L'humanité, pas abandonnée "aux forces obscures du chaos ou du hasard"

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Commentaire du Ps 95 par Jean-Paul II

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CITE DU VATICAN, Mercredi 25 septembre 2002 (ZENIT.org) – « Nous avons la certitude que nous ne sommes pas abandonnés aux forces obscures du chaos ou du hasard, mais que nous sommes toujours entre les mains d’un Souverain juste et miséricordieux », explique Jean-Paul II en commentant le psaume 95, en italien, au cours de l’audience générale du 18 septembre 2002

Voici la traduction de L’Osseratore Romano hebdomadaire en français du 24 septembre (cf. vatican.va, Services d’information, Journal):

– Catéchèse de Jean-Paul II –

1. « Dites chez les païens: « YHWH règne! » ». Cette exhortation du Psaume 95 (v. 10), qui vient d’être proclamé, nous donne presque le ton sur lequel se déroule tout l’hymne. En effet, il se situe parmi les psaumes qui sont intitulés les « Psaumes du Seigneur roi », qui comprennent les Psaumes 95-98, en plus du 46 et du 92.
Par le passé, nous avons déjà eu l’occasion d’étudier et de commenter le Psaume 92, et nous savons que ces cantiques sont centrés sur la figure grandiose de Dieu, qui dirige l’univers tout entier et qui gouverne l’histoire de l’humanité.

Le Psaume 95 exalte lui aussi le Créateur des êtres, ainsi que le Sauveur des peuples: grâce à Dieu « le monde est stable, point ne bronchera, sur les peuples il prononce avec droiture » (v. 10). Dans l’original hébreu, le verbe traduit par « juger » signifie, en réalité, « gouverner »: nous avons ainsi la certitude que nous ne sommes pas abandonnés aux forces obscures du chaos ou du hasard, mais que nous sommes toujours entre les mains d’un Souverain juste et miséricordieux.

2. Le Psaume commence par une invitation festive à louer Dieu, une invitation qui ouvre immédiatement une perspective universelle: « Chantez à YHWH, toute la terre! » (v. 1). Les fidèles sont invités à « raconter aux païens sa gloire », pour s’adresser ensuite « à tous les peuples » afin de raconter « ses merveilles » (v. 3). Le Psalmiste interpelle même directement les « familles des peuples » (v. 7), pour inviter à glorifier le Seigneur. Enfin, il demande aux fidèles de dire « chez les païens: « YHWH règne » » (v. 10), et il précise que le Seigneur vient pour « juger la terre » (v. 10), « les peuples » (v. 13). Cette ouverture à la dimension universelle, de la part d’un petit peuple écrasé entre deux grands empires, est significative. Ce peuple sait que son Seigneur est le Dieu de l’univers et que « [sont] néant, tous les dieux des nations » (v. 5).

Le Psaume est substantiellement composé de deux tableaux. La première partie (cf. vv. 1-9) comprend une épiphanie solennelle du Seigneur « dans son sanctuaire » (v. 6), c’est-à-dire dans le temple de Sion. Elle est précédée et suivie par les chants et les rites sacrificiels de l’assemblée des fidèles. Le flux de louanges, face à la majesté divine, s’écoule de façon incessante: « Chantez à YHWH un chant nouveau… chantez… chantez… bénissez… proclamez son salut… racontez sa gloire… ses merveilles… rapportez à YHWH gloire et puissance… présentez l’oblation… tremblez devant lui » (vv. 1-3.7-9).

Le geste fondamental face au Seigneur roi, qui manifeste sa gloire dans l’histoire du salut, est donc le chant d’adoration, de louange, de bénédiction. Ces attitudes devraient être présentes également au sein de notre liturgie quotidienne et de notre prière personnelle.

3. Au coeur de ce chant choral, nous trouvons une déclaration contre l’idolâtrie. La prière se révèle ainsi comme une voie pour atteindre la pureté de la foi, selon la célèbre affirmation lex orandi, lex credendi: la norme de la véritable prière est également la norme de la foi, elles est une leçon sur la vérité divine. En effet, celle-ci peut précisément être découverte à travers la communion intime avec Dieu, réalisée dans la prière.

Le Psalmiste proclame: « Grand, YHWH, et louable hautement, redoutable, lui, par-dessus tous les dieux! Néant, tous les dieux des nations. C’est YHWH qui fit les cieux » (vv. 4-5). A travers la liturgie et la prière, la foi est purifiée de toute dégénérescence, les idoles auxquelles on sacrifiait facilement quelque chose de soi-même au cours de la vie quotidienne sont abandonnées, on passe de la peur face à la justice transcendante de Dieu à l’expérience vivante de son amour.

4. Mais nous voilà au deuxième tableau, celui qui s’ouvre par la proclamation de la royauté du Seigneur (cf. vv. 10-13). A présent, c’est l’univers qui chante, également à travers ses éléments les plus mystérieux et obscurs, comme la mer, selon l’antique conception biblique: « Joie au ciel! exulte la terre! Que gronde la mer, et sa plénitude! Que jubile la campagne, et tout son fruit, que tous les arbres des forêts crient de joie, à la face de YHWH, car il vient, car il vient pour juger la terre » (vv. 11-13).

Comme le dira saint Paul, la nature, avec l’homme, est « en attente… d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8, 19.21).
Arrivés à ce point, nous voudrions faire place à une relecture chrétienne de ce Psaume, effectuée par les Pères de l’Eglise, qui y ont vu une préfiguration de l’Incarnation et de la Crucifixion, signe de la royauté paradoxale du Christ.

5. Ainsi, au début du discours prononcé à Constantinople, à Noël de l’an 379 ou 380, saint Grégoire de Nazianze reprend certaines expressions du Psaume 95: « Le Christ naît, glorifiez-le! Le Christ descend du ciel: allez à sa rencontre! Le Christ est sur la terre: levez-vous! « Chantez à YHWH, toute la terre » (v. 1), et, pour réunir les deux concepts, « Joie au ciel! exulte la terre! » (v. 11) en raison de celui qui est céleste mais qui est ensuite devenu terrestre » (Homélies sur la nativité, Discours 38, 1, Rome 1983, p. 44).

C’est de cette façon que le mystère de la royauté divine se manifeste dans l’Incarnation. Celui qui règne en « devenant terrestre », règne même précisément dans l’humiliation sur la Croix. Il est significatif que beaucoup d’anciens pères aient lu le verset n. 10 de ce Psaume comme un complément christologique suggestif: « Le Seigneur régna sur le bois ».

C’est pourquoi, la Lettre de Barnabé enseignait que « le royaume de Jésus se trouve sur le bois » (VIII, 5: Les Pères apostoliques, Rome 1984, p. 198) et le martyr saint Justin, en citant presque intégralement le Psaume dans sa Première Apologie, concluait en invitant tous les peuples à se réjouir car « le Seigneur régna sur le bois » de la Croix (Les apologistes grecs, Rome 1986, p. 121).

C’est sur ce terrain qu’a fleuri l’hymne du poète chrétien Venance Fortunat, Vexilla regis, dans lequel est exalté le Christ qui règne du haut de la Croix, trône d’amour et non de domination: Regnavit a ligno Deus. En effet, au cours de son existence terrestre, Jésus avait averti: « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 43-45).

©L’Osservatore Romano

N.B. Nous adoptons l’usage respectueux de nombreux biblistes de ne pas vocaliser en « Yavhé » le tétragramme de l’hébreu désignant le nom de Dieu, imprononçable, mais de transcrire les quatre consonnes de l’hébreu par les majuscules YHWH. A la lecture on peut dire « le Seigneur ».

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ZENIT Staff

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