Pape François, 12.09.2019

Voyage apostolique, septembre 2019, © Vatican Media

Conférence de presse Antananarivo-Rome (6) : « Les critiques aident toujours »

« Le chemin du schisme n’est pas chrétien »

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« Les critiques aident toujours, toujours », affirme le pape François. Cependant, « faire une critique sans vouloir entendre la réponse et sans dialogue, ce n’est pas aimer l’Église, déclare-t-il, c’est suivre une idée fixe. »
C’est ce que le pape a répondu à une question d’un journaliste américain sur les critiques du pape François aux États-Unis et à la curie ainsi que sur la possibilité d’un schisme dans l’Église américaine. La question a été posée lors de la Conférence de presse que le pape a donnée dans l’avion Antananarivo-Rome, le 10 septembre 2019, au terme de son voyage apostolique au Mozambique, à Madagascar et à l’île Maurice (4-10 septembre).
« La critique est un élément de construction, a dit le pape, et si ta critique n’est pas juste, tu es prêt à recevoir la réponse et à entrer en dialogue, en discussion, pour arriver à un juste point. »
« Une critique loyale est toujours bien acceptée, au moins par moi », a-t-il affirmé. « Je n’aime pas quand les critiques sont sous la table, a-t-il poursuivi, et qu’on te fait un sourire qui te fait voir les dents et ensuite on te donne un coup de poignard dans le dos. »
En ce qui concerne la possibilité d’un schisme, le pape a avoué de n’en a pas avoir peur : « Je n’ai pas peur des schismes, je prie pour qu’il n’y en ait pas, parce que c’est la santé spirituelle de beaucoup qui est en jeu. »
« Qu’il y ait un dialogue, qu’il y ait la correction s’il y a des erreurs, mais le chemin du schisme n’est pas chrétien », a dit le pape François.
Voici la réponse du pape François :
Tout d’abord, les critiques aident toujours, toujours. Quand on reçoit une critique, il faut toujours faire une autocritique et dire : est-ce vrai ou non ? Jusqu’où ? Je tire toujours avantage des critiques, toujours. Parfois, cela te met en colère, mais il y a des avantages. Au cours du voyage à l’aller à Maputo quelqu’un… – c’est toi qui m’as donné le livre ? – l’un d’entre vous m’a donné ce livre en français… « L’Église américaine attaque le pape », non ? « Le pape sous l’attaque des Américains »… [Quelqu’un dit : « Comment les Américains veulent changer le pape »]… C’est cela. Vous m’en avez donné un exemplaire. J’avais entendu parler de ce livre, mais je ne l’avais pas lu. Les critiques ne viennent pas seulement des Américains, mais d’un peu partout, y compris à la Curie. Au moins ceux qui les disent ont l’avantage de l’honnêteté de le dire. J’aime cela. Je n’aime pas quand les critiques sont sous la table et qu’on te fait un sourire qui te fait voir les dents et ensuite on te donne un coup de poignard dans le dos. Cela n’est pas loyal, ce n’est pas humain. La critique est un élément de construction et si ta critique n’est pas juste, tu es prêt à recevoir la réponse et à entrer en dialogue, en discussion, pour arriver à un juste point. C’est cela, la dynamique de la véritable critique. En revanche la critique des « pilules d’arsenic », dont nous parlions, de cet article que j’ai donné au père Rueda, c’est un peu jeter la pierre en cachant la main. Cela ne sert à rien, cela n’aide pas. Cela aide les petits groupes fermés qui ne veulent pas entendre de réponse à leur critique. Une critique qui ne veut pas entendre de réponse, c’est jeter la pierre en cachant la main. En revanche, une critique loyale : « Je pense ceci, ceci et cela », et qui est ouverte à la réponse, cela construit, cela aide. Face au cas du pape : « Cette chose du pape ne me plaît pas », je lui exprime ma critique, j’attends la réponse, je vais le voir, je parle, j’écris un article auquel je lui demande de répondre, ceci est loyal, c’est aimer l’Église. Faire une critique sans vouloir entendre la réponse et sans dialogue, ce n’est pas aimer l’Église, c’est suivre une idée fixe : changer le pape, ou faire un schisme, je ne sais pas. C’est clair : une critique loyale est toujours bien acceptée, au moins par moi.
Deuxièmement, le problème du schisme : dans l’Église, il y a eu de nombreux schismes. Après Vatican I, le dernier vote, celui sur l’infaillibilité, un bon groupe est parti, s’est détaché de l’Église et a fondé les vétéro-catholiques pour être vraiment « honnêtes » avec la tradition de l’Église. Ensuite, eux-mêmes ont trouvé un développement différent et maintenant, ils ordonnent des femmes ; mais à ce moment-là, ils étaient rigides, ils suivaient une certaine orthodoxie et pensaient que le Concile se trompait. Un autre groupe est parti sans voter, en silence, mais ils n’ont pas voulu voter. Vatican II a provoqué ces choses, peut-être le détachement le plus connu est-il celui de Lefebvre. Il y a toujours l’option schismatique dans l’Église, toujours. C’est une des options que le Seigneur laisse toujours à la liberté humaine. Je n’ai pas peur des schismes, je prie pour qu’il n’y en ait pas, parce que c’est la santé spirituelle de beaucoup qui est en jeu. Qu’il y ait un dialogue, qu’il y ait la correction s’il y a des erreurs, mais le chemin du schisme n’est pas chrétien. Pensons aux débuts de l’Église, comment cela a commencé avec tant de schismes, l’un après l’autre, il suffit de lire l’histoire de l’Église : ariens, gnostiques, monophysites…
Ensuite, il me vient à l’esprit une anecdote que j’ai parfois racontée. C’est le peuple de Dieu qui a sauvé des schismes. Les schismatiques ont toujours quelque chose en commun : ils se détachent du peuple, de la foi du peuple de Dieu. Et quand, au Concile d’Éphèse, a eu lieu la discussion sur la maternité divine de Marie, le peuple – c’est historique – se tenait à l’entrée de la cathédrale lorsque les évêques entraient pour se réunir en concile, ils se tenaient là avec des bâtons, ils montraient leurs bâtons en criant : « Mère de Dieu ! Mère de Dieu » », comme pour dire : si ne faites pas cela, on vous attend… Le peuple de Dieu ajuste toujours les choses et il aide. Un schisme est toujours un détachement élitiste provoqué par l’idéologie détachée de la doctrine. C’est une idéologie, peut-être juste, mais qui entre dans la doctrine et la détache et elle devient « doctrine » pendant un certain temps. C’est pourquoi je prie pour qu’il n’y ait pas de schismes, mais je n’ai pas peur.
Que faire pour aider ?… Ce que je suis en train de dire : ne pas avoir peur… Je réponds aux critiques, c’est ce que je fais. Peut-être que, si quelqu’un a une idée de ce que je dois faire, je le ferai, pour aider… Mais c’est un des résultats de Vatican II, pas de ce pape ou d’un autre pape… Par exemple, ce que je dis sur les questions sociales, c’est ce qu’a dit Jean-Paul II, la même chose. Je le copie. Mais on dit : « Le pape est trop communiste… ». Il y a des idéologies qui entrent dans la doctrine et quand la doctrine glisse dans les idéologies, il y a la possibilité d’un schisme. Et il y a aussi l’idéologie behavioriste, c’est-à-dire le primat d’une morale aseptisée sur la morale du peuple de Dieu. Les pasteurs doivent conduire le troupeau entre la grâce et le péché, parce que c’est cela, la morale évangélique. En revanche, une morale d’une idéologie pélagianiste, pour ainsi dire, te conduit à la rigidité, et aujourd’hui, nous avons beaucoup d’écoles de rigidité à l’intérieur de l’Église, qui ne sont pas des schismes, mais qui sont des voies chrétiennes pseudo-schismatiques, qui finiront mal. Quand vous voyez des chrétiens, des évêques, des prêtres rigides, derrière cette attitude, il y a des problèmes, il n’y a pas la sainteté de l’Évangile. C’est pour cela que nous devons être doux avec les personnes tentées de faire ces attaques, elles traversent une difficulté, nous devons les accompagner avec douceur. Merci.
Avec une traduction de © Zenit, Hélène Ginabat

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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