« L’histoire est aux mains de Dieu. Elle reste aux mains de Dieu », affirme la célèbre bibliste et théologienne française Anne-Marie Pelletier : « Ce n’est pas visible à l’œil nu…Mais être chrétien c’est le croire. Être chrétien … c’est savoir que … Dieu est à la manœuvre. Dieu est à la manœuvre depuis le début jusqu’au terme. Tout en nous laissant l’espace à nos initiatives, mais c’est quand même Dieu qui a et qui aura le dernier mot, heureusement. »
La lauréate du prix Ratzinger en 2017, Anne-Marie Pelletier a accordé une interview à Vatican News le 8 mars 2020 (Olivier Bonnel): elle y explique comment les chrétiens devaient affronter la « réalité du mal » et quel est le vrai sens du combat spirituel.
Si « nous sommes véritablement chrétiens », a expliqué la théologienne, « nous affrontons cette réalité du mal aussi vertigineux soit telle » « dans la force du Christ sachant que le mystère de l’Incarnation, le mystère de la Rédemption c’est … Dieu qui vient nous visiter dans nos expériences, dans nos lieux les plus perdus et que c’est là qu’Il mène pour nous ce combat ». Elle a ajouté que « être du Christ, être dans la suite du Christ », « c’est précisément être attiré dans ce combat ».
Anne-Marie Pelletier a souligné que, selon elle, on n’enseigne pas « suffisamment aux chrétiens cette réalité du combat spirituel » : « On est dans un discours souvent beaucoup plus plat, beaucoup plus moralisant, a-t-elle noté. Parler du combat spirituel est-ce que ce ne serait pas l’affaire d’une élite de croyants? Non! Être chrétien c’est suivre le Christ. Et c’est suivre le Christ sur son chemin qui est jalonné de combat spirituel. »
Le carême, a-t-elle poursuivi, c’est le meilleur moment pour « méditer ces choses-là » : « c’est vraiment le temps de la préparation à Pâques, à la suite du Christ, dans la montée à Jérusalem ». « Cette montée à Jérusalem bien sûr c’est la Croix, c’est l’épreuve du Christ », « c’est le grand effondrement par excellence », a-t-elle rappelé, mais « être chrétien c’est recevoir l’annonce que tout cela est ressaisi, tout cela est pris dans la remontée de Dieu que tous les hommes soient sauvés, et tout cela prend son sens dans l’annonce de Résurrection ». « Donc, nous avons à être les témoins dans la Résurrection. »
Tenir, « en témoin du Ressuscité »
Dans une récente tribune publiée par l’hebdomadaire catholique La Vie, la bibliste a souligné qu’il était important pour le chrétien de tenir « en témoin du Ressuscité ». Il s’agit pour elle d’une chose très concrète « de la vie de notre vie, de la vie des familles » : « Tenir ferme, ne jamais céder au chantage du mal, a-t-elle expliqué dans l’interview. J’aime bien dire qu’au fond nous avons à témoigner que tout est sauvable, parce que tout est sauvé. Il n’y a pas de situation si désespérée… que Dieu ne puisse en faire quelque chose. Alors, comment? C’est consentir à ne pas savoir, à Lui remettre ces choses, en se disant : Lui doit savoir quoi en faire. »
Anne-Marie Pelletier a noté que « nous vivons dans un monde … difficile » et que cette situation difficile « est redoublée par ce qui se passe dans l’Église », « tous ces grands effondrements qui nous laissent abasourdis ».
« La question aujourd’hui ce n’est pas simplement les scandales du moment présent, a-t-elle souligné. Il se découvre qu’il y a beaucoup de vilenies dans certains secteurs de la vie de l’Église. Simplement aujourd’hui, tout cela se découvre, se dit, en ce sens, je penserais bien qu’il y a quelque chose de profondément positif, même si c’est douloureux. Nous accédons à la vérité, nous sortons du silence »
La théologienne a souligné qu’on a souvent l’impression que « l’histoire est entre les mains des violents » : « Nous ne pouvons échapper à ça que en étant effectivement en position de résistance, a-t-elle expliqué, et pas simplement en adoptant un certain parti d’optimisme, mais en nous référant au Christ, en nous appuyant sur le Christ. C’est Lui seul qui peut nous donner les véritables raisons de rester dans l’espérance. »
La bibliste a aussi expliqué une expression de saint Paul le « mystère d’iniquité » à laquelle elle tient beaucoup : « C’est une manière de désigner le mal, la profondeur du mal, a-t-elle dit. Le « mal » « c’est un mot abstrait, et qu’est-ce que ça couvre?… J’aime bien mystère, parce que c’est le répondant du mystère de grâce, c’est-à-dire que, il y a là une radicalité, dans l’expérience du mal, dans la puissance du mal, à quoi seule peut répondre la radicalité plus grande du mystère du Salut. »