Audience générale du Mercredi Saint, 8 avril 2020 © Vatican Media

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Les leçons de la pandémie et la conversion à réaliser, par le pape François

Entretien avec la presse anglophone (2)

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Le pape François pointe du doigt les leçons sociales de la pandémie du Coronavirus Covid-19 et la conversion à réaliser, dans un entretien au journaliste britannique Austen Ivereigh publié sur The Tablet (Londres) et Commonweal (New York) ce 8 avril 2020.

A la faveur de cette crise sanitaire, estime le pape, « nous sommes en train de réaliser que toute notre pensée, que cela nous plaise ou non, est structurée autour de l’économie. On dirait que dans le monde financier il est normal de sacrifier. C’est une politique de la culture du rejet ».

Il dénonce en ce sens la sélection prénatale : « Aujourd’hui il est très difficile de rencontrer des personnes porteuses du syndrome de Down. Quand on les voit à l’échographie, on les retourne à l’expéditeur ». De même l’euthanasie est répandue, qu’elle soit « légale ou occulte ». Dans son encyclique Humanae vitae, Paul VI avait donné « un avertissement » sur la « vague de néomalthusianisme que nous voyons aujourd’hui dans la sélection des personnes selon leur capacité à produire, à être utiles ».

Quant à l’environnement, « nous n’avons pas écouté les catastrophes », signale le pape en énumérant les incendies en Australie, la fonte de la banquise : « Je ne sais pas s’il s’agit de la vengeance de la nature, mais c’est sa réponse. »

Soit nous sommes cohérents, soit nous perdons tout

« Cette crise nous touche tous : riches et pauvres », constate le pape François qui y voit « un appel à faire attention à l’hypocrisie » : « Je suis préoccupé par l’hypocrisie de certains personnages politiques qui disent qu’ils veulent affronter la crise, qui parlent de la faim dans le monde, et qui fabriquent des armes pendant qu’ils parlent. C’est le moment de nous convertir de cette hypocrisie à l’oeuvre. Car c’est un temps de cohérence. Soit nous sommes cohérents, soit nous perdons tout. »

« Chaque crise est une menace, mais aussi une opportunité, poursuit-il… aujourd’hui je crois que nous devons ralentir un rythme de consommation et de production déterminé et apprendre à comprendre et à contempler la nature. Et à nous reconnecter à notre environnement réel. C’est une opportunité de conversion. »

Le pape remarque « des débuts de signes de conversion à une économie moins liquide, plus humaine ». Mais « nous ne devrons pas perdre la mémoire une fois passée la situation actuelle, nous ne devrons pas la classer aux archives et revenir à la situation précédente. C’est le moment de faire le pas. De passer de l’utilisation et de l’exploitation de la nature à la contemplation. Nous les hommes avons perdu la dimension de la contemplation; le moment est venu de la retrouver. »

C’est aussi le moment « de voir le pauvre… de découvrir les nombreuses personnes marginalisées… elles sont là, nous passons à côté d’elles, mais nous ne les voyons pas. Elles font partie du paysage, ce sont des choses ». Voir les pauvres signifie « leur rendre leur humanité ».

Mentionnant Les Carnets de la maison morte de Dostoïevski, où des gardes maltraitent le corps d’un détenu tout juste mort, le pape cite un prisonnier prenant sa défense : « Ça suffit ! Lui aussi avait une mère ». Tout pauvre « a eu une mère », mais « nous dépossédons les pauvres, nous leur refusons le droit à rêver de leur mère ». Il s’agit donc de passer « de la société hyper-virtualisée, désincarnée, à la chair souffrante du pauvre » : « si nous ne commençons pas là, la conversion n’a pas d’avenir ».

« Faites votre devoir sacerdotal »

Comment l’Eglise doit-elle sortir de cette crise ? « Moins accrochée aux schémas », répond le pape, ce qui ne signifie pas une Eglise « désinstitutionnalisée » : « L’Eglise est une institution », sinon c’est une Eglise « gnostique ».

Et le pape de donner un exemple : « Il y a quelques semaines, un évêque italien m’a appelé. Peiné, il me disait qu’il allait d’un hôpital à l’autre pour donner l’absolution à tous ceux qui étaient à l’intérieur, en se mettant dans le hall. Mais des canonistes lui avaient dit que l’absolution était permise seulement en contact direct. ‘Qu’en dites-vous père’ m’a demandé l’évêque. Je lui ai dit : ‘Monseigneur, faites votre devoir sacerdotal’. Et l’évêque me dit : ‘Merci, j’ai compris’. »

« En d’autres mots, l’Eglise c’est la liberté de l’Esprit en ce moment devant une crise, et non pas une Eglise renfermée dans les institutions. Cela ne veut pas dire que le droit canonique est inutile… mais le dernier canon dit que tout le sens du droit canonique est le salut des âmes, et c’est là que la porte s’ouvre pour pouvoir sortir apporter la consolation de Dieu dans les moments de difficulté. »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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