Il ne faudrait pas identifier islam et terrorisme: le pape François dénonce des causes profondes du terrorisme, dans son entretien avec la presse, sur le vol du retour Cracovie-Rome, dimanche 31 juillet 2016, notamment le manque de transmission de valeurs aux jeunes en Europe ou le terrorisme du « dieu argent », mais aussi le « terrorisme tribal en Afrique » et les assassinats en milieu catholique.
A Cracovie, samedi, 30 juillet, le pape a prié Dieu d’éloigner la violence et le terrorisme, et il a invoqué la paix, en l’église Saint-François où sont vénérées les reliques de deux martyrs franciscains polonais Zbigniew Strzałkowski et Michał Tomaszek, prêtres, victimes de la violence des miliciens du « Sentier lumineux » en 1995 au Pérou.
Et, dans l’avion, interrogé sur l’assassinat du père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray (France), le 26 juillet, par deux jeunes se réclamant de Daech, le pape a refusé « d’identifier l’islam avec la violence ».
Il s’en est expliqué: « Je n’aime pas parler de violence musulmane, parce qu’en feuilletant les journaux je vois tous les jours des violences, ici, en Italie : celui qui tue sa fiancée, un autre qui tue sa belle-mère … Et ce sont des catholiques baptisés ! Ce sont des catholiques violents. Si je parlais de violence musulmane, je devrais parler de violence catholique. Tous les musulmans ne sont pas violents. (…) Il y a de tout. Il y a des violents de ces religions. »
« Une chose est vraie, ajouté le pape, dans cet échange improvisé, je crois que dans presque toutes les religions, il y a toujours un petit groupe fondamentaliste. Fondamentaliste. Nous, nous en avons. Et quand le fondamentaliste en arrive à tuer – mais on peut tuer avec la langue, et cela c’est l’apôtre Jacques qui le dit, pas moi, et avec un couteau -, je crois que ce ne soit pas juste d’ identifier l’islam avec la violence. Ce n’est pas juste et ce n’est pas vrai. »
Le pape a évoqué son dialogue avec l’imam de l’université égyptienne de Al-Azhar qui est venu en visite au Vatican le 23 mai, et qui s’est rendu à Paris le lendemain pour déposer des fleurs et prier sur le lieu de l’attentat du 13 novembre 2015, devant le Bataclan : « Je sais ce qu’ils pensent, a confié le pape : ils cherchent la paix, la rencontre. »
Le pape a cité deux exemples, le premier, le récit d’un nonce : « Le nonce d’un pays africain me disait que dans la capitale où il est, il y a toujours une file de gens – c’est toujours plein – à la Porte sainte pour le Jubilé et certains viennent dans les confessionnaux, d’autres prient sur les bancs. Mais la majorité avance jusqu’à l’autel de la Vierge Marie pour prier. Ce sont des musulmans qui veulent faire le Jubilé : ce sont des frères. »
Le second exemple du pape est tiré de sa propre expérience : « Quand je suis allé en Centrafrique, je suis allé auprès d’eux. Et l’imam est même monté dans la papamobile. On peut vivre ensemble, bien. Mais il y a des petits groupes fondamentalistes. »
Puis le pape a posé une question de fond, dénonçant l’absence de transmission de valeurs aux jeunes en Europe: « Je me demande aussi : combien de jeunes – combien de jeunes ! – nous, Européens, nous avons laissés vides d’idéaux, qui n’ont pas de travail, et se tournent vers la drogue, vers l’alcool, et vont là-bas et s’engagent dans des groupes fondamentalistes. »
Daech fait partie de ces groupes fondamentalistes dont la violence est la « carte d’identité » ajoute le pape: « Oui, on peut dire que le soi-disant Isis est un Etat islamique qui se présente comme violent, parce que quand il nous fait voir sa carte d’identité, il nous fait voir, comme sur les côtes de Libye, comment ils ont égorgé des Egyptiens ou d’autres. Mais c’est un petit groupe fondamentaliste, qui s’appelle Isis. On ne peut pas dire, je crois que ce n’est ni juste ni vrai, que l’islam soit terroriste. »
Le terrorisme, déplore le pape « est partout » : « Pensez au terrorisme tribal de certains pays africains… »
Il dénonce aussi un autre terrorisme, celui du « dieu argent »: « Le terrorisme – je ne sais pas s’il faut le dire, parce que c’est un peu dangereux – grandit quand il n’y a pas d’autre option. Quand au centre de l’économie mondiale il y a le dieu argent et non la personne – l’homme et la femme – : c’est déjà le premier terrorisme. Tu as chassé la merveille de la Création, l’homme et la femme, et tu as placé là l’argent. Voilà le terrorisme de base, contre toute l’humanité. Réfléchissons-y. »
Rencontre avec la presse, vol Cracovie-Rome, 31 juillet 2016, capture TV2000
Ne pas identifier islam et terrorisme, explications du pape François
Entretien avec la presse sur le vol Cracovie-Rome (2)