Adrienne von Speyr à Langenbruck, V. 1918 @ wikimediacommons, ignatius.com

Adrienne von Speyr à Langenbruck, V. 1918 @ wikimediacommons, ignatius.com

Adrienne von Speyr, femme-courage, par Lucetta Scaraffia

“Une femme au coeur du XXe s.”, symposium au Vatican

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Sous le titre « le courage d’une mystique », Lucetta Scaraffia montre qu’Adrienne von Speyr « ramène la spiritualité avec une force lucide et puissante », dans une religion « aride », réduite à « l’assistance », ou à la « recherche intellectuelle » et à la « dévotion ».
“Une femme au coeur du XXe s.”: c’est le titre d’un symposium dédié à la figure d’Adrienne von Speyr (1902-1967), organisé à Rome les 17-18 novembre 2017 par l’Association Lubac-Balthasar-Speyr et par le mensuel de L’Osservatore Romano « femmes Eglise monde ». La première partie a eu lieu à la “Casa Balthasar”, et la seconde au Vatican, à la “Casina Pio IV”.
Les conférences ont réuni des experts d’Europe et l’Amérique, notamment le p. Jacques Servais, SJ, directeur de la “Casa Balthasar”, sur Adrienne von Speyr « Etoile polaire« , Mme Lucetta Scaraffia, directrice du mensuel, et le p. André-Marie Jérumanis, médecin de formation et professeur à la Faculté de théologie de Lugano qui a évoqué la figure d’Adrienne von Speyr médecin. Ces trois interventions ont été publiées en italien par L’Osservatore Romano des 18 et 19 novembre 2017.
« Seule la spiritualité peut redonner un sens à des pratiques comme la confession si critiquée par la modernité (comme par exemple par la psychanalyse) et peut ramener à la prière profonde entendue come contact direct avec Dieu. »
Au cœur du monde
Prière : « Prier, pour Adrienne, ce n’est pas raconter nos problèmes à Dieu, mais demander la grâce de participer à la vie de la Trinité, c’est-à-dire de s’insérer dans une prière qui existe déjà, être plus au ciel que sur la terre. Mais surtout cela signifie ouvrir la porte de notre âme à Dieu avec une disponibilité totale, le laisser entrer dans notre vie, le laisser guider lui-même la rencontre. C’est ainsi que chacun peut découvrir sa mission, sa place dans le monde, comprendre l’intention de Dieu sur lui. Adrienne enseigne qu’il n’y a pas de barrière entre le ciel et la terre : « Il s’agit, pour l’homme, de rencontrer dans sa vie le Dieu vivant et de soutenir le choc de cette rencontre ». »
Confession – « un terme qu’elle préfère à celui (…) de ‘pénitence’ ». « Un moment de rencontre personnelle et de totale ouverture à Dieu. En spécifiant avec une grande clarté combien la confession est différente des dialogues humains comme des thérapies psychanalytiques, Adrienne affirme come celle-ci « place l’homme devant son destin divin, final et définitif ». Parce que, continue-t-elle, « nous pouvons voir l’unité du destin et de nous-mêmes seulement si Dieu lui-même nous tient devant le miroir – si nous avons le courage d’y jeter un coup d’œil ». »
En même temps, Lucetta Scarafia rappelle que la participation d’Adrienne von Speyr aux événements de son temps a été « intense » : « Avec l’éclatement de la Seconde guerre mondiale, le poids de la souffrance du monde qui l’entoure lui parviendra aussi de façon directe, par perception personnelle. »
La Seconde guerre mondiale
L’auteur fait état des notes prises par Hans Urs von Balthasar : « Pendant la guerre, la participation d’Adrienne aux horreurs qui sont en train de se produire est concrète et advient en temps réel : ses visions vont des camps, où elle assiste à l’élimination des détenus par le gaz, jusqu’aux soldats qui défendent Stalingrad, qui vivent des expériences terribles, sans même le réconfort de la prière, parce qu’alors Dieu est loin d’eux, après l’avoir négligé si longtemps ils n’arrivent plus à se rapprocher de lui. Elle-même vit dans son corps ces expériences, elles deviennent des maladies, de la faiblesse, des chutes impromptues et dévastatrices. »
Sa proximité avec Dieu l’aide à “regarder à l’intérieur de ce mal, que ce soit quand elle voit Hitler, désormais complètement la proie de Satan, soit quand elle assume les souffrances des victimes”.
Et le mot “courage” est lâché: « Adrienne a le courage de faire ce que ses contemporains n’ont pas le courage de faire: se rendre compte, voir, jusqu’où allait le mal. Pour ses contemporains, nous le savons bien, il a fallu de nombreuses décennies, plusieurs générations, pour supporter d’écouter ce qu’il était arrivé, par des témoins survivants. »
Le samedi saint
« C’est sans aucun doute de cette expérience dramatique, vécue dans la confession, que naît son intuition profonde du samedi saint : Adrienne est la seule philosophe-théologienne qui porte jusqu’au bout le concept de mort de Dieu, invoquez par tant de personnes pour expliquer et décrire cette immense tragédie, jusqu’à en faire un instrument heuristique pour la compréhension de Jésus. Le mystère du samedi saint, du jour où Dieu meurt, aussi pour les fidèles, puisque le Saint-Sacrement disparaît de la vue et que l’on ne célèbre pas de messe, devient pour elle le passage nécessaire afin que Jésus passe de la mort à la résurrection, de la confession des péchés de l’humanité qu’il a assumés sur la croix, à l’absolution de tout le genre humain par son sacrifice. »
Lucetta Scaraffia fait observer que l’enseignement d’Adrienne von Speyr « est si nouveau, fort, profond, qu’il n’est pas compris » : « Il peut peut-être être compris peu à peu, avec le temps. »
Elle conclut par ces paroles de Hans Urs von Balthasar: « S’il y a quelque chose de significatif dans la vie et l’oeuvre d’Adrienne c’est justement cette vivification centrale de la révélation chrétienne. Ce n’est qu’à partir de ce centre que toutes les formes particulières de son service reçoivent leur sens. Et certaines formes de ce service, qui sont les plus extraordinaires, resteront incompréhensibles pour longtemps. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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