France : le patriarche Fouad Twal Grand officier de la Légion d'honneur

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Discours du patriarche

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Le patriarche latin de Jérusalem, Fouad Twal, a reçu les insignes françaises de Grand officier de la Légion d’honneur, le 2 juillet 2013.

Selon un communiqué du patriarcat, le patriarche est en visite officielle en France depuis dimanche 30 juin, jusqu’au 4 juillet 2013.

Il a été reçu par Manuel Valls, Ministre de l’intérieur et des cultes le 1er juillet. Le lendemain, il a rencontré le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius qui lui remis les insignes de Grand officier de la Légion d’honneur.

Un communiqué du ministère des affaires étrangères précise que le patriarche a été décoré « en hommage à son rôle éminent joué dans la région [du Moyen-Orient], et dans le contexte des liens historiques qui unissent la France et le patriarcat latin ».

Dans son discours prononcé pour l’occasion, le patriarche se réjouit « avec reconnaissance de la très bonne collaboration historique et actuelle entre la France et la Terre Sainte », rappelant que « la France protège 40 congrégations religieuses en vertu d’accords historiques. Toutes œuvrent au profit de la population locale et à leur bien-être, en apportant de nombreuses compétences riches et utiles », dans « le social, l’éducation et la santé ».

Il déplore « la violence sans limite qui se déploie en Syrie », « un cauchemar, face auquel nous ne pouvons pas rester impassibles » et appelle à « plus de stabilité et de démocratie dans les pays arabes ».

Il demande pour cela à la France, « protecteur des Lieux Saints » d’élargir « l’espace de sa solidarité, non pas seulement à Jérusalem mais au Moyen-Orient tout entier » et de garder « un rôle politique de premier plan, pour aider à résoudre les conflits régionaux, avec plus de dialogue, et en évitant que meurent des milliers de victimes ».

Discours à monsieur Laurent Fabius,
Ministre des Affaires étrangères de la République Française

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Consul général de France à Jérusalem,
Messeigneurs,
Chers amis,

Permettez-moi, de prime abord, de vous remercier pour l’accueil que vous me réservez au Quai d’Orsay, en tant que Patriarche de Jérusalem pour les catholiques latins. Je me sens honoré de recevoir les insignes de Grand Officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur. J’exprime ma gratitude à la bien-aimée nation française, qui célébrera dans quelques jours sa fête nationale. A travers cette décoration, je considère aussi que ce sont tous les chrétiens de Terre Sainte, qui bénéficient de cet honneur.

1. L’occasion aujourd’hui me permet également de me réjouir avec reconnaissance de la très bonne collaboration historique et actuelle entre la France et la Terre Sainte, et plus particulièrement avec le Patriarcat latin de Jérusalem qui a juridiction en Israël, en Palestine, en Jordanie et à Chypre.

Avec le soutien et l’aide de la France, nous sommes assurés de conserver notre identité, de développer nos institutions et de promouvoir des causes communes : la convivialité interreligieuse, la connivence entre les cultures, les libertés individuelles et collectives, la promotion des droits de l’Homme, la lutte contre toute forme d’extrémisme et en faveur de la paix…

Cette visite fortifie et prolonge nos liens d’amitié existants sur le terrain. Merci d’avoir envoyé il y a quelque 160 ans vos scientifiques, vos archéologues, vos congrégations religieuses, elles nous ont soignés, éduqués, et façonnés. Aux congrégations d’autrefois, se sont adjoints les institutions d’aujourd’hui, comme l’Agence France Développement et les Instituts culturels français, qui continuent d’œuvrer dans l’aide matérielle, dans le développement économique et dans la culture.

Monsieur le Ministre, je vous remercie pour les grands services que le Consulat de France à Jérusalem nous rend directement ou indirectement. De nombreux ordres religieux installés en Terre Sainte, travaillent dans le social, l’éducation et la santé. La France protège 40 congrégations religieuses en vertu d’accords historiques. Toutes œuvrent au profit de la population locale et à leur bien-être, en apportant de nombreuses compétences riches et utiles. Votre solidarité contribue à préserver et protéger la présence chrétienne en Terre Sainte, qui ne représente aujourd’hui plus que 2% de la population. L’absence des chrétiens en Terre Sainte, aurait des conséquences catastrophiques, en particulier avec la montée des fondamentalistes des deux côtés, juifs et musulmans. Votre coopération à Gaza où nous avons une paroisse et trois écoles, témoigne d’un courage certain, que je salue.

Alors que notre ami M. Frédéric Desagneaux s’apprête à quitter son poste, après quatre années passées à Jérusalem, permettez que nous saluions ici l’esprit, dans lequel il a représenté la France et la permanence de sa fidélité à nos côtés. Nous sommes gré au Consulat Général de France à Jérusalem, des liens étroits qu’il entretient avec nous, s’associant à toutes nos préoccupations et plus spécifiquement, aux questions qui touchent aux Droits des Palestiniens et à la question de Jérusalem, comme aux relations parfois tendues que nous pouvons avoir avec l’État hébreu, s’agissant de la liberté de culte de nos fidèles palestiniens, de la question des visas pour les prêtres africains et indiens qui viennent étudier en Terre Sainte. Nous reconnaissons toutefois des progrès dans le nombre de permis délivrés pour que nos chrétiens accèdent à la Ville Sainte lors des fêtes religieuses. En outre, nous vous sommes reconnaissants de l’attention que vous portez aux négociations entre le Saint-Siège et l’Etat d’Israël d’une part, et l’Autorité palestinienne d’autre part.

2. Vous savez que votre aide est d’autant plus bienvenue que la situation au Moyen-Orient nous laisse perplexes. Tant de préoccupations et de questions se posent. Mon Patriarcat est au cœur des défis et des problèmes qui envahissent le Moyen-Orient qui est au centre de la politique internationale. En témoigne, la visite de votre président – M. François Hollande – en Jordanie le 23 juin dernier, durant laquelle, il a abordé avec le roi Abdallah la question de la Syrie, en affirmant que la France est favorable à une « aide matérielle et humanitaire, mais aussi militaire » à l’opposition, dans le but d’inciter Damas à négocier une « solution politique ». Il a aussi annoncé une augmentation de 50 millions d’euros dédiés à l’aide des réfugiés dans le nord de la Jordanie. Laissez-nous vous dire une nouvelle fois notre reconnaissance. Aujourd’hui, nous assistons ahuris à la violence sans limite qui se déploie en Syrie. Nous sommes convaincus que la Syrie avait et a besoin de réformes. Faire les réformes pacifiquement est une chose, ruiner un peuple et un pays est une autre chose. Ainsi :

– avoir plus de 500 000 réfugiés dans mon Patriarcat en Jordanie,
– savoir que le nombre des victimes dépasse le chiffre de 93 000,
– prévoir ou plutôt ne pas savoir, qui viendra après cette aventure sans retour, … tout cela nous est un cauchemar, face auquel nous ne pouvons pas rester impassibles.

Nous souhaitons ardemment plus de stabilité et de démocratie dans les pays arabes. Bien que nous ne soyons liés à aucun dirigeant, notre mission dans ce contexte complexe et délicat, nous demande de toujours garder à l’esprit l’hyper-sensibilité de toutes les parties en jeu. Nous chrétiens, nous nous sentons citoyens à 100 %, sans aucun complexe de minorité. Notre culture a contribué à
façonner la grandeur du Moyen-Orient.

En dépit des aléas de l’histoire, nous sommes de cette terre, berceau de la foi chrétienne, nous lui appartenons, nous lui ressemblons, notre présence y est légitime. Notre sort n’est pas dissocié du sort de nos frères chrétiens arabes partout où ils sont, comme notre sort de citoyens jordaniens, palestiniens et israéliens n’est pas dissociable des conflits qui agitent la région. Je souhaite que la France, eu égard à ses valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, soit fidèle à son engagement historique avec sagesse et courage.

Je souhaiterais que votre pays, « protecteur des Lieux Saints » élargisse l’espace de sa solidarité, non pas seulement à Jérusalem mais au Moyen-Orient tout entier. Nous sommes convaincus que Jérusalem, à cause de sa dimension interreligieuse et internationale, peut être la clef de la paix au Moyen-Orient. Outre l’aide financière que la France prodigue au Moyen-Orient ou en Palestine, nous souhaiterions que vous gardiez un rôle politique de premier plan, pour nous aider à résoudre les conflits régionaux, avec plus de dialogue, et en évitant que meurent des milliers de victimes.

Monsieur le Ministre, veuillez transmettre au Président de la République mes meilleures salutations. Je prie pour la France et les Français qui traversent une période difficile, pour qu’ils retrouvent la sérénité. Je viens d’un pays où le système tribal de grandes familles régit la société.

Je souhaite que les hommes de notre temps, retrouvent le vrai sens et la grandeur authentique de la famille.

Nous prions aussi pour les hommes et les femmes de bonne volonté, afin qu’ils ne baissent pas les bras devant le terrorisme, la guerre, l’injustice. Nous sommes du côté des artisans de paix.

Monsieur le Ministre, je vous remercie.

+ Fouad Twal, Patriarche

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ZENIT Staff

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