« Aujourd’hui, il est encore temps d’éviter les erreurs du passé, a déclaré le doyen du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, l’ambassadeur de Chypre, Georgios F. Poulides. Sainteté, votre œuvre éclaire la route et indique le chemin que nos diplomaties peuvent suivre, en construisant les ponts de dialogues et non des murs. »
Comme chaque année, c’est le plus ancien ambassadeur accrédité près le Saint-Siège qui a prononcé le discours de bienvenue au pape François, ce jeudi 9 janvier 2020, au Vatican, au cours de la traditionnelle cérémonie d’échange des vœux.
En s’arrêtant sur les voyages internationaux entrepris par le pape en 2019, le doyen a souligné qu’ils avaient aidé à « promouvoir le dialogue » et à comprendre « la nécessité d’une éthique globale de solidarité et de coopération ».
Georgios F. Poulides a aussi souligné que « durant l’année qui vient de s’achever », le pape avait « rappelé à maintes reprises » que « l’instruction, le travail, la communauté et la famille sont les pierres angulaires qu’il faut garantir aux nouvelles générations ».
Voici le discours du doyen du Corps diplomatique Georgios F. Poulides prononcé en français.
Discours du doyen
Très Saint-Père,
Je suis profondément honoré et ému de vous présenter, en qualité de Doyen du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège, nos vœux les meilleurs de bonne santé et de fructueuse continuation de votre mission apostolique.
Je voudrais rappeler comment, l’an dernier en cette même occasion, vous nous invitiez à croire aux valeurs de la diplomatie multilatérale. Aujourd’hui encore, dans notre monde globalisé, avec les conflits et l’affirmation univoque des intérêts personnels, en l’absence d’harmonie entre politiques globales et nécessités locales, les nationalismes et les particularismes s’affirment. Comme vous l’avez dit plusieurs fois, on peut parler d’une troisième guerre mondiale par morceaux. En 2019, nous avons célébré le centenaire de la fondation de la Société des Nations, les soixante-dix ans du Conseil de l’Europe, les trente ans de la chute du Mur de Berlin : ce sont des évènements qui expriment la volonté des peuples de renaître après des périodes de guerres, chaudes ou froides, nées du manque d’une diplomatie du dialogue.
Aujourd’hui, il est encore le temps d’éviter les erreurs du passé. Sainteté, votre œuvre éclaire la route et indique le chemin que nos diplomaties peuvent suivre, en construisant des ponts de dialogue et non des murs.
Saint-Père, vous avez entrepris des voyages afin de promouvoir le dialogue, aux Emirats arabes unis et au Maroc, des pays à majorité musulmane. A Abou Dabi, vous avez signé avec le grand Imam d’Al Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, un Document sur la Fraternité Humaine. Au cours de votre visite au Maroc, vous avez rappelé l’importance de ce texte en soulignant qu’« il est essentiel, pour participer à l’édification d’une société ouverte, plurielle et solidaire, de développer et d’assumer constamment et sans faiblesse la culture du dialogue comme chemin à parcourir ; la collaboration comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère » (Rencontre avec le peuple marocain, les Autorités, les représentants de la société civile et le Corps Diplomatique, Rabat, 30 mars 2019).
Saint-Père, dans le cheminement que vous avez entrepris sous le signe du dialogue œcuménique et interreligieux, vos voyages ne peuvent pas passer inaperçus, en Roumanie et, en parcourant les routes des saints Cyrille et Méthode, en Bulgarie et en Macédoine du Nord. Vous avez invité les chrétiens à se reconnaître frères dans la diversité, pour retrouver l’unité en soulignant que « comme chrétiens, notre vocation et notre mission est d’être signe et instrument d’unité, et nous pouvons l’être, […] en plaçant ce qui nous unit avant ce qui nous a divisés ou nous divise encore » (Audience générale, 8 mai 2019).
Dans votre voyage en Asie, vous avez mis l’accent sur la nécessité d’une éthique globale de solidarité et de coopération. Vous avez insisté sur l’importance d’une conduite qui promeut l’écoute et la solidarité par opposition à la “culture du rejet”, et qui sauvegarde notre maison commune contre la menace d’un anéantissement total. En Thaïlande, Saint-Père, vous avez relancé l’appel pour l’accueil des réfugiés en demandant à la Communauté internationale d’agir avec responsabilité et clairvoyance ; en faisant écho de votre appel : « il ne s’agit pas seulement de migrants : il s’agit de notre humanité » (Message pour la 105ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2019).
Au Japon, vous nous avez prévenus sur l’immoralité des armes nucléaires, en excluant le fait que la paix puisse être construite sur la peur de la destruction réciproque. L’unique instrument digne et capable de garantir une paix durable est la culture du dialogue.
Dans le continent africain, en suivant les pas de Sa Sainteté, nous avons observé comment la paix et la réconciliation apparaissent comme des processus réels, et comment l’espérance est un sentiment plus que justifié. Nous nous rappelons bien comment, au Mozambique, votre visite a voulu contribuer à renforcer le processus de paix commencé il y a de nombreuses années avec les Accords de Rome. A Madagascar, vous avez repris le thème de la promotion de l’écologie intégrale et d’un développement partagé qui conjugue le respect de l’environnement et la justice sociale. A l’Île Maurice, vous avez encouragé le pays à poursuivre son parcours d’intégration entre les différentes ethnies et cultures. La confiance mutuelle croît là où l’harmonisation des différences devient la base d’un projet commun. Sainteté, vous reconnaissez à l’écoute réciproque intergénérationnelle un rôle central pour la construction d’une société solidaire et pacifique. Je reprends vos paroles dites à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, à Panama : « Vous, chers jeunes, vous n’êtes pas l’avenir. […] Non ! Vous êtes le présent ! » (Homélie à la Messe pour la Journée Mondiale de la Jeunesse, 27 janvier 2019). Comme vous l’avez rappelé à maintes reprises durant l’année qui vient de s’achever, l’instruction, le travail, la communauté et la famille sont les pierres angulaires qu’il faut garantir aux nouvelles générations.
Sainteté, en reconnaissant votre constante volonté d’offrir des lieux de discussion et de dialogue, je trouve essentiel de rappeler l’évènement mondial qui se tiendra le 14 mai 2020, avec l’objectif de former une large alliance éducative entre les composantes de la société, civile et politique, pour et avec les jeunes générations. Ce sera une occasion concrète pour commencer à édifier le “village de l’éducation” sous le signe de la fraternité humaine, dans le respect de la diversité.
Saint-Père, je vous prie d’accepter les vœux les plus chaleureux de bonne année et de bonne santé. Je tiens à vous remercier, au nom de la famille diplomatique près le Saint-Siège que je représente en ma qualité de Doyen, pour la force que vous nous avez transmise durant l’année qui vient de s’achever. Vous poussez l’Eglise, et nous tous, à regarder avec amour et espérance l’humanité du XXIème siècle : cette humanité – comme vous l’avez dit à la Curie Romaine – qui « appelle, interpelle et provoque, c’est-à-dire qui appelle à sortir et à ne pas craindre le changement » (Discours à la Curie Romaine, 21 décembre 2019).
Merci, Saint-Père, pour votre œuvre infatigable, espérance pour de nombreux peuples, pour tant d’hommes et de femmes.