« Toute interprétation alarmiste dénonçant un bris de continuité avec la tradition, ou bien laxiste célébrant un accès enfin concédé aux sacrements pour les divorcés remariés, est infidèle au texte et à l’intention du pape », affirme le cardinal Ouellet à propos d’Amoris laetitia, l’exhortation apostolique post-synodale sur l’amour dans la famille (2016).
Le cardinal québécois Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, et ancien professeur à l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, a en effet participé, mardi 26 septembre 2017, à l’Assemblée plénière annuelle de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC, 25-29 septembre) au Centre Nav Canada, à Cornwall, en Ontario, indique la CECC.
On peut visionner la vidéo de la conférence du cardinal Marc Ouellet aux évêques catholiques du Canada via Télévision Sel + Lumière ici (à 20m43):
https://livestream.com/wydcentral2013/events/7717696/videos/163349596
Les évêques ont principalement réfléchi sur Amoris laetitia, à partir de l’exposé du cardinal Ouellet, donné en français.
Dans son intervention, il invite aussi les évêques canadiens à faire connaître leur réaction à Amoris laetitia et à émettre des orientations pour sa mise en oeuvre pastorale : « Plusieurs conférences épiscopales ont déjà publié des orientations plus précises pour leur contexte, par souci de clarté et d’inculturation. »
« Un tel exercice m’apparait nécessaire et urgent au Canada où l’on constate un écart béant entre l’enseignement officiel de l’Église et le vécu des couples et des familles », ajoute le cardinal canadien qui a fait observer que les précédentes « interventions magistérielles sur la famille avaient reçu un accueil mitigé », ce qui n’a pas favorisé leur application pastorale : il s’agit principalement de l’encyclique du bienheureux Paul VI Humanae vitae, dont on fête bientôt les 50 ans (1968), et de l’exhortation apostolique Familiaris consortio de saint Jean-Paul II (1981).
Il met en garde contre une réduction du document au chapitre 8 sur les couples catholiques mariés à l’église et en « situation irrégulière », pour rappeler que le document indique une pastorale fondée sur « les trois verbes : accompagner, discerner, intégrer ».
Il s’agit de mettre en œuvre un itinéraire pour aider les baptisés à « progresser »: dans l’approche pastorale. Le document, explique le cardinal Ouellet, recommande de « garder bien en vue l’idéal chrétien », tout « en ayant aussi en tête le principe de la gradualité, qui ne signifie pas la ‘gradualité de la loi’, mais la gradualité de l’assimilation de ses valeurs par les sujets ».
Quant aux « situations irrégulières », la pastorale demande un « discernement » faisant « appel à des principes qui permettent de définir les situations et leurs causes, les circonstances atténuantes, les changements possibles selon la conscience morale des personnes et les cas d’exceptions compte tenu de la distance entre la norme générale et les situations particulières ».
Ce discernement, au cas par cas, « peut ouvrir à recevoir l’aide des sacrements de pénitence et d’eucharistie dans certains cas », explique encore le cardinal Ouellet qui insiste sur le fait que cet éventuel accès aux sacrements doit être « discerné soigneusement, dans une logique de miséricorde pastorale ».
Il réfute l’interprétation qui consisterait à voir dans cette approche « un changement de la doctrine ou de la discipline sacramentelle » : il y voit « une application plus différenciée et adaptée aux circonstances concrètes et au bien des personnes ».
Et ce discernement suppose chez celui qui a charge de l’exercer « une conversion du regard et à une attitude d’accueil ». En d’autres termes : les pasteurs sont appelés à « valoriser le bien déjà existant dans la vie des personnes » pour pouvoir les « accompagner progressivement vers une réponse plus complète au dessein de Dieu sur leur vie ». Ou encore, à « voir les valeurs concrètement vécues dans la diversité des situations et accompagner les personnes dans leur recherche de vérité et leurs choix moraux correspondants ».
Autrement dit, le pasteur accompagne en discernant pour chacun, là où il en est, le pas suivant à faire pour progresser dans l’amour du Christ et du prochain : il s’agit, a dit le cardinal Ouellet de « discerner les pas à faire pour vivre en plénitude le sacrement déjà reçu, ou pour cheminer peu à peu vers sa réception consciente et fructueuse, ou encore pour régulariser une situation objectivement irrégulière, mais pas toujours moralement imputable ».
La conférence épiscopale résume en citant ce passage : « La contribution majeure d’Amoris laetitia est de développer et d’approfondir la réflexion de l’Église sur l’idée de la progression vers l’idéal chrétien qui n’avait peut-être pas reçu suffisamment d’attention et de développement jusqu’ici. De fait, l’affaiblissement constant du mariage et de la vie familiale en Occident sous la pression de certains courants sociaux défavorables au cours des 30 dernières années, a rendu cette réflexion approfondie encore plus urgente. »
Et la force du message du pape François est, relève la même source, « de proposer une vision ouverte et attrayante de l’amour humain, reflet de la communion trinitaire, entouré de miséricorde et donc riche d’espérance » : « Accueilli avec enthousiasme et sans préjugé, cet enseignement peut représenter un grand pas en avant dans l’espérance que toutes les familles deviennent la grande ressource de l’Église pour l’évangélisation du monde. Car la famille est la route et l’oasis de l’humanité en notre temps, où le Christ et l’Église se rencontrent et s’établissent à demeure et où, par la grâce de la fidélité des époux avec leurs enfants, resplendit le témoignage trinitaire de la Joie de l’Amour. »
Card. Ouellet - ZENIT - HSM
Amoris laetitia: non aux interprétations «alarmistes», «infidèles», par le card. Ouellet
Assemblée des évêques du Canada