Pour la Journée mondiale de la pêche, célébrée le 21 novembre 2016, le Vatican attire l’attention sur les « centaines de milliers de migrants » victimes « de la traite ou du trafic et destinés au travail forcé à bord des navires de pêche ».
Dans un message publié le 15 novembre, le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement invite à identifier les victimes et à prévenir l’exploitation « en proposant des alternatives viables de travail et de subsistance ».
Il appelle aussi les gouvernements à ratifier la Convention sur le travail dans la pêche de 2007, « afin de créer un environnement sûr à bord des navires de pêche et de meilleures mesures de bien-être pour les pêcheurs ».
A l’occasion de cette journée, le dicastère et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome, co-organisent l’événement « La violation des droits humains dans le secteur de la pêche et la pêche illégale, non déclarée et non-réglementée » (The violation of human rights within the fishing sector and illegal, unreported and unregulated (IUU) fishing). Le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin y interviendra.
AK
Message pour la Journée mondiale de la pêche
Depuis 1998, la Journée mondiale de la pêche est célébrée chaque année le 21 novembre pour souligner l’importance de préserver l’océan et la vie marine qui donne de la nourriture à des milliards de personnes et du travail à plus de 50 millions de personnes dans le monde.
Le Pape François, dans sa Lettre encyclique Laudato Sì, mentionne certaines des menaces qui frappent et détruisent les ressources marines naturelles : « Beaucoup de barrières de corail dans le monde sont aujourd’hui stériles ou déclinent continuellement : « Qui a transformé le merveilleux monde marin en cimetières sous-marins dépourvus de vie et de couleurs ? »1 Ce phénomène est dû en grande partie à la pollution qui atteint la mer, résultat de la déforestation, des monocultures agricoles, des déchets industriels et des méthodes destructives de pêche, spécialement celles qui utilisent le cyanure et la dynamite » (n. 41) . Etant donné qu’ils représentent un patrimoine commun de l’humanité, le Pape François a appelé chacun à « …collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités » (n. 14).
Pour cette raison, nous apprécions et attendons avec impatience la mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Agreement on Port State Measures to Prevent, Deter and Eliminate Illegal, Unreported and Unregulated Fishing – PSMA), adopté comme accord de la FAO en 2009. Après plusieurs années d’efforts diplomatiques, il est finalement entré en vigueur, le 5 juin dernier, et est à présent juridiquement contraignant pour les 29 pays et l’organisation régionale qui l’ont signé2. A travers l’adoption et la mise en œuvre de mesures de l’Etat du port effectives, le PSMA est le premier traité international contraignant cherchant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR), un problème environnemental important qui provoque de sérieux dommages économiques et menace la sécurité alimentaire dans de nombreux pays3.
Toutefois, notre préoccupation ne se limite pas aux ressources marines. L’industrie de la pêche est largement reconnue comme l’une des plus dangereuses en raison des fréquents accidents de travail et du taux élevé de mortalité. En cette Journée mondiale de la pêche, nous voudrions porter notre attention également sur les pêcheurs qui se trouvent dans des situations d’exploitation et d’abus.
Malheureusement, on ne connaît pas bien la réalité tragique au sein de l’industrie de la pêche, où des centaines de milliers de migrants internes/transnationaux sont victimes de la traite ou du trafic et destinés au travail forcé à bord des navires de pêche.
Cela est favorisé par un réseau d’organisations criminelles et d’individus qui abusent des personnes provenant de situations de pauvreté, qui recherchent désespérément un travail qui pourrait les aider à briser le cercle de pauvreté. Au lieu de cela, elles tombent dans une situation de traite, de servitude pour dette sans issue. En effet, les navires de pêche passent de longues périodes en mer (allant de quelques mois à plusieurs années) et cela rend difficile, voire impossible, pour les victimes de ces crimes de dénoncer leurs situations difficiles.
En tenant compte de l’appel du Pape François : « La traite des personnes est un crime contre l’humanité. Nous devons unir nos forces pour libérer les victimes et pour arrêter ce crime toujours plus agressif, qui menace, outre les personnes individuelles, les valeurs fondatrices de la société, et aussi la sécurité et la justice internationales, mais également l’économie, le tissu familial et la vie en société elle-même »4, en tant qu’Eglise catholique, nous voudrions renouveler notre appel aux gouvernements en vue de ratifier la Convention sur le travail dans la pêche de 2007 (n. 188), afin de créer un environnement sûr à bord des navires de pêche et de meilleures mesures de bien-être pour les pêcheurs. Depuis octobre 2016, la Convention a été ratifiée par neuf Etats côtiers5, et un pays supplémentaire est nécessaire pour l’entrée en vigueur de la Convention.
Tandis que nous exprimons notre gratitude aux aumôniers et aux bénévoles de l’Apostolat de la mer (AM) pour leur dévouement et leur engagement, nous voudrions les appeler à être vigilants et à intensifier leur présence dans les ports de pêche, en vue d’identifier et de porter secours aux victimes de la traite. Il est également nécessaire que l’AM travaille plus étroitement avec les responsables des communautés de pêche afin d’éduquer et de prévenir la traite des êtres humains en proposant des alternatives viables de travail et de subsistance.
Puisse Marie, Stella Maris, continuer d’être une source de force et de protection pour tous les pêcheurs et leurs familles.
Antonio Maria Card. Vegliò
Président
P. Gabriele Bentoglio, cs
Sous-Secrétaire
1 Conférence des évêques catholiques des Philippines, Lettre pastorale Qu’est-il arrivé à notre merveilleuse terre? (29 janvier 1988).
2 Australie, Barbade, Chili, Costa Rica, Cuba, République dominicaine, Union européenne (en tant qu’organisation membre), Gabon, Guinée, Guyane, Islande, Ile Maurice, Mozambique, Myanmar, Nouvelle-Zélande, Norvège, Oman, Palaos, République de Corée, Saint Kitts et Nevis, Seychelles, Somalie, Afrique du Sud, Sri Lanka, Soudan, Thaïlande, Tonga, Etats-Unis d’Amérique, Uruguay, et Vanuatu.
4 Discours du Pape François aux nouveaux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège à l’occasion de la présentation de leurs Lettres de Créance. 12 décembre 2013