« Entrer dans le monde » du pape François grâce au « laboratoire du pontificat » que furent ses années comme archevêque de Buenos Aires. C’est ce que propose un recueil des homélies du cardinal Jorge Mario Bergoglio, présenté à Rome le 10 novembre 2016 par le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin.
L’ouvrage « Pape François, dans tes yeux est ma parole » (Papa Francesco, Nei tuoi occhi è la mia parola) publié en italien aux éditions Rizzoli, a été compilé par le père Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite La Civiltà Cattolica. Il contient aussi un long entretien avec l’évêque de Rome. Ce livre permet, a estimé le cardinal Parolin, d’ « entrer dans le monde » du pape, « dans son regard, dans sa façon de voir la réalité ».
Ce volume, a-t-il expliqué, « recueille toutes les homélies, les discours et les messages de celui qui était alors Mgr Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires » de 1999 à 2013. Il s’agit « d’une sorte d »oeuvres complètes’ de son ministère épiscopal », a estimé le cardinal qui a vu cette publication comme « un hommage pour les 80 ans » du pape, le 17 décembre prochain.
Un laboratoire du pontificat
De nombreux traits de son magistère actuel y sont en effet en bourgeons, a assuré le cardinal : « Les paroles que le pape François, depuis les premiers jours de son pontificat, a accompagnées de gestes puissants ont été façonnées (…) par celles des années vécues comme pasteur à Buenos Aires ». Le volume est « en quelque sorte le ‘laboratoire’ du pontificat de François ».
Pour le « numéro 2 » du Vatican, l’évêque qui traverse à pied ou en métro les rues de sa ville et de son diocèse peut se voir en filigrane « quand il sort sur la loggia des bénédictions de Saint-Pierre ». L’ouvrage permet de « mieux comprendre les paroles et les gestes d’un pape qui a mis au centre de son ministère le discernement et la miséricorde ». Il donne une certaine lumière, a-t-il ajouté, sur « celui qui est considéré comme un des plus grands leaders moraux et spirituels du monde – peut-être le plus écouté au niveau global comme l’a relevé un récent sondage international Gallup ».
« Les paroles du ministère pastoral du cardinal Bergoglio se nourrissent de vie vécue, de questions ouvertes, de frontières traversées, de périphéries parcourues, de défis qui ont des visages et des noms », a constaté le cardinal Parolin : « Ce ne sont pas des exercices pastoraux, des réflexions d’école ou des méditations faites à l’abri du monde ».
Voir les yeux des personnes
En outre, « la parole du pape était et est toute centrée sur l’interlocuteur. Il n’élabore pas de concepts abstraits, mais embrasse l’humanité qu’il a en face de lui. De là le titre du volume Nei tuoi occhi è la mia parola : c’est l’œil du fidèle, du saint peuple de Dieu, qui doit générer la parole paternelle, féconde, vitale ».
Le pape, a encore ajouté le secrétaire d’Etat, sent le besoin de voir les yeux des personnes auxquelles il s’adresse. François ne voit jamais devant lui une ‘masse’ ni ne peut fixer ses yeux sur une feuille de papier ».
Au fil de ses homélies et discours d’archevêque, a fait observer le cardinal, « il prêche toujours en faveur des travailleurs et des chômeurs ». Il s’est dépensé pour le dialogue mais « n’a pas hésité dans certaines circonstances à lancer des défis clairs au gouvernement au nom du peuple et à combattre contre les élites malades d’idéologie ». A ce propos, « un des aspects les plus importants de la critique de Bergoglio (…) concerne le drame des relations et des liens devenus vides. Pour lui c’est le vrai drame d’un peuple, favorisé aujourd’hui par le déracinement spatial des grandes villes ».
Le pape et les jeunes « agités »
Le cardinal Parolin a noté aussi l’attention du pape « aux jeunes agités et indisciplinés ». Et de citer l’ancien archevêque de Buenos Aires : « Un jeune ‘agité’ est un jeune sensible aux stimuli du monde et de la société, un jeune qui s’ouvre aux crises auxquelles la vie est soumise, un jeune qui se rebelle contre les limites mais, par ailleurs les réclame et les accepte (non sans douleur), si elles sont justes. Un jeune non conformiste envers les clichés culturels que lui propose la société mondaine ; un jeune qui veut apprendre à discuter ».
Pour le cardinal Bergoglio il faut « lire » l’agitation et la valoriser parce que tous les systèmes qui cherchent à « tranquilliser » l’homme sont pernicieux et conduisent au « quiétisme existentiel ».
Le volume se conclut par une homélie pour la messe chrismale datée du 28 mars 2013. Le cardinal Bergoglio, devenu pape le 13 mars, 15 jours plus tôt, l’avait rédigée avant de partir pour le conclave à Rome. Il y écrivait : « L’huile précieuse qui oint la barbe d’Aaron ne fait pas que parfumer sa personne, mais se répand et rejoint les périphéries » car « son onction est pour les pauvres, pour les prisonniers, pour les malades, pour qui est triste et seul ».
« Cette homélie, comme les autres, exprime le langage dense, poétique et populaire que nous connaissons bien désormais. C’est sur ces dernières paroles du cardinal archevêque Jorge Mario Bergoglio que le ministère pétrinien du pape François a commencé », a conclu le secrétaire d’Etat.