CITE DU VATICAN, Mardi 13 janvier 2004 (ZENIT.org) – Voici le texte de l’homélie de Jean-Paul II pendant la célébration des vêpres en la basilique de Saint-Laurent sur Sèvre, près du tombeau du P. de Montfort, le 19 septembre 1996, avec les personnes consacrées de l’Ouest de la France. Le pape y évoque le baptême.
Il explique: « .Je suis heureux de commencer mon pèlerinage en terre de France sous le signe de cette haute figure. Vous savez que je dois beaucoup à ce saint et à son « Traité de la vraie Dévotion à la Sainte Vierge ». Aujourd’hui, puisque ma visite pastorale est placée, pour une bonne part, sous le signe du baptême, je voudrais avant tout mettre en relief le fait que, dans l’esprit de saint Louis-Marie, toute la vie spirituelle découle très directement du sacrement du saint baptême, ainsi que le montre un passage significatif de l’Acte de consécration à Jésus Christ par les mains de Marie, précisément rédigé par Montfort ».
Chers Frères et Soeurs,
1. Lors de ce pèlerinage aux tombeaux de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et de la bienheureuse Marie-Louise de Jésus, c’est pour moi une joie de célébrer l’office liturgique du soir avec vous, personnes consacrées venues de tout l’Ouest de la France. Je remercie Mgr François Garnier, évêque de Luçon, et les Supérieurs de la famille montfortaine des paroles qu’ils m’ont adressées en votre nom, et aussi au nom de la communauté diocésaine représentée ici. À tous, j’adresse mon salut affectueux.
2. La lecture de la Lettre aux Romains, que nous venons d’écouter, nous parle de la vocation de l’humanité dans le Christ. Dans le Christ, nous sommes de toute éternité connus et appelés à devenir conformes à l’image de Celui qui est « I’aîné »: « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). En Lui, vrai Dieu et vrai Homme, le Père nous montre le sens de notre vocation. Entre la connaissance éternelle de l’homme qu’a le Père dans le Verbe et l’appel qu’il adresse à l’homme dans le temps, il existe un lien étroit. Le Christ sait que sa venue dans le monde et, en particulier, sa passion, sa mort et sa résurrection doivent dévoiler aux hommes leur vocation, inscrite par le Père dans le mystère de l’Incarnation de son Fils. C’est conscient de cela que le Christ, au terme de sa mission terrestre, adresse aux Apôtres cette exhortation: « Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit; apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde »: « Allez »(Mt 28, 19-20).
3. De siècle en siècle, les successeurs des apôtres et de nombreux disciples ont travaillé à remplir cette mission confiée par le Seigneur. Dans votre région, saint Louis-Marie Grignion de Montfort en fut l’un des plus remarquables. Je suis heureux de commencer mon pèlerinage en terre de France sous le signe de cette haute figure. Vous savez que je dois beaucoup à ce saint et à son « Traité de la vraie Dévotion à la Sainte Vierge ». Aujourd’hui, puisque ma visite pastorale est placée, pour une bonne part, sous le signe du baptême, je voudrais avant tout mettre en relief le fait que, dans l’esprit de saint Louis-Marie, toute la vie spirituelle découle très directement du sacrement du saint baptême, ainsi que le montre un passage significatif de l’Acte de consécration à Jésus Christ par les mains de Marie, précisément rédigé par Montfort. Au centre de cet acte, il y a ces paroles: « Moi, [ici on prononce le nom, par exemple Louis-Marie ou Jean-Paul, ou Charles] pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd’hui entre vos mains (entre les mains de Marie) les voeux de mon baptême; je renonce pour toujours à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres, et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie… » (L’Amour de la Sagesse éternelle, n. 225).
Le rappel des promesses du saint baptême est clair. Au cours de la liturgie baptismale, il a été demandé à chacun de nous: « Renoncez-vous à Satan, à toutes ses oeuvres et à toutes ses séductions? » « Renoncez-vous », puis: « Croyez-vous? » L’acte du baptême va de pair avec le choix de Dieu, le choix du Christ, le choix de vivre dans la grâce de l’Esprit Saint. Ce choix est, en un sens, la victoire sur le péché originel. La grâce sacramentelle (« Croyez-vous? ») du baptême efface le péché originel. Mais l’homme qui le reçoit doit donc lui-même renoncer au péché, pour correspondre ainsi à la grâce de la justification qui lui est offerte dans la foi au Christ. Dans la grâce du baptême, il y a un certain retour au commencement, aux origines, quand il fallait choisir le bien et non le mal, le salut et non le refus. Si Grignion de Montfort fait entrer cela dans le contenu de sa vraie dévotion à la Mère de Dieu, il le fait parce que Marie, par la volonté divine, dès son Immaculée Conception, a été inscrite dans le plan de Dieu pour surmonter le péché par la justification reçue de la grâce qui vient du Christ.
Il est bon qu’au commencement de ce pèlerinage qui me conduira également à Reims pour le mille cinq centième anniversaire du baptême de Clovis, nous puissions considérer ici d’un point de vue marial la signification essentielle du sacrement du baptême.
4. En m’adressant à vous, hommes et femmes engagés dans la vie consacrée, je voudrais redire que, « dans la tradition de l’Église, la profession religieuse est considérée comme un approfondissement unique et fécond de la consécration baptismale en ce que, par elle, l’union intime avec le Christ […] se développe » (Vita consecrata, n. 30). Vous êtes appelés à aller plus loin encore, grâce à « un don spécifique de l’Esprit Saint » (ibid.), car vous choisissez de pratiquer radicalement les conseils évangéliques pour suivre le Christ: et vous prenez pour modèle la Vierge Marie, « exemple sublime de consécration parfaite, par sa pleine appartenance à Dieu et par le don total d’elle-même » (ibid., n. 28).
L’exigence de votre engagement peut paraître à vos contemporains, difficile à comprendre et presque impossible à vivre. Que cela ne vous trouble pas ! En vérité, fidèles et humbles, vous donnez un témoignage dont le monde a besoin. Votre libre choix du célibat, du renoncement aux biens et de l’obéissance constitue une réponse aux questions que se posent beaucoup sur les valeurs authentiques de leur vie. En somme, votre pratique des conseils évangéliques n’a d’autre sens que de confesser, dans un coeur sans partage, l’amour infini de Dieu, suprême richesse de l’homme, et la beauté libérante d’une dépendance filiale et non servile (cf. Vita consecrata, n. 21). Vous avez vocation d’être de vivants signes de Dieu pour le monde, en « reproduisant l’image de son Fils » (Rm 8, 29).
5. Vous qui êtes venus représenter les consacrés de tout l’Ouest de la France, vous donnez une image de la diversité des charismes qui inspirent votre engagement, dans la vie contemplative ou la vie apostolique, dans les instituts séculiers ou l’ordre des vierges consacrées.
Je sais que beaucoup d’entre vous éprouvent de l’inquiétude devant la diminution actuelle du nombre des vocations et le vieillissement des congrégations. Il vous est ainsi demandé mystérieusement une forme de participation à la Croix. Mais l’épreuve n’est pas un terme. Je tiens à dire ici toute l’admiration que suscitent la fidélité, le zèle, l’inventivité des religieux et des religieuses jusque dans leur grand âge. L’oeuvre accomplie par les nombreuses congrégations fondées dans votre région a été considérable, pour la reconstruction de l’Église au siècle dernier, pour l’éducation, pour le soin des malades, pour la participation à la vie pastorale. On dit justement combien il est utile que l’Évangile soit annoncé « avec l’accent du pay
s »! Mettez en oeuvre aujourd’hui avec enthousiasme les charismes de vos fondateurs. Continuez d’écrire l’histoire vivante de vos congrégations!
J’aimerais aussi rendre hommage ici au grand nombre de missionnaires qui sont partis de l’Ouest de la France à travers le monde, à ceux qui sont présents encore maintenant dans de nombreux pays. Et je puis vous dire qu’il y a toujours un grand besoin de la présence des personnes consacrées dans les jeunes Églises.
6. Votre témoignage et votre apostolat sont une richesse pour les communautés locales. Osez faire connaître la qualité de votre expérience, le sens de votre spiritualité et des charismes de vos diverses fondations, votre joie de servir. Que ce soit pour le clergé diocésain ou pour les laïcs, la présence des consacrés demeure un précieux stimulant et souvent un élément indispensable pour l’évangélisation.
Attentifs aux besoins de notre temps et fidèles aux intuitions fondatrices, les consacrés, j’en suis convaincu, permettent à des jeunes d’entendre l’appel du Seigneur à le servir dans le don total d’eux-mêmes.
7. L’offrande de vos vies a une mystérieuse fécondité, que ce soit au jour le jour ou à l’heure de la Croix. Je pense au sacrifice de nombreux religieux au nom de l’Évangile et par fidélité à l’Église, sur cette terre ou au loin. J’évoque avec émotion ici les sept Frères trappistes de Notre-Dame de l’Atlas, me rappelant que trois d’entre eux avaient été moines de Bellefontaine. Après d’autres religieux et religieuses apostoliques, ils ont été jusqu’à la mort des témoins purs et désintéressés de l’amour du Christ auprès de frères en humanité qu’ils n’ont désiré que servir. Continuons de prier pour que leur sacrifice devienne source de vie et pour que leur présence auprès du Seigneur soutienne leurs frères et soeurs aujourd’hui.
Je voudrais conclure en vous redisant dans les termes de Grignion de Montfort combien votre vie trouve tout son sens dans la personne du Christ: « Dieu ne nous a point mis d’autre fondement de notre salut, de notre perfection et de notre gloire, que Jésus Christ » (Vraie dévotion, n. 61). Priant avec lui, invoquons le Seigneur avec la Sainte Vierge: « Vous êtes, Seigneur, toujours avec Marie, et Marie est toujours avec vous » (ibid., n. 63). Que la tendresse maternelle de la Mère du Seigneur vous guide chaque jour sur votre route à la suite de Jésus pour « rendre tout honneur et gloire au Père, en l’unité du Saint Esprit; vous rendre parfaits et être à votre prochain une bonne odeur de vie éternelle » (cf. ibid., n. 61).
Jean-Paul II