« Lorsque l’accès aux soins n’est pas universel, plus la personne est pauvre, moins elle a accès aux soins », a fait observer le cardinal Parolin. Or « la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès aux soins de santé essentiels ».
Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, chef de la délégation du Saint-Siège à la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, est intervenu lors de la réunion de haut niveau de 2019 sur la couverture sanitaire universelle, sur le thème : « Couverture sanitaire universelle : agir ensemble pour construire un monde en meilleure santé », à New York, le 23 septembre 2019.
Le représentant du Saint-Siège exhorte à « répondre à un droit bafoué » par « des politiques qui garantissent, à des coûts abordables, la fourniture de médicaments essentiels pour tous » et « une plus grande solidarité mondiale en matière d’aide au développement et de partage des technologies ».
S’il se réjouit de certains éléments importants énoncés dans la Déclaration sur la couverture sanitaire universelle adoptée en début de réunion, le cardinal Parolin estime cependant « très regrettables » les références « profondément préoccupantes et non unanimes aux “services de santé sexuelle et reproductive” » ainsi qu’à la “santé sexuelle et reproductive et aux droits en matière de reproduction” comme composantes du système de santé universel.
Voici notre traduction de l’intervention du cardinal Parolin.
HG
Intervention du cardinal Pietro Parolin
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège est heureux de participer à cette première Réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle.
Le thème « couverture sanitaire universelle : agir ensemble pour construire un monde en meilleure santé » nous rappelle qu’en tant que famille humaine unique, nous partageons le devoir de prendre soin les uns des autres, en particulier des plus pauvres et des démunis. Faire en sorte que tous les êtres humains aient accès aux soins médicaux dont ils ont besoin est une expression concrète de solidarité, de justice sociale et de partage équitable du bien commun. En un mot, l’accès universel aux soins de santé est une composante importante du développement humain durable et intégral.
Comme le rappelle souvent le Pape François, « la santé n’est pas un bien de consommation, mais plutôt un droit universel et l’accès aux services de santé ne peut donc être un privilège » (1). Le droit à la santé est en fait universellement reconnu comme un droit de l’homme fondamental et il s’entend comme englobant la santé de la personne dans son ensemble et de toutes les personnes à tous les stades du développement de leur vie. Le droit à la santé est donc inextricablement lié au droit à la vie et ne peut jamais être manipulé comme une excuse pour mettre fin ou disposer d’une vie humaine à n’importe quel moment de son existence, de la conception à la mort naturelle.
Le monde n’a pas encore tenu sa promesse de mettre en œuvre, à tous les niveaux, des mesures pour répondre aux besoins de santé de tous. La moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès aux soins de santé essentiels, alors que près d’une centaine de millions de personnes sont poussées chaque année dans l’extrême pauvreté en raison des dépenses de santé. Pire encore, comme le montre clairement le dernier rapport de suivi sur la mise en œuvre du système de santé universel dans le monde, lorsque l’accès aux soins n’est pas universel, plus la personne est pauvre, moins elle a accès aux soins. Il va sans dire que nous devons accorder une plus grande attention aux besoins de santé des plus pauvres et de tous ceux qui risquent le plus d’être laissés pour compte. Outre qu’il s’agit de répondre à un droit bafoué, la prise en charge des besoins de santé de base des plus pauvres est essentielle pour briser le cercle vicieux de la pauvreté d’une génération à l’autre.
Ma délégation note en outre avec préoccupation que de nombreuses personnes vivant dans des situations de vulnérabilité et ayant souvent des besoins particuliers en matière de soins de santé n’y ont pas accès. Cela vaut en particulier pour les personnes handicapées, les personnes âgées, les migrants en situation précaire et les réfugiés. Dans certains endroits, les femmes et les enfants se voient également refuser l’égalité d’accès à des soins de santé de qualité.
Il est d’ailleurs vital que nous unissions nos forces pour mettre en œuvre des politiques qui garantissent, à des coûts abordables, la fourniture de médicaments essentiels pour tous, sans négliger le domaine de la recherche et le développement de traitements qui, bien que non rentables du point de vue financier, sont essentiels pour sauver des vies humaines. A cet égard, une plus grande solidarité mondiale en matière d’aide au développement et de partage des technologies est la bienvenue. La plupart des pays à faible revenu ont besoin de l’appui de la communauté internationale pour combler le déficit de financement de cette composante essentielle pour assurer le bien-être de leurs populations respectives.
Monsieur le Président,
La déclaration sur la couverture sanitaire universelle adoptée à l’ouverture de cette réunion de haut niveau énonce des engagements importants pour soutenir les plus vulnérables et engager toutes les parties prenantes concernées à concevoir de meilleurs systèmes de santé. En tant que telle, elle représente un pas en avant important dans nos efforts communs pour fournir des soins de santé à chaque homme, femme et enfant.
Dans le même temps, le Saint-Siège estime qu’il est très regrettable que la déclaration adoptée inclue des références profondément préoccupantes et non unanimes aux « services de santé sexuelle et reproductive » ainsi qu’à la « santé sexuelle et reproductive et aux droits en matière de reproduction » comme composantes du système de santé universel. Conformément aux réserves qu’il a exprimées lors des conférences internationales de Pékin et du Caire, le Saint-Siège réaffirme qu’il considère que l’expression « santé génésique » et les termes connexes s’appliquent à une conception holistique de la santé, qui englobe la personne dans sa personnalité, son esprit et son corps dans leur ensemble. En particulier, le Saint-Siège rejette l’interprétation qui considère l’avortement ou l’accès à l’avortement, l’avortement sélectif selon le sexe, l’avortement des fœtus diagnostiqués avec des problèmes de santé, la maternité de substitution et la stérilisation comme des dimensions de ces termes, ou de la couverture sanitaire universelle.
Le Saint-Siège n’a jamais manqué de soutenir et de contribuer à la réalisation d’une couverture sanitaire universelle, en particulier par le biais des quelque cent-mille établissements de santé catholiques dans le monde, dont la majorité sont au service des populations vulnérables vivant dans des conditions difficiles. Ma délégation espère donc que les délibérations de la présente Réunion de haut niveau nous rassembleront en tant que famille de nations unies dans le respect de toute vie humaine.
Merci, Monsieur le Président.
NOTE
(1) Pape François, Discours aux membres de Médecins avec l’Afrique (CUAMM), Cité du Vatican, 7 mai 2016.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat