Béatification des martyrs, Barcelone @ esglesiabarcelona.cat

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Espagne : les nouveaux bienheureux nous invitent à penser aux croyants persécutés (traduction complète)

Homélie du card. Becciu pour la béatification de 16 martyrs

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Les nouveaux bienheureux « nous invitent » « à penser à la multitude de croyants qui sont persécutés aujourd’hui », affirme le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation pour les causes des saints. « Notre monde », souligne-t-il, « attend des disciples du Christ un témoignage non équivoque, c’est-à-dire, comme celui des martyrs célébrés ce jour ».
Le cardinal Becciu a présidé la messe de béatification du père Teodoro Illera del Olmo et de ses 15 compagnons martyrs espagnols, le 10 novembre 2018, à Barcelone.
Le pape François a évoqué cet événement lors de l’angélus de ce dimanche 11 novembre, place Saint-Pierre : « Ces nouveaux bienheureux ont tous été tué pour leur foi, dans des lieux et à des dates différentes, durant la guerre et la persécution religieuse du siècle dernier en Espagne, a-t-il dit. Louons le Seigneur pour ces témoins courageux et un applaudissement à eux ! » « Il s’agit de treize consacrés et trois fidèles laïcs, a expliqué le pape. Neuf religieux et laïcs appartenaient à la Congrégation de Saint-Pierre-aux-liens ; trois religieuses étaient capucines de la Mère du Divin Pasteur et l’une était franciscaine du Sacré Cœur. »
« Ceux qui veulent rendre féconde leur vie, a dit le card. Becciu dans son homélie, doivent faire des choix dans la logique d’un engagement qui demande des sacrifices, sans exclure le sacrifice de la vie. » « Seulement ceux qui se donnent totalement par amour portent des fruits et s’ouvrent à la vraie vie », a affirmé le cardinal.
Il a souligné que « la béatification de ce jour est une nouvelle étape pour l’Église qui est à Barcelone » : « Que cette béatification, a-t-il conclu, puisse raviver ainsi notre foi, notre témoignage chrétien, notre vie ! »
Voici notre traduction de l’homélie du card. Becciu, prononcée en italien.
MD
Homélie du card. Becciu 
« Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? » (Rm 8,35)
C’est la question posée par l’apôtre Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome. Il avait alors devant les yeux les souffrances et les persécutions de la première génération de disciples, témoins du Christ. Les paroles de tribulations, angoisse, faim, nudité, dangers, persécutions, supplices, massacres « comme des moutons de boucherie » (v. 36) décrivaient une réalité de souffrance et de martyr qui seraient ensuite devenues l’expérience de beaucoup de ceux qui s’étaient unis au Christ et qui avaient accueilli son amour dans la foi. Aujourd’hui l’Église qui est dans Barcelone, en regardant les Bienheureux Teodoro Illera del Olmo et ses 15 compagnons martyrs, se demande à son tour « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? »
Saint Paul s’empresse de donner une réponse sûre à cette question : « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur », rien, pas même la mort, ni les forces mystérieuses du monde, ni l’avenir, ni aucune créature (Cf. vv. 38-39). Parce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, et ce Fils a donné sa vie pour nous, un tel amour ne faillira jamais. Il est plus fort que tout et conduit à la vie éternelle ceux qui ont aimé Dieu au point de donner leur vie pour lui. Les régimes persécuteurs passent, mais cette gloire des martyrs reste.
Nos frères bienheureux sont des hommes et des femmes, consacrés et laïcs qui furent tués dans des lieux, circonstances et dates diverses, lors du même épisode de martyre. Les treize religieux appartiennent à trois institutions différentes : la Congrégation de Saint-Pierre-aux-liens, la Congrégation des sœurs capucines de la Mère du Divin Pasteur ; la Congrégation des sœurs franciscaines du Sacré Cœur. Dans la spécificité des charismes respectifs et des perspectives apostoliques distinctes, ces témoins de la foi ont vécu avec générosité et courage les valeurs de la vie religieuse qui suscitèrent la fureur des persécuteurs, décidés à détruire l’Eglise d’Espagne. Les trois fidèles laïcs tués à la Rassada, ont vécu de manière cohérente leur vocation chrétienne à la charité, devenant des apôtres d’aide fraternelle et d’hospitalité attentive envers des religieux de la Congrégation de Saint-Pierre-aux-liens, et ils furent associés dans la même condamnation à mort. Ce sont nos frères et sœurs qui nous disent aujourd’hui : « Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés » (Rm 8,37).
C’est cela la victoire qu’ils ont remportée à cette époque connue par un climat de persécutions envers tous ceux qui se déclaraient membres de l’Eglise catholique, qu’ils aient été consacrés ou des fidèles laïcs. Les nouveaux Bienheureux étaient des fidèles de l’Église et pour cela ils répandaient le bien tant dans les paroisses, que dans les collèges où ils enseignaient et dans les autres activités liées à leur état de vie. Dans le moment suprême de leur existence, quand ils devaient confesser leur propre foi, ils n’eurent pas peur : ils ont accepté la mort parce qu’ils n’ont pas renié leur identité de religieuses, de religieux ou de laïcs engagés. Le motif de leur assassinat est clairement religieux, déterminé par la haine des oppresseurs dans la confrontation contre la foi et l’Église catholique, prise pour cible dans ce contexte historique que vivait l’Espagne. La haine envers l’Église a prévalu et a opprimé la dignité humaine et les principes de liberté et de démocratie.
Malgré ce climat d’intolérance et de chasse aux chrétiens, le bienheureux Teodoro Illera Del Olmo et ses 15 compagnons martyrs furent déterminés à rester fidèles – au risque de leur vie – à ce qu’exigeait leur foi. Bien que conscients des dangers imminents, ils n’ont pas reculé et vécurent la détention et la mort avec une grande confiance en Dieu et dans la vie éternelle. Ainsi ils imitèrent les sept frères Macchabées martyrs et leur mère, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, qui supportèrent « soutenus par son espérance dans le Seigneur. » (2 Mac 7,20). Dans les Bienheureux que nous célébrons aujourd’hui, dont la vie fut marquée du martyre in odium fidei, l’Église reconnaît un modèle à imiter parce que les croyants de tous les temps avancent plus rapidement vers cette Jérusalem céleste qu’ils habitent déjà.
La comparaison de Jésus que nous avons entendue dans l’Évangile, résume bien l’existence des nouveau Bienheureux : « si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. » (Jn 12,24). Pour porter du fruit, le grain de blé doit mourir. Ces frères et sœurs, qui aujourd’hui sont proclamés Bienheureux, dans leurs choix ils furent « grain de blé » parce qu’ils acceptèrent de mourir peu à peu au quotidien en se dépensant au service de l’Évangile, jusqu’au geste héroïque final. La fécondité de chaque annonce et de chaque service dans l’Eglise se mesure dans la disponibilité à être grain de blé tombé en terre, comme Jésus qui a porté beaucoup de fruits quand il est mort. De même que tomber en terre est la condition de la fécondité du grain de blé, ainsi avec la mort, Jésus, élevé de terre, attire l’humanité au Père.
Même aujourd’hui, dans cette société fragmentée, caractérisée par des divisions et de fermetures, celui qui veut grandir et être utile au prochain et à la société est appelé à témoigner de la logique du grain de blé. Ceux qui veulent rendre féconde leur vie, doivent faire des choix dans la logique d’un engagement qui demande des sacrifices, sans exclure le sacrifice de la vie. Le sens de la fécondité du sacrifice de nous-mêmes pour le bien de la collectivité explique encore Jésus, qui nous avertit : « qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conserve pour la vie éternelle » (v.25). Le chemin parcouru par le divin Maître est le même que doivent parcourir tous les disciples. Jésus ne demande pas de perdre la vie matérielle pour avoir celle spirituelle, mais de vivre notre existence non pas dans la conservation et l’attachement de nous-mêmes, mais dans le don et dans l’amour envers les autres. Seuls ceux qui se donnent totalement par amour portent des fruits et s’ouvrent à la vraie vie. « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive » (v. 26) nous dit encore Jésus. Le service est le vrai chemin vers le salut. Seuls ceux qui sont capables de servir peuvent dire qu’ils sont sur le chemin que Jésus traverse, être son disciple.
La béatification de ce jour est une nouvelle étape pour l’Église qui est à Barcelone, pour les Familles religieuses et pour les paroisses dont faisaient partie les nouveaux béatifiés. Pour vous tous c’est une joie profonde de savoir que ceux qui faisaient partie de leur communauté sont auprès de Dieu, de pouvoir admirer la foi et le courage de ces confrères et consœurs. Mais ces martyrs nous invitent aussi à penser à la multitude de croyants qui sont persécutés aujourd’hui même, dans le monde, de manière cachée, déchirante, parce que cela implique le manque de liberté religieuse, l’impossibilité de se défendre, l’internement, la mort civile : leur épreuve a des points communs avec celle de nos nouveaux Bienheureux. Enfin, nous devons demander pour nous même le courage de la foi, de la fidélité complète à Jésus Christ, à son Église, au moment de l’épreuve comme dans la vie quotidienne. Notre monde, trop souvent indifférent ou inconscient, attend des disciples du Christ un témoignage non équivoque, c’est-à-dire, comme celui des martyrs célébrés ce jour : Jésus Christ est vivant ; la prière et l’Eucharistie nous sont essentielles pour vivre de sa vie ; notre attachement à l’Eglise est tout un avec notre foi ; l’unité fraternelle est par excellence le signe des chrétiens ; la véritable justice, la pureté, l’amour, le pardon, et la paix sont les fruits de l’Esprit Saint de Jésus ; l’ardeur missionnaire fait partie de ce témoignage ; nous ne pouvons pas tenir cachée la lampe allumée de notre foi.
Ces nouveaux Bienheureux, en tant que martyrs, ont annoncé l’Évangile en donnant leur vie par amour : avec la force de leurs souffrances, ils sont le signe de cet amour plus grand qui contient toutes les autres valeurs. Ce sont aussi une dénonciation silencieuse, mais combien éloquente, de la discrimination, du racisme et des abus envers la liberté religieuse, laquelle, comme l’a récemment dit le Saint Père François, « est un bien supérieur à défendre, un droit fondamental, défense contre les prétentions totalitaires » (Discours à la délégation des Rabbins du Caucase, 5 novembre 2018). Avec leur fidélité avec laquelle ils ont su être héroïques, ils nous enseignent comment chercher continuellement la volonté de Dieu dans l’accomplissement de notre devoir quotidien. Ils sont un témoignage vivant de comment au milieu des tribulations et de l’hostilité, le disciple du Christ est appelé à garder patience et mansuétude, unis dans une capacité de pardon, comme le Christ sur la croix.
Que cette béatification puisse raviver ainsi notre foi, notre témoignage chrétien, notre vie ! Aujourd’hui c’est avec le sang de nos Bienheureux que sont écrites pour nous les paroles inspirées du psalmiste « Bienheureux le Seigneur en tout temps. J’ai cherché le Seigneur et il me répond, de toutes mes frayeurs il le délivre » (Psaume 33). Qu’il soit ainsi également pour nous. Pour cela, invoquons l’intercession des nouveaux Bienheureux et répétons ensemble :
Bienheureux Teodoro Illera del Olmo et ses quinze compagnons martyrs, priez pour nous !
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren,
avec Marina Droujinina
 

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Hugues de Warren

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