CITE DU VATICAN, Dimanche 27 avril 2003 (ZENIT.org) – Sous le titre: « La Table du Seigneur est la table de la fraternité concrète », L’Osservatore Romano en français du mardi de Pâques, 22 avril, publie cette traduction intégrale de l’homélie de Jean-Paul II en italien lors de la Messe « in Cena Domini ».
Le Pape Jean-Paul II a signé sa quatorzième Lettre encyclique « Ecclesia de Eucharistia » au cours de la Messe « in Cena Domini », célébrée dans la soirée du Jeudi Saint, 17 avril 2003, dans la Basilique Saint-Pierre. Durant la célébration a été de nouveau accompli le rite très suggestif du « lavement des pieds », qui rappelle le geste de service et d’amour effectué par le Christ avec ses disciples. Nous publions ci-dessous l’homélie prononcée par le Saint-Père:
1. « Il les aima jusqu’à la fin »(Jn 13, 1).
A la veille de sa passion et de sa mort, le Seigneur Jésus voulut rassembler autour de lui encore une fois ses Apôtres, afin de leur remettre ses dernières consignes et de leur donner le témoignage suprême de son amour.
Entrons nous aussi dans la « grande pièce garnie de coussins, toute prête, à l’étage » (cf. Mc 14, 15) et apprêtons-nous à écouter les pensées les plus intimes qu’Il désire nous confier; apprêtons-nous, en particulier, à accueillir le geste et le don qu’Il a prévus pour ce dernier rendez-vous.
2. Pendant qu’ils dînent, voilà Jésus qui se lève de table et commence à laver les pieds des disciples. Pierre refuse tout d’abord, puis il comprend et il accepte. Nous sommes nous aussi invités à comprendre: la première chose que le disciple doit faire est de se mettre à l’écoute de son Seigneur, en ouvrant son cœur pour accueillir l’initiative de son amour. Ce n’est qu’ensuite qu’il sera invité à accomplir, à son tour, ce que le Maître a accompli. Il devra lui aussi s’engager à « laver les pieds » de ses frères, en traduisant en gestes de service réciproque cet amour qui constitue la synthèse de tout l’Evangile (cf. Jn 13, 1-20).
Toujours au cours de la Cène, sachant que son « heure » est désormais venue, Jésus bénit et fractionne le pain, puis il le distribue aux Apôtres en disant: « Ceci est mon corps »; il fait la même chose avec le calice: « Ceci est mon sang ». Et il leur commande: « Faites-le en mémoire de moi » (1 Co 11, 24.25). Nous avons véritablement là le témoignage d’un amour allant « jusqu’à la fin » (Jn 13, 1). Jésus se donne en nourriture aux disciples, afin de devenir une seule chose avec eux. La « leçon » qu’il faut apprendre apparaît encore une fois: la première chose à faire est d’ouvrir son cœur pour accueillir l’amour du Christ. L’initiative est la sienne: c’est son amour qui nous rend capables d’aimer nos frères à notre tour.
Voilà donc: le lavement des pieds et le sacrement de l’Eucharistie: deux manifestations d’un même mystère d’amour confié aux disciples « pour que – dit Jésus – vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous » (Jn 13, 15).
3. « Faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11, 24). La « mémoire », que le Seigneur nous a laissée ce soir-là, concerne le moment culminant de son existence terrestre, le moment de son offrande en sacrifice au Père, par amour de l’humanité. Et c’est une « mémoire » qui se situe dans le contexte d’une cène, la cène pascale, au cours de laquelle Jésus se donne à ses Apôtres sous les espèces du pain et du vin, comme leur nourriture sur le chemin vers la patrie du Ciel.
Mysterium fidei! Voilà ce que proclame le célébrant après avoir prononcé les paroles de la consécration. Et l’assemblée liturgique répond en exprimant avec joie sa foi et son adhésion pleine d’espérance. L’Eucharistie est un mystère véritablement grand! Un mystère « incompréhensible » pour la raison humaine, mais si lumineux pour les yeux de la foi! La Table du Seigneur, dans la simplicité des symboles eucharistiques – le pain et le vin partagés – se révèle également comme la table de la fraternité concrète. Le message qui en émane est trop clair pour qu’on puisse l’ignorer: ceux qui prennent part à la Célébration eucharistique ne peuvent pas rester insensibles face aux attentes des pauvres et des indigents.
4. C’est précisément dans cette perspective que je désire que les dons recueillis au cours de cette célébration soient destinés à soulager les nécessités urgentes de ceux qui souffrent en Irak, en raison des conséquences de la guerre. Un cœur qui a éprouvé l’amour du Seigneur s’ouvre spontanément à la charité envers ses frères.
« O sacrum convivium, in quo Christus sumitur ».
Nous sommes tous invités, ce soir, à célébrer et à adorer jusqu’à tard dans la nuit le Seigneur qui s’est fait nourriture pour nous, pèlerins dans le temps, en nous offrant sa chair et son sang.
L’Eucharistie est un grand don pour l’Eglise et pour le monde. Afin, précisément, que soit accordée une attention toujours plus profonde au sacrement de l’Eucharistie, j’ai voulu offrir à toute la communauté des croyants une Encyclique, dont le thème central est le Mystère eucharistique: Ecclesia de Eucharistia. Dans quelques instants, j’aurai la joie de la signer, au cours de cette Célébration qui réévoque la Dernière Cène, lorsque Jésus nous laissa sa propre personne en testament suprême d’amour. Dès à présent, je la confie tout d’abord aux prêtres, pour qu’ils la diffusent à leur tour, au bénéfice de tout le peuple chrétien.
5. Adoro te devote, latens Deitas! Nous t’adorons, ô admirable Sacrement de la présence de Celui qui aima les siens « jusqu’à la fin ». Nous te remercions, ô Seigneur, qui dans l’Eucharistie édifies, rassembles et vivifies l’Eglise.
O divine Eucharistie, flamme de l’amour du Christ qui brûles sur l’autel du monde, fais que l’Eglise, réconfortée par Toi, soit toujours plus attentive à essuyer les larmes de ceux qui souffrent et à soutenir les efforts de ceux qui aspirent à la justice et à la paix.
Et Toi, Marie, Femme « eucharistique », qui as offert ton sein virginal pour l’incarnation du Verbe de Dieu, aide-nous à vivre le Mystère eucharistique dans l’esprit du Magnificat. Que notre vie soit une louange sans fin au Tout-Puissant, qui s’est caché sous l’humilité des signes eucharistiques.
Adoro te devote, latens Deitas…
Adoro te… adiuva me!
©L’Osservatore Romano