« La force de l’Église vient de la patience, de la persévérance et de la volonté d’accepter la réalité de la foi », estime le nouveau – et premier – cardinal laotien, Louis-Marie Ling Mangkhanekhoun, évêque de Paksé et administrateur apostolique du diocèse de Vientiane, capitale du Laos, qui a été créé cardinal ce 28 juin 2017.
Il avait répondu aux questions du National Catholic Reporter le 24 juin 2017. La traduction française a été faite par Églises d’Asie, l’Agence des Missions étrangères de Paris.
« Quand nous sommes allés à Rome pour une visite ad limina [le 26 janvier 2017], se souvient le cardinal Ling Mangkhanekhoun, le pape nous a dit que la force de l’Église réside dans l’Église locale, en particulier l’Église qui est petite, l’Église qui est faible, et l’Église qui est persécutée. C’est l’épine dorsale de l’Église universelle. . . Cela m’a fait penser que notre pauvreté, notre souffrance et notre persécution sont les trois colonnes qui fortifient l’Église. »
Lorsque le cardinal Ling a appris la nouvelle de son cardinalat « la surprise a été totale »: « Je n’avais pas peur, avoue-t-il. Je n’ai rien ressenti de particulier, car je ne pensais pas que c’était vrai. Je pensais que, pour une telle décision, des officiels m’auraient d’abord contacté. »
Cependant, en discutant avec deux cardinaux de Bangkok, l’archevêque émérite, le cardinal Michai Kitbunchu, et l’actuel archevêque, le cardinal Kriengsak Kovithavanij, il a appris que « quand le pape choisit quelqu’un, il le fait d’abord et prévient la personne en question par la suite. C’est la décision du pape ».
Le cardinal laotien explique la situation dans son pays où, après la prise du pouvoir par les communistes, en 1975, des catholiques ont connu la répression et ont été arrêtés pour être « rééduqués » : « J’ai été détenu pendant trois ans, raconte le cardinal Ling. L’arrestation et l’éventuelle incarcération m’ont effrayé au début. Je me demandais : « Pourquoi m’arrêteraient-ils ? » Plus tard, ils m’ont fait part de la raison de mon arrestation: « Vous faites la promotion de Jésus-Christ. » Je l’ai accepté, comme c’était vrai. Ils avaient raison, je « promouvais » Jésus. C’était une accusation exacte. »
Aujourd’hui, poursuit le cardinal, « il existe des dispositions qui interdisent le travail de diffusion de l’enseignement de Jésus ». « Mais en réalité, parfois, elles ne sont pas mises en œuvre, explique-t-il. Cela dépend de chaque région. Dans certaines régions, il n’y a pas de problème pour évangéliser grâce aux catéchistes et aux services pastoraux. Dans d’autres, il pourrait y avoir des difficultés. Ailleurs, enfin, c’est tout à fait dangereux. »
« Les prêtres peuvent se déplacer pour célébrer la messe, ajoute le cardinal Ling. Dans n’importe quel village, il existe déjà une paroisse ou une église, il n’y a pas de problème. »
Par contre, les problèmes apparaissent « si vous construisez une nouvelle église parce que c’est quelque chose de nouveau » : « Mais un tel problème peut être discuté avec les autorités locales. Nous devons établir des liens avec eux et parler avec eux. »
Le gouvernement laotien n’a pas réagi à l’élévation au cardinalat de l’évêque Ling Mangkhanekhoun : « Il n’y a pas de déclaration officielle directe. Je ne sais pas si le gouvernement comprend l’importance du cardinalat, ce qu’il signifie pour eux, son devoir et sa responsabilité au sein de l’Église. »
« Cependant, il y a une demande de rendez-vous. Il y a des catholiques qui occupent des postes importants au sein du gouvernement. Ils m’ont fait parvenir une invitation. Je serais heureux d’accepter leur invitation. J’aimerais trouver des moyens de coopérer et d’entretenir de meilleures relations avec le gouvernement. »
Parmi les pays d’Asie du Sud-Est, « seul le Laos n’a pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège » : « Il y a un point d’interrogation sur cette relation et je travaille sur ce. »
« Nous pouvons changer la façon de penser du gouvernement, estime-t-il. Nous avons besoin de construire une amitié. Si les deux parties travaillent ensemble, nous pouvons prévoir une meilleure relation. »
En évoquant la cérémonie de béatification de 17 martyrs du Laos, autorisée par le gouvernement, le cardinal Ling Mangkhanekhoun estime que « cela signifie qu’au moins le gouvernement a compris qu’il fallait établir des relations entre l’Église et le gouvernement. Des relations a minima peut-être, mais des relations tout de même ».
C’est la raison pour laquelle l’Église laotienne n’utilise pas le terme de « martyrs » : « Nous avons utilisé un mot meilleur et juste pour décrire ces martyrs, explique le nouveau cardinal. Nous les appelons les « ancêtres de la foi ».
Le Laos compte 45 113 catholiques – sur 6,4 millions d’habitants – dont 20 prêtres, 98 religieux et religieuses, dans 218 paroisses, « la plus importante réalisation » est le grand séminaire de Thakhek.
Là-bas, des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée et de la Société des Missions étrangères de Paris « enseignent en lao », raconte l’évêque : « Nous avons environ quinze séminaristes cette année au grand séminaire. »
« Concernant les catéchistes, poursuit-il, j’ai toujours été impliqué auprès d’eux. J’ai été le directeur d’une école de formation de catéchistes avant mon incarcération… même si je ne dirige pas directement le programme maintenant, je leur donne toujours des orientations. Je n’ai jamais abandonné ce ministère. »
En parlant de la situation interreligieuse dans le pays, Le cardinal Ling Mangkhanekhoun note qu’ « il n’y a pas de problème concernant les relations avec les (…) bouddhistes. Mais entre les catholiques et les autres chrétiens, il peut exister quelques problèmes. Chacun d’entre nous a une manière d’évangéliser différente ».
Le card. Ling salue ses frères cardinaux, 28/06/2017
Laos: «La force de l’Église», par le card. Louis-Marie Ling
« L’épine dorsale de l’Église universelle »