La Collecte pour la Terre Sainte « n’est pas seulement un geste de générosité, mais aussi d’approche spirituelle, de conversion, à travers tous les jours de la Semaine Sainte dans laquelle elle s’insère ».
C’est ce qu’affirme le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, dans une interview accordée à L’Osservatore Romano en italien (19 avril 2019), à la veille de la Collecte annuelle qui se tient le Vendredi Saint.
Cette collecte, explique le préfet, « a une énorme importance, non seulement parce qu’elle exprime un moment de générosité de nous tous qui entendons tellement parler des guerres au Moyen-Orient, des conflits, des bombardements et des divisions ».
« Nous sommes impuissants devant tant de drames, dit le cardinal, en revanche, nous pouvons faire quelque chose pour nos frères, à travers un geste de générosité, de don, de contribution. C’est aussi pour que l’Église catholique puisse vivre dans les lieux de Jésus, non seulement comme une pièce supplémentaire du musée de l’histoire, mais comme une réalité vivante de ceux qui croient dans le Christ, qui poursuivent leur témoignage là où Jésus est né, mort et ressuscité. »
« Intuition du pape Montini »
« C’est le pape Paul VI qui a institué la Collecte pour toute l’Église », rappelle le cardinal Sandri : « L’intuition du pape Montini développe dans un sens moderne ce que saint Paul rappelle déjà à ses communautés : l’Église mère de Jérusalem est et reste telle parce que c’est de là qu’est parvenu jusqu’à nous l’annonce de la Résurrection. »
En se souvenant du pèlerinage du pape en 1964 en Terre Sainte – « un pèlerinage extraordinaire, inédit » – le cardinal souligne que « pour Paul VI, cela représentait une identification de son service à celui qu’il devait rendre comme humble pasteur des pasteurs de l’Église, le serviteur des serviteurs de Dieu. En suivant Jésus ».
« Dans l’intention de Paul VI, explique le préfet, cela impliquait un mouvement de conversion au Christ, de retour à lui pour que ce soit lui le véritable centre de la vie chrétienne. »
« L’intention » de la Collecte « est d’accompagner le Christ au Calvaire, poursuit-il, afin que le mystère de grâce de la mort et de la résurrection soit un moment de conversion. Nous pouvons donc être physiquement loin de la Terre Sainte comme catholiques et comme chrétiens, mais nous sommes proches parce que l’Évangile vit en nous. »
En évoquant « les difficultés qui existent dans le monde actuel » qui font que « tant de familles doivent se battre avec les problèmes quotidiens », le cardinal constate avec joie : « Il est émouvant de voir, en de nombreuses occasions, des petits gestes de charité pour nos frères de Terre Sainte, y compris de la part de ceux qui traversent des difficultés économiques. Ce sont autant de petites « oboles de la veuve » que Jésus a admirées dans l’Évangile et nous croyons qu’elles peuvent être un exemple pour tous dans le monde. Un petit don fait avec le cœur est apprécié par le Seigneur. »
« Nous accompagnons la vie de l’Église »
Le cardinal Sandri explique que des fonds recueillis pendant la Collecte « sont répartis de la façon suivante : 65 pour cent vont à la Custodie de Terre Sainte, confiée aux frères mineurs qui gardent et soutiennent les sanctuaires et la vie sacramentelle qui s’y déroule. 35 pour cent vont à la Congrégation pour les Églises orientales ».
Pour le dicastère, poursuit le préfet, « le chiffre tourne autour de 5 à 7 millions de dollars ». « Ce quota permet de soutenir la vie des autres réalités aussi présentes dans les lieux saints, à commencer par le diocèse patriarcal de Jérusalem, dont le territoire s’étend sur Israël, la Palestine, la Jordanie et Chypre, mais aussi les melchites avec une présence importante dans la zone de la Galilée, sans oublier les maronites, les syro-catholiques, les arméniens, les chaldéens et les coptes. »
« Avec ces fonds, nous accompagnons donc la vie de l’Église », résume-t-il. Le cardinal explique qu’il s’agit, entre autres, du soutien du séminaire latin de Bet Jala (Bethléem) du patriarcat de Jérusalem ; des écoles, qui «sont très importantes pour la diffusion de l’Évangile et le maintien de la présence chrétienne » ; de la Bethlehem University, ou font leurs études « des jeunes Palestiniens, musulmans et chrétiens, espérance pour l’avenir de cet État marqué par la souffrance et par le conflit, extérieur et intérieur ».
Le préfet parle aussi du rôle de l’Ordre du Saint Sépulcre, « composé de fidèles méritoires qui vivent la vocation de se donner ainsi qu’une partie de leurs ressources pour le maintien de la présence chrétienne » en Terre Sainte. L’Ordre garantit « quotidiennement » « l’attention constante aux lieux saints », explique le cardinal : « nous sommes sincèrement reconnaissants aux chevaliers et aux dames ».
Message sur la fraternité
Le cardinal Sandri s’arrête aussi sur deux récents voyages du pape dans les pays musulmans, ceux à Abou Dhabi et au Maroc : « La visite apostolique du pape François a été l’occasion d’une grande ouverture et cordialité que ce soit à l’égard du judaïsme ou à l’égard de l’islam », souligne-t-il.
« Je crois que le charisme du pape François a connu des moments extraordinaires à Abou Dhabi et au Maroc, poursuit le cardinal, cette dernière étape a rappelé la rencontre mémorable du pape Jean-Paul II avec 30 000 jeunes, lorsque régnait encore le père du souverain actuel. Tous ces signes portent à un partage pour une société plus juste, plus libre et plus respectueuse. »
En ce qui concerne « le message sur la fraternité » signé à Abou Dhabi, « le document veut indiquer un horizon, faire désirer un but, mais en montrant des pas concrets sur lesquels chaque communauté doit s’examiner », souligne le préfet. Le texte est étudié présentement « dans le monde universitaire, précise-t-il, comme par exemple l’Université pontificale grégorienne a commencé à le faire en constituant un comité d’experts, chrétiens et musulmans, sous la conduite du jésuite Laurent Basanese ».
« Je pense, conclut le préfet, que le pape François a eu, et a encore un élan intérieur qui le pousse à abattre les murs avec toutes les religions du monde. »
Présence chinoise en Terre Sainte
Lors de la dernière visite du cardinal Sandri en Terre Sainte, en novembre dernier, on lui a « fait remarquer la grande présence de nouveaux pèlerins, surtout en provenance des Philippines, d’Indonésie, d’Inde et en particulier, ce qui est merveilleux, de Chine ». « Ce sont les chrétiens, raconte-t-il, qui vont visiter les lieux terrestres de Jésus, en provenance de pays lointains, mais qui sont présents tout particulièrement dans le cœur du pape et de l’Église. »
« On observe une augmentation de la présence chinoise en Terre Sainte, poursuit le préfet. C’est le signe qu’une nouvelle approche est en train de mûrir entre l’Église catholique et ce grand pays, porteuse de liberté, de justice et de dignité. Nous espérons que, de la Terre Sainte, du Vendredi Saint et de la résurrection du Christ puisse jaillir cette force pour construire un monde nouveau de paix et de respect sous la miséricorde de Dieu. »
Avec une traduction d’Hélène Ginabat
Le pape François remercie le card. Leonardo Sandri, ROACO 16 juin 2016, L'Osservatore Romano
Collecte du Vendredi Saint pour la Terre Sainte , par le card. Sandri
Appel à la «générosité» et à la «conversion»