un contexte de désillusion et de chances manquées, de crise d’identité socio-culturelle et d’échec de l’intégration, d’aliénation et d’insatisfaction, de rupture intergénérationnelle et de familles brisées.

Une étape fondamentale dans la lutte contre la radicalisation des jeunes est de travailler avec les familles et de les soutenir dans leurs efforts pour éduquer les enfants et les jeunes aux valeurs du dialogue et du respect des autres, pour mieux les équiper afin de résister à ce qui semble au premier abord des invitations attractives pour une « cause supérieure » ou une « aventure » avec des groupes extrémistes. La famille est la première éducatrice des enfants. Si les États veulent vraiment rejoindre les jeunes avant qu’ils ne soient exposés aux idéologies extrémistes, ils devraient « accorder l’aide appropriée aux parents… dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant » (Convention internationale relative aux droits de l’enfant, article 18.2).

Les études et les événements montrent que certains gouvernements ont tendance à éviter les conversations franches et constructives sur la question de la radicalisation. Mais cacher le problème est contre-productif. En revanche, favoriser le débat public peut encourager les jeunes à exprimer leurs frustrations avant qu’ils ne succombent aux idéologies extrémistes, et cela peut permettre à l’État de concevoir des politiques en conséquence. L’incapacité à mettre le problème sur la table des débats publics peut signifier un manque d’intérêt, une crainte ou les deux, tandis qu’encourager le débat facilitera la confiance collective et une connaissance mutuelle approfondie parmi les différentes composantes ethniques ou raciales et religieuses de la société. Ce dialogue peut mener à l’élaboration de politiques gouvernementales dont tous les membres de la société pourront prétendre à la propriété collective, et offrir aux jeunes des contre-propos convaincants à la propagande extrémiste.

Bien sûr, une politique publique équilibrée joue un rôle clé pour faciliter une intégration solide des migrants dans la société en tant que citoyens. Des politiques qui découragent les perceptions xénophobes et racistes sont très nécessaires, et contribuent au respect de saines valeurs religieuses et socio-culturelles.

La religion représente une part puissante de ces systèmes de valeurs. Les politiques et l’éducation qui cherchent à minimiser ou à éliminer la composante de la foi des identités individuelles et collectives pourraient laisser les jeunes désorientés, aliénés, marginalisés ou exclus, et enclins à suivre le message de groupes extrémistes. Nul doute que les mots d’ordre et les slogans employés par les groupes extrémistes pour recruter des jeunes impliquent souvent des valeurs religieuses et socio-culturelles déformées.

Le chômage et le désespoir influent aussi sur la vulnérabilité de nombreux jeunes à la propagande et aux manipulations des recruteurs extrémistes. Les esprits et les mains oisifs sont hautement vulnérables aux idéologies extrêmes. Ainsi, les inégalités économiques mondiales et la marginalisation et l’exclusion du développement auxquelles elles mènent ne sont pas seulement une préoccupation sociale et économique majeure mais peuvent devenir une menace à la paix et à la sécurité internationales. Ainsi, réaliser la justice sociale est la clé de la lutte contre le phénomène des jeunes qui rejoignent les organisations extrémistes.

Votre Altesse Royale,

Dans notre combat contres les idéologies extrémistes et dans nos efforts pour promouvoir une culture de la paix, les jeunes eux-mêmes sont une ressource très précieuse. Nous pouvons contrer les recruteurs extrémistes en encourageant les voix qui ont la confiance et le respect parmi leurs pairs, sur les plateformes mêmes où ils ont l’habitude de recruter de nouveaux membres, comme les médias sociaux.

Les responsables et organisations religieux doivent condamner les messages de haine au nom de la religion et fournir aux jeunes une formation religieuse qui favorise la compréhension et le respect entre les peuples de confessions différentes. Les gens de foi ont la grave responsabilité de condamner ceux qui cherchent à séparer la foi de la raison et à instrumentaliser la foi pour justifier la violence. Comme l’a souligné le pape François lors de sa visite en Albanie le 21 septembre 2014, personne ne devrait se considérer comme « l’ ‘armure’ de Dieu tout en planifiant et en exécutant des actes de violence et d’oppression ! ».

Je vous remercie, Votre Altesse Royale.

Traduction de Zenit, Constance Roques

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Bernardito Auza

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