Conférence de la paix au Caire, photo COE

Conférence de la paix au Caire, photo COE

Conférence de la paix du Caire: intervention du pasteur Fykse Tveit

Une « détermination commune à œuvrer en faveur d’une paix juste »

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« Agissons ensemble »: ce sont les derniers mots significatifs du discours du Pasteur Olav Fykse Tveit, Secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE), jeudi 27 avril au Caire (Egypte), à la conférence interreligieuse de Al-Azhar sur la paix.
« En tant que représentants du Conseil œcuménique des Églises, nous sommes très reconnaissants au Cheikh d’Al-Azhar et au Conseil musulman des aînés de cette occasion qui nous est offerte de nous réunir afin d’affirmer notre détermination commune à œuvrer en faveur d’une paix juste à travers le monde », dit notament le pasteur Fykse Tveit.
Il insiste sur l’origine commune de tous les hommes, le Dieu Créateur: « Nous croyons en un Dieu qui a créé Une humanité composée d’individus devant vivre ensemble, en harmonie avec la diversité et les différences qui existent. Nous sommes ici pour partager nos réflexions et ainsi montrer ce que cela signifie concrètement pour nous. Ensemble, nous devons lancer un appel au respect de la vie de tous les individus créés par Dieu. Nous sommes responsables devant le Créateur lorsque nous rencontrons une autre création de Dieu. »
Voici la traduction intégrale officielle en français de l’intervention du pasteur à cete conférence à laquelle le pape François participe ce 28 avril (vers 15h50). Le pape part de Rome vers 10h45, il est attendu au Caire à 14h.
Le patriarche Bartholomée Ier est évgalement intervenu jeudi 27 avril, son intervention se trouve ici en anglais: il souligne entre autres le fait que « la crédibilité des religions dépend aujourd’hui de leur attitude vis-à-vis de la protection de la liberté et de la dignité humaines, et de leur contribution à la paix ».
 
AB

Discours du Pasteur Olav Fykse Tveit

Cheikh d’Al-Azhar,
Vos Éminences, Vos Excellences,
« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu 5:8). Instaurer la paix est une tâche sacrée. Toute personne qui apporte la paix, la paix réelle, la paix juste, sert la volonté de Dieu. Ainsi, la paix doit être l’objectif commun et la priorité absolue des responsables d’Églises et des fidèles.
En tant que représentants du Conseil œcuménique des Églises, nous sommes très reconnaissants au Cheikh d’Al-Azhar et au Conseil musulman des aînés de cette occasion qui nous est offerte de nous réunir afin d’affirmer notre détermination commune à œuvrer en faveur d’une paix juste à travers le monde.
Nous nous réunissons à un moment critique pour ce pays et cette région, mais aussi pour de nombreuses régions du monde, où il existe des signes de division et de polarisation entre les peuples et les nations. D’ailleurs, certaines personnes sont parfois divisées en raison de leurs croyances. Nous assistons à ce phénomène dans de nombreuses régions du monde. Nous observons également que l’identité religieuse et les références à la religion sont abusivement utilisées pour provoquer ces dissensions. Parfois, elles servent même à légitimer la terreur et la violence commises au nom de la religion. Ce n’est pas ce dont nos enfants ont besoin pour vivre ensemble dans la paix. Cela ne correspond pas aux aspirations et aux espoirs de notre jeunesse.
Nous croyons en un Dieu qui a créé Une humanité composée d’individus devant vivre ensemble, en harmonie avec la diversité et les différences qui existent. Nous sommes ici pour partager nos réflexions et ainsi montrer ce que cela signifie concrètement pour nous. Ensemble, nous devons lancer un appel au respect de la vie de tous les individus créés par Dieu. Nous sommes responsables devant le Créateur lorsque nous rencontrons une autre création de Dieu.
Il s’agit d’une responsabilité personnelle, qui que nous soyons et quelle que soit notre fonction. En tant que responsables d’Églises, il nous incombe tout particulièrement d’élever le caractère sacré de la vie de tous les êtres humains créés par le Dieu saint. En tant que communautés de foi, nous sommes appelées à montrer cela comme un amour mutuel, dans un esprit de respect envers toutes et tous.
Nous reconnaissons que nous sommes tous vulnérables et que nous avons tous des besoins égaux en matière de protection et de droits de l’homme. Il incombe aux autorités des États de fournir les cadres nécessaires, afin que nous jouissions tous des mêmes droits et que nous ayons tous les mêmes responsabilités.
Cela correspond à la notion de « citoyenneté », et ce, sur plusieurs plans. Selon moi, le principe de citoyenneté est donc un moyen approprié d’exprimer, dans le domaine de la politique, quelque chose qui est également important dans notre foi en Dieu. Le principe de citoyenneté appartient au domaine de la politique et des systèmes juridiques. Toutefois, il peut fournir les droits et la protection dont nous avons besoin, qui que nous soyons et quelle que soit la communauté de foi à laquelle nous appartenons. Chaque individu devrait disposer du même cadre et de la même protection pour sa vie, celle de ses enfants et celle de ses petits-enfants. Dans le cadre d’un État et au sein de la communauté internationale, nous avons besoin de principes qui tiennent compte du respect de la justice et de la paix pour tous. Nous devons garantir à tous une protection égale contre les injustices et la violence. Il nous faut quelque chose de solide et de clair qui serve de plate-forme commune pour nos vies ensemble.
Lors des discussions menées avec le Cheikh d’Al-Azhar au cours des deux derniers jours, nous avons vu que la notion fondamentale de citoyenneté se trouve sur notre table commune. Nous avons discuté de ce que cela signifie pour les personnes de différentes confessions de vivre ensemble de manière constructive en tant que citoyens du même pays. Il s’agit d’une préoccupation très actuelle dans certaines régions du Moyen-Orient, et je respecte le rôle que le Cheikh d’Al-Azhar souhaite jouer dans la résolution de ce problème. Toutefois, il s’agit également d’un défi auquel de nombreuses nations dites occidentales sont de plus en plus confrontées, en particulier en cette période de fortes migrations internationales. La religion et l’appartenance ethnique des citoyens participent à la richesse d’une nation. Comment est-il possible de respecter tous ces citoyens pour cette contribution, mais également de les intégrer pleinement et leur permettre de vivre ensemble en tant que citoyens bâtisseurs du pays ? Un tel défi ne peut être ignoré.
Par ailleurs, il nous faut explorer comment la religion et les pratiques de notre foi doivent contribuer au vivre-ensemble dans la paix et l’harmonie. Nous devons démontrer ce que cela signifie de prendre soin et de se protéger les uns les autres. Nous devons chacun reconnaître que nous avons besoin de l’amour et de la protection de l’autre. Plus important encore, nous devons nous garantir mutuellement les mêmes droits d’être citoyens, d’être voisins, d’être des êtres humains dont les besoins fondamentaux en termes de nourriture, d’eau, de sécurité, de santé, d’éducation et de liberté de croire et de partager nos convictions sont couverts.
Mes amis, je crois que nous avons observé ici en Égypte des exemples frappants de ce que cela signifie. Nous avons entendu de nombreux exemples prouvant que les musulmans protègent et défendent les chrétiens lorsque ces derniers sont victimes de violences. Nous entendons que les chrétiens apportent leur soutien aux plus démunis et qu’ils dispensent un enseignement à quiconque, indépendamment de sa religion.
Nous devons trouver des manifestations réelles de la façon dont l’amour de Dieu peut s’exprimer dans l’amour de l’autre. Les responsables musulmans et chrétiens insistent sur la nécessité d’explorer davantage la manière dont peut s’exprimer cette relation avec l’amour divin et notre amour.
« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu » (1 Jean 4:7-8). Dieu nous appelle à partager cet amour avec autrui et avec le monde.
Cette quête d’une concrétisation de ce que signifie notre foi dans l’amour du Dieu unique n’est pas une question abstraite ni un doux désir ancré dans une dure réalité. Il s’agit en effet d’une question urgente et fondamentale à une époque où différents groupes et responsables veulent utiliser la religion comme moyen de diviser, de polariser ou même de légitimer les conflits et la guerre.
La violence au nom de la religion ne peut se faire sans porter atteinte aux valeurs de la religion. La violence commise au nom de Dieu envers les individus qui sont créés à l’image de Dieu devient une violence contre Dieu. Nous sommes, du début à la fin, responsables devant Dieu.
Nous devons emprunter un autre chemin, un chemin de pèlerinage, en quête de justice et de paix avec tous ceux prêts à parcourir ce chemin ensemble. Seule cette voie peut nous assurer un avenir plein d’espoir. Il s’agit de la véritable voie du dialogue.
Je suis très heureux que cette conférence se déroule en aval du dialogue bilatéral que le Conseil œcuménique des Églises mène avec le Conseil musulman des aînés. Je souhaiterais saisir l’occasion qui m’est offerte pour exprimer l’importance qu’accorde le COE aux rapports que nous entretenons avec le Grand imam d’Al-Azhar et le Conseil musulman des aînés. Nous nous réjouissons à l’idée de collaborer en vue de construire la paix dans notre monde.
En tant que
Conseil œcuménique des Églises, une communauté qui représente quelque 560 millions de chrétiens à travers 350 Églises membres, nos actions se fondent sur un dialogue permanent avec autrui. Comme le disait Athénagoras Ier, ancien patriarche œcuménique, « nous nous regardons dans les yeux afin de voir ce que nous avons à nous dire ». Nous pensons qu’en tant que communauté d’Églises, la priorité doit être donnée à l’unité. Nous sommes convaincus que cet appel à l’unité passe également par la promotion d’une paix juste entre les peuples, sur les marchés, au sein des communautés, avec la création.
En tant que Conseil œcuménique, nous devons entretenir des relations responsables avec autrui. Nous sommes responsables de ce qui nous unit dans notre foi et notre vie chrétiennes. Il s’agit de la foi dans le Dieu unique, le créateur de l’humanité unique, que nous adorons comme le Dieu Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Cet appel à l’unité est un appel à la communauté créée par Dieu pour rassembler une famille humaine, avec sa diversité de dons. Nous sommes appelés à embrasser les dons des autres, que nous pouvons partager lorsque nous sommes réunis.
Il existe des différences entre nous, dont certaines sont théologiques, d’autres sociologiques, mais qui résultent peut-être de nos différentes traditions religieuses. Nous accordons beaucoup d’importance à ces différences. Nous ne voulons pas les nier ni prétendre qu’elles n’existent pas. En revanche, elles ne nous empêchent pas et ne doivent pas nous empêcher de travailler ensemble pour la paix.
En tant que Conseil œcuménique des Églises, nous sommes ouverts sur le monde et vivons de manière profonde cet appel à l’unité dans la diversité. Nous avons le privilège de compter parmi nos membres des Églises implantées dans toutes les régions du monde, y compris, bien sûr, ici au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Nous partageons la vérité sur l’amour de Dieu et la volonté de Dieu, car nous recherchons aussi la vérité sur la réalité dans laquelle nous vivons. La réalité de la grâce de Dieu que nous partageons est mêlée à la réalité du péché. Cela nous appelle à faire preuve de solidarité les uns envers les autres au sein de la famille humaine, mais également d’humilité et d’une attitude critique et autocritique.
Le COE a été fondé immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, cette tragédie de l’humanité qui est devenue une catastrophe pour les nations et les peuples, certains éprouvant une sorte de légitimation chrétienne de leurs souffrances, comme le peuple juif. Les Églises ont réalisé en 1948 qu’elles pouvaient aussi faire partie des forces d’oppression et contribuer au conflit. Le temps de la repentance et de la réconciliation était venu.
La même attitude autocritique fut nécessaire dans les années qui suivirent, lors des luttes menées après la décolonisation de nombreuses régions du monde. Une nouvelle fois, le christianisme était lié à l’histoire tragique de la colonisation et de l’esclavage, du racisme et de la discrimination.
Aujourd’hui, nous devons encore lutter contre le racisme, l’exclusion des réfugiés, la division et la séparation – toujours au nom de la religion, même de notre foi chrétienne.
D’autre part, par la grâce de Dieu, nous avons vu comment le dialogue et l’appartenance à une communauté nous ont appelés à l’unité, à l’ordre et à la repentance, afin de trouver de nouvelles voies pour aller de l’avant.
Dieu nous a appelés à la solidarité chrétienne dans la croix du Christ. Présent ici au Caire, je suis touché par le témoignage des fidèles chrétiens qui appartiennent aux quatre églises membres du COE dans ce pays. Nous honorons leur fidélité dans ces moments qui semblent être particulièrement difficiles et dangereux. Face au paradoxe qui se trouve au cœur de notre foi chrétienne, nous témoignons du fait que dans leur apparente vulnérabilité, il existe une grande force spirituelle. Dans leur vie quotidienne, ces chrétiens reflètent en quelque sorte le mystère de la croix qui est au cœur de notre foi.
Nous souhaitons travailler ensemble et avec tous les êtres humains et les communautés de foi, et ce, pour le plus grand bien de notre monde. Cette vision de la diversité dans l’unité est également un don que nous voulons mettre sur la grande table de la coopération interreligieuse des hommes, des femmes et des enfants de différentes religions qui travaillent ensemble pour la paix mondiale, la justice pour tous les êtres humains et le bien-être de la planète.
Permettez-moi ainsi de conclure :
En tant que responsables d’Églises, réunis aujourd’hui pour la paix, nous avons le devoir de parler d’une seule voix, en particulier contre tout appel à la haine assimilable à la violence, à la discrimination ou à toute autre violation de l’égale dignité dont jouissent tous les êtres humains, indépendamment de leur religion, croyance, sexe, opinion politique ou autre, origine nationale ou sociale, ou de tout autre statut.
Nous convenons, en tant qu’êtres humains, que nous devons corriger la manière dont les religions sont représentées et trop souvent manipulées. Il en va de notre responsabilité envers tous les êtres humains. Nous sommes responsables de nos actions, mais encore plus responsables si nous n’agissons pas ou n’agissons pas correctement et en temps opportun. Alors que les États assument la responsabilité principale de promouvoir et de protéger tous les droits pour tous, individuellement et collectivement, à profiter d’une vie digne à l’abri de la peur, il nous incombe, en tant que responsables d’Églises, de défendre l’humanité partagée et l’égale dignité de chaque être humain. Nous devons le faire ici ensemble, mais aussi dans nos propres domaines de la prédication, de l’enseignement, de l’accompagnement spirituel et de l’engagement social.
Nous avons le devoir de parler par amour et de l’amour afin de remédier au discours de haine par la compassion et la solidarité, qui permettent d’apaiser les cœurs et les sociétés. En tant que responsables d’Églises, nous devons assumer nos rôles respectifs. En tant que croyants et individus ordinaires de nos communautés de foi, nous pouvons avoir un véritable impact sur la façon dont nous parlons, la façon dont nous enseignons à nos enfants et la manière dont nous vivons ensemble au sein des communautés locales. Nous pouvons montrer ce que signifie notre foi comme expression de l’amour de Dieu.
Ensemble, nous faisons la différence. Ensemble, nous pouvons donner de l’espoir. Par amour pour l’humanité unique. Agissons ensemble.
Pasteur Olav Fykse Tveit
Secrétaire général
Conseil œcuménique des Églises
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Rédaction

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