Foot amateur italien © Vatican Media

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Foot amateur: "Jeunes, donnez-vous un «goal» dans la vie" (traduction complète)

Message du pape François aux jeunes

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Le football est un apprentissage, en particulier pour les jeunes, hyper sollicités dans le contexte culturel et social actuel et souvent entrainés dans une « course privée d’objectif clair », « à laquelle il manque un “goal” », estime le pape François. Il faut « clarifier les objectifs qui nous poussent chaque jour à nous lever et à nous donner de la peine ». Énumérant toutes les qualités nécessaires à un bon joueur, il a précisé qu’une « bonne maîtrise de soi » s’acquiert avec l’entraînement intérieur et le souci de la vie spirituelle, outre la vie physique, parce que chacun de nous est fait d’une unité de corps et d’esprit ».

Le pape François a reçu en audience les participants à la rencontre organisée par la Ligue nationale amateur de football italien, à l’occasion du soixantième anniversaire de sa fondation, ce lundi 15 avril 2019, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique du Vatican. Comme on le sait, le pape est depuis son enfance un grand amateur de football.

Le pape a exhorté les joueurs à pratiquer « un sport d’amateur, celui de l’amitié » en cultivant et diffusant la joie qui est « l’âme du jeu » : « si, chez toi, la joie est étouffée par le désir du succès ou par le mépris de tes adversaires », a-t-il expliqué, cela veut dire que tu as arrêté de jouer et que tu as abandonné la saine compétition qui est l’esprit le plus authentique de toute confrontation sportive ». Il les a aussi invités à « insuffler dans le tissu social » un « esprit de solidarité » et à avoir « un regard de bonté sur les personnes et sur les situations ».

Voici notre traduction du discours que le pape a prononcé en italien.

 HG

Discours du pape François

Chers amis,

Je vous souhaite la bienvenue et vous salue cordialement, en commençant par votre président que je remercie pour les paroles qu’il m’a adressées. Vous représentez toute la Ligue nationale amateur de football italien. À travers les Comités régionaux, dans les divisions du football à 11 et du football à 5, et avec les départements du football féminin et du football de plage, la Ligue rassemble au moins 12 mille associations et plus d’un million de membres, qui partagent la grande passion pour le football qui devient par là-même une occasion de divertissement, de croissance interpersonnelle et de maturité individuelle.

Que la date du soixantième anniversaire de votre fondation vous inspire de la reconnaissance, vous confirme dans vos résolutions et vous permette de saisir du chemin parcouru jusqu’ici des enseignements utiles. Engagée dans la coordination et l’animation de toutes les réalités locales avec des matchs, des championnats et un grand nombre d’initiatives connexes, la Ligue nationale amateur de football italien joue un rôle important dans la société italienne, en particulier à l’égard des jeunes envers lesquels elle s’engage par son œuvre éducative et formative qui mérite d’être appréciée et encouragée.

Le contexte culturel et social dans lequel nous vivons, avec ses transformations rapides et ses défis, a un fort impact sur la vie de chacun d’entre nous et en particulier sur celle des plus jeunes. Il nous pousse à courir sans nous arrêter, dans une succession de sollicitations qui, derrière une satisfaction apparente, laissent un vide dans l’âme et font du temps une course privée d’objectif clair, c’est-à-dire une course à laquelle il manque un « goal », comme on le dirait en anglais. Efforçons-nous au contraire de clarifier les objectifs qui nous poussent chaque jour à nous lever et à nous donner de la peine, et courons toujours en ayant un « goal » devant nous ! Cela ne signifie pas que l’on peut toujours gagner (ce ne serait pas réaliste) mais que nous devons savoir clairement où nous allons et où nous portent nos efforts. L’exercice qui consiste à clarifier et à améliorer ses propres objectifs n’est jamais terminé et il faut le reprendre tous les jours, je dirais même presque à tout moment, pour devenir de plus en plus conscients de ce que nous faisons et des moyens les plus adaptés pour obtenir un résultat.

Le sport, auquel vous consacrez beaucoup de temps et d’énergie, est un apprentissage sur ce chemin parce qu’il exige non seulement une habilité technique mais aussi un entraînement et de la détermination, beaucoup de patience et d’acceptation des échecs, l’esprit d’équipe et la disponibilité pour collaborer avec les autres, outre la capacité à être joyeux et positifs. Il faut beaucoup de dons chez un bon joueur parce que cela servirait peu de bien savoir taper dans le ballon ou de s’imposer à ses adversaires si ensuite on était incapable de discuter calmement avec l’arbitre ou avec les autres adversaires, ou si l’on n’acceptait pas d’avoir manqué un pénalty ou une parade.

Bien consciente de cela, la Ligue nationale amateur encourage comme valeurs de référence la loyauté sportive et le respect des règles, en un mot le « fair-play », à savoir le jeu loyal et correct, vécu intensément mais avec un grand respect de l’adversaire et de toutes les personnes que l’on a en face de soi. Mettre en acte cette résolution est très important, mais ce n’est pas facile et cela demande une bonne maîtrise de soi, qui s’acquiert avec l’entraînement intérieur et le souci de la vie spirituelle, outre la vie physique, parce que chacun de nous est fait d’une unité de corps et d’esprit, et l’un ne peut aller bien si les exigences de l’autre sont négligées.

Un éminent savant qui a examiné la valeur du jeu dans la civilisation humaine (cf. J. Huizinga, Homo ludens, Einaudi 1973), a expliqué que la civilisation est la fille du jeu, que tous les petits des mammifères, et en particulier des hommes, ont toujours pratiqué, mettant en œuvre une sorte de théâtre dans lequel, avec des règles précises bien que souvent tues, on se bat mais sans que personne ne se fasse mal. Le jeu se situe donc à la frontière entre le sérieux et le non-sérieux, « ce n’est pas un devoir » (ibid., 11) et le respect des règles est toujours accompagné du plaisir et de la joie de se rencontrer et de se défier.

Je vais vous faire une confidence. Quand je confesse des parents, des papas et des mamans, et qu’ils me disent qu’ils ont de jeunes enfants, la première question que je pose est : « Jouez-vous avec vos enfants ? ». Et très souvent, ils disent : « Je n’ai pas le temps », « je n’y ai pas pensé ». S’il vous plaît, quand on perd cette capacité de jouer avec les enfants dans une famille, on perd aussi une dimension très importante. Pensons à la société. Vous aussi, sur ce point, vous pourrez « prêcher » que le jeu n’est pas seulement au stade, au moment où se joue le match, mais il va au-delà, il va dans les familles, il va… Comme cet exemple. Le jeu. Le livre des Proverbes (cf. 8,30) dit poétiquement que, lors de la création du monde, « la sagesse jouait devant Dieu ». Gardez cela présent à l’esprit.

« Dilettante » (en français, amateur, ndr) signifie justement « qui s’amuse » et vous qui êtes des amateurs, vous devrez toujours vous souvenir, même si vous devenez un jour des professionnels, que la joie est l’âme du jeu et si, chez toi, la joie est étouffée par le désir du succès ou par le mépris de tes adversaires, cela veut dire que tu as arrêté de jouer et que tu as abandonné la saine compétition qui est l’esprit le plus authentique de toute confrontation sportive. J’ai dit au président, après son discours : n’oubliez pas la dimension de l’amateurisme, n’est-ce pas ? Le sport d’amateur, celui de l’amitié.

Voici donc l’exhortation que je vous adresse à l’occasion de cette rencontre d’aujourd’hui : gardez en vous la joie de jouer et diffusez-la chez ceux qui vous observent ou chez vos supporters ; soyez conscients que le style avec lequel vous abordez le sport représente un modèle pour vos contemporains et peut influencer, positivement ou non, leur manière d’agir. C’est pourquoi ayez soin d’insuffler dans le tissu social, par le biais des mille relations que vous vivez dans le cadre de votre activité sportive, un esprit de solidarité, d’attention aux personnes, dont votre Ligue s’inspire de manière louable et explicite.

Avoir un esprit solidaire, par le biais d’une « participation active au développement de la vie sociale et culturelle de la collectivité » (Code éthique, art. 2,1), signifie tendre la main à celui qui est tombé ou qui a subi un échec, ou qui boite parce qu’il s’est fait mal ; cela signifie ne pas dénigrer celui qui ne brille pas, mais le traiter comme les autres ; cela signifie comprendre que le championnat n’a pas lieu si l’on est seul et que, même dans notre société, on ne peut se sauver qu’ensemble, tandis qu’on se perd si l’on permet que le plus faible reste en marge et se sente comme un rebut.

C’est ce que nous enseigne l’Évangile quand il rapporte la parole souvent répétée par Jésus, selon laquelle les derniers seront les premiers (cf. Mt 20,16). Certes, Jésus ne veut pas dire qu’il faut chercher à perdre, mais simplement qu’il faut aimer et tout faire avec un regard de bonté sur les personnes et sur les situations. Cela signifie donc se faire le dernier, en apprenant à voir aussi la beauté dans les petites choses et en cherchant à accepter sereinement nos limites.

Cette mentalité solidaire, que nous voulons faire grandir en nous, dans nos cercles et dans notre monde, contribuera à la révolution culturelle que nous souhaitons et que vous cherchez à réaliser quand vous promouvez la durabilité environnementale ou quand vous encouragez la réalisation de camps sans barrières, vous efforçant de surmonter tous les murs qui divisent injustement les personnes et promouvant l’implication et la valorisation de tous, dans un esprit d’équipe qui est la véritable espérance de l’humanité.

Chers amis, que vos véritables objectifs, vos « goal » dans la vie soient toujours clairs pour vous. Et puissiez-vous devenir toujours meilleurs, plus loyaux, plus amis. Je demande à Dieu d’accompagner le chemin de chacun de vous et de vos associations sportives ; et je vous demande aussi une prière pour moi qui en ai besoin. Merci !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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