Mgr Marcello Semeraro, secrétaire du Conseil des cardinaux chargé d’assister le pape dans la réforme de la Curie romaine, fait le point sur le travail du C9 pour la revue italienne il Regno en date du 22 septembre 2016. Il évoque notamment la constitution des deux nouveaux dicastères « Laïcs, famille et vie » et « Développement humain intégral », précisant leur mission et les principes qui ont sous-tendu la réflexion.
Pour le dicastère « Laïcs, famille et vie » inauguré le 1er septembre, explique-t-il, il s’agissait de valoriser « le statut et le rôle des fidèles laïcs dans l’Eglise », leur « dignité » et leur « particularité ». Il fallait donc leur attribuer un volet institutionnel du gouvernement de l’Eglise correspondant à celui qui était déjà réservé aux évêques, aux prêtres et aux personnes consacrées : ces trois groupes étaient en effet l’objet de « congrégation » dans la curie, tandis que les laïcs avaient un « conseil pontifical ».
La famille et la vie ont été adjoints à la même entité. Fusion qui souligne, explique Mgr Semeraro dans des extraits rapportés par le quotidien Avvenire de la Conférence épiscopale italienne, « l’implication de la ‘vie’ dans la famille et de la famille dans le laïcat, qui rend très plausible leur connexion institutionnelle ».
Quant au dicastère « pour le développement humain intégral » qui sera lancé en janvier 2017, il se veut servir la doctrine sociale de l’Eglise : en choisissant ce titre, assure Mgr Semeraro, le pape « a voulu indiquer l’horizon dans lequel le dicastère est appelé à œuvrer », dans la ligne de trois documents : Populorum progressio de Paul VI sur le développement ; Caritas in veritate de Benoît XVI sur la dimension humaine intégrale ; Laudato si’ (du pape François) sur l’écologie intégrale.
Au sein de ce dicastère, la section pour les migrants et les réfugiés est sous l’autorité directe du pape. Un choix qui exprime une « attention spécifique à une urgence mondiale d’une actualité pressante » mais aussi « l’espérance que cette urgence ne tarde pas à être résolue ». Ce n’est pas « une invention de François », affirme le secrétaire, déjà dans l’histoire récente, des papes ont personnellement dirigé un secteur de la Curie romaine.
Par ailleurs, Mgr Semeraro fait état d’une volonté de procéder « par expérimentation » : tous les statuts de ces nouveaux dicastères sont approuvés « ad experimentum », souligne-t-il, mais sans échéance, ce qui permet d’apporter « sereinement et rapidement des correction et améliorations » si besoin.
Synodalité, conversion missionnaire
Le secrétaire du C9 explique la théologie qui sous-tend la réforme. Elle s’inspire en particulier du discours du pape François pour le 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, le 17 octobre 2015. Le pape a alors insisté sur la synodalité et la décentralisation, en donnant cette indication : « Nous devons réfléchir pour accomplir encore davantage, à travers ces organismes, les instances intermédiaires de la collégialité, peut-être en intégrant et en mettant à jour certains aspects de l’ancienne organisation ecclésiastique. Le souhait du Concile que de tels organismes puissent contribuer à accroître l’esprit de la collégialité épiscopale ne s’est pas encore pleinement réalisé. Nous sommes à mi-chemin, à une partie du chemin. Dans une Eglise synodale, comme j’ai déjà affirmé, il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire ».
Mgr Semeraro évoque un autre principe « inspirateur de la réforme » : la subsidiarité, à laquelle il est fait « allusion » dans le motu proprio Humanam progressionem instituant le dicastère pour le développement. « Le Successeur de l’Apôtre Pierre, peut-on y lire, dans son action en faveur de l’affirmation de ces valeurs, adapte continuellement les organismes qui collaborent avec lui, afin qu’ils puissent mieux correspondre aux exigences des hommes et des femmes que ces organismes sont appelés à servir ». L’article 3 du statut du nouveau dicastère précise qu’il a pour mission d’aider les Eglises locales à apporter une assistance matérielle et spirituelle « aux malades, aux réfugiés, aux exilés, aux migrants, aux apatrides, aux gens du cirque, aux nomades et aux personnes en déplacement ».
Enfin, dernier principe : la conversion missionnaire, évoquée dans Evangelii gaudium (n. 27), « exemplaire aussi pour la Curie romaine », estime Mgr Semeraro. « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, écrit le pape, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de ‘sortie’ et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. »
Aux valeurs déjà soulignées dans la Curie romaine lors des précédentes réformes (la pastoralité soulignée par Paul VI, la communion rappelée par Jean-Paul II), conclut Mgr Semeraro, le pape François ajoute « comme force unificatrice le critère de la synodalité et comme force dynamique celui de la conversion missionnaire ».