Mgr Nerbini et les médecins de l'hôpital de Prato @ avvenire.it

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Les laïcs et l’eucharistie au temps de la pandémie du coronavirus

Un « miracle eucharistique »

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Le 27 mars dernier, notre Pape François avait fait ce geste extraordinaire de bénir avec le Saint-Sacrement de l’Eucharistie la Ville et le Monde (Urbi et Orbi), devant la Place Saint-Pierre vide et sous la pluie. C’était un jour très triste pour l’Italie, avec le plus grand nombre de victimes du virus (plus de 1 000 morts). Le même jour, j’avais publié dans Zenit (italien et français) un texte intitulé: Vivre l’eucharistie au temps du coronavirus, qui était un témoignage et une réflexion.

Je voudrais la prolonger aujourd’hui, en l’octave de Pâques, dans la joyeuse Lumière de la Résurrection de Jésus qui vient éclairer l’immense souffrance de la famille humaine dans le monde entier, à partir d’un très bel événement de ce Dimanche de Pâques, à Prato en  Toscane, un événement qui a retenu l’attention des journaux, non seulement du quotidien catholique Avvenire, mais aussi du très laïc Corriere della Sera (15 avril).

Il s’agit de l’initiative d’un groupe de médecins catholiques du secteur Covid 19 de l’hôpital de Prato, qui, spontanément, ont eu ensemble l’inspiration de donner la sainte Communion à leurs malades le jour de Pâques. Ils ont obtenu l’accord et la bénédiction de l’évêque qui les a immédiatement institués « ministres extraordinaires de l’Eucharistie ». Ils ont également associé l’aumônier de l’hôpital à cette surprenante initiative. Leurs témoignages sont très beaux. Par exemple, le docteur Filippo Risaliti, marié et père de famille, raconte:

    L’Évêque Mgr Nerbini nous a formellement mandatés; il a fait un petit discours en expliquant que dans ces temps difficiles nous médecins nous sommes appelés à cela aussi. Et je suis d’accord. Actuellement notre effort est trop concentré sur le soin du mal physique, mais je me rends compte que la réalité spirituelle de l’homme ne peut pas être séparée de son corps. Elle aussi a besoin de soins très importants.

Cet événement est exemplaire, comme un miracle de Pâques qui est un miracle eucharistique, pour introduire et éclairer la « phase 2 » en Italie, c’est-à-dire de la reprise prudente et progressive des activités: dans la société, sous la direction du Gouvernement, et dans l’Église sous la direction du Pape et des évêques.

Mais nous devons souligner que cette initiative eucharistique est venue spontanément des laïcs, et de laïcs engagés en première ligne: des médecins qui luttent héroïquement contre la maladie (avec les infirmières et tout le personnel hospitalier) en risquant leur vie. Plus de 100 médecins sont déjà morts en Italie. Cet événement est également exemplaire du point de vue de la communion ecclésiale entre ces laïcs, l’évêque et l’aumônier.

Souvent, dans l’Histoire de l’Église, ce sont des laïcs et des femmes (laïques ou religieuses) qui ont précédé et entraîné les Pasteurs de l’Eglise (papes, évêques et prêtres) pour de nouveaux développements de la spiritualité eucharistique. C’est le cas de sainte Julienne de Cornillon pour l’institution de la fête du Saint-Sacrement, de sainte Catherine de Sienne et de sainte Thérèse de Lisieux pour la communion quotidienne.  Et nous-mêmes, comme prêtres, nous sommes souvent guidés par l’exemple des laïcs qui nous aident à grandir dans l’amour de Jésus Eucharistie!

En Italie, dans la première phase de la lutte contre le virus, à partir du moment où les évêques ont suspendu la célébration des Messes avec le Peuple, ce sont les laïcs qui ont le plus souffert, totalement privés de la sainte Communion. Les prêtres ont justement continué à célébrer la Messe quotidienne (même seuls), en portant toute l’humanité souffrante dans le Sacrifice du Christ, suivant en cela l’exemple de notre Pape François, en s’efforçant eux aussi d’offrir aux laïcs un minimum de participation « virtuelle » à travers les médias. Mais la communion spirituelle, proposée chaque jour de Pape François, n’a pas pour but de remplacer la communion sacramentelle au Vrai Corps de Christ réellement présent dans l’hostie consacrée, mais bien plutôt de la faire désirer plus ardemment en expérimentant la souffrance de sa privation.

Notre Pape François a demandé aux prêtres d’être très proches des laïcs. Il leur a demandé de porter la communion aux malades et de laisser ouvertes leurs églises pour la prière des fidèles. Ainsi, les laïcs ont encore la possibilité de prier devant le Tabernacle lors de leurs sorties autorisées. Ils peuvent aussi demander aux prêtres de leur donner la communion, ce que beaucoup d’entre eux acceptent en respectant toutes les exigences sanitaires: individuellement (sans groupes), communion dans la main après que le prêtre s’est soigneusement désinfecté les mains.  Il serait souhaitable que les évêques rappellent clairement cette possibilité, car la reprise des Messes avec le Peuple risque d’être très lente et limitée.

Dans ce contexte, l’initiative eucharistique des médecins de Prato a un caractère vraiment prophétique pour toute l’Église,  en mettant dans une nouvelle lumière le rôle essentiel des laïcs comme ministres extraordinaires de l’Eucharistie en cette période de la pandémie, un rôle pas moins important que celui des prêtres et des diacres, qui sont les ministres ordinaires de l’eucharistie, mais parfaitement complémentaire.

L’institution des ministres extraordinaires de l’Eucharistie a été une des grandes initiatives de saint Paul VI. Il faudrait relire son encyclique Mysterium Fidei sur l’Eucharistie dans la pleine lumière du Concile Vatican II. On pourrait dire que Paul VI a vraiment mis Jésus Eucharistie dans les mains des laïcs, hommes et femmes, afin de le donner plus fréquemment et plus abondamment aux nombreux frères souffrants. En permettant la communion dans la main, il donnait aux fidèles de pouvoir toucher avec foi et amour le Corps de Jésus, ce qui auparavant était réservé aux seuls prêtres. De façon exceptionnelle toutefois, dans les périodes de persécution, les prêtres avaient confié à des laïcs la garde de l’Eucharistie. Ainsi, au moment de la Révolution Française, de nombreuses femmes courageuses, laïques et religieuses, gardaient et portaient l’Eucharistie en risquant leur vie.

Plus récemment, dans la période la plus dure du communisme au Vietnam, les évêques avaient donné à des laïcs la même permission de garder l’Eucharistie pour porter la communion dans les zones où les prêtres ne pouvaient pas pénétrer. Dans mon texte précédent, j’avais rappelé l’exemple lumineux du Vénérable Cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan, qui, dans cette même période, avait vécu toutes les dimensions du Mystère Eucharistique, et cela dans des conditions extrêmes de souffrance durant ses 13 années de captivité. Il réussissait à célébrer la Messe seul, chaque jour, avec trois gouttes de vin dans la paume d’une main et une petite hostie dans l’autre, en portant toujours une hostie consacrée dans la poche de sa chemise, pour vivre continuellement  l’adoration eucharistique et trouver dans ce contact avec Jésus la force d’aimer ses ennemis, de pardonner et d’évangéliser. Quand c’était possible il donnait aux prisonniers catholiques une réserve d’hosties consacrée dans des paquets de cigarettes pour qu’ils pussent continuer à vivre l’adoration et la communion. Affirmant: « Ma seule force est l’eucharistie », il cherchait toutes les manières possibles pour que les fidèles souffrants ne soient pas privés de cette force (cf. mon article dans Zenit français, le 29 mars).

A travers ces témoignages des saints, on voit que le développement de la spiritualité eucharistique de l’Eglise est guidé par une dynamique de proximité, de confiance et d’amour, jusqu’à cette vraie « familiarité avec Jésus », simple, aimante et adorante, dont nous a si bien parlé notre Pape François dans l’homélie de ce jour 17 avril, vendredi dans l’octave de Pâques.

En cette période très difficile pour l’Église et le Monde, il est urgent de dépasser toute forme de cléricalisme, pour accorder aux laïcs la plus grande confiance et leur laisser une grande liberté d’initiative et d’innovation dans ce domaine de la pastorale eucharistique, toujours vécue en communion avec les Pasteurs. Les médecins de Prato nous en ont donné une merveilleuse démonstration!

Enfin, il conviendrait de réfléchir sur la possibilité de confier plus habituellement la Présence Eucharistique aux ministres extraordinaires, aux familles chrétiennes et aux personnes consacrées, avec prudence et discernement, pour que les laïcs ne restent pas privés du contact avec le Vrai Corps de Jésus dans la communion et l’adoration, en étant limités au seul contact « virtuel » à travers les médias (comme cela a été le cas dans cette première période). Deux théologiens se sont exprimés récemment dans ce sens: le dominicain Jean-Ariel Bauza-Salinas (cf. son interview en Zenit français du 10 avril) et le laïc Gregory Solari (cf. son article publié dans La Croix le 6 avril).  Une telle possibilité avait déjà exprimée et proposée à Paul VI en 1968, l’année de la grande crise, par une humble laïque consacrée, coopératrice salésienne, Vera Grita, dont la Cause de béatification vient d’être ouverte (cf. mon article dans Zenit français pour le Jeudi Saint 9 avril).

Plus que jamais, le Peuple de Dieu si éprouvé a besoin d’une telle proximité avec le Vrai Corps de Jésus, né de la Vierge Marie, Crucifié et Ressuscité pour le Salut de tous les hommes.

Rome, Vendredi de Pâques, le 17 avril 2020

P. François-Marie Léthel, ocd

 

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François-Marie Léthel

Le pape Benoît XVI a adressé une lettre au Père François-Marie Léthel, o.c.d., secrétaire de l’Académie pontificale de théologie et professeur à la faculté pontificale de théologie « Teresianum », qui a prêché la retraite de carême au Vatican de 2011, sur le thème : « La lumière du Christ au cœur de l’Eglise – Jean-Paul II et la théologie des saints ». Il est aussi depuis 2004, consulteur de la Congrégation pour les causes des saints. https://fr.zenit.org/articles/lettre-de-benoit-xvi-au-pere-francois-marie-lethel/

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