CITE DU VATICAN, Mardi 1er octobre 2002 (ZENIT.org) – Les aumôniers d’aéroports du monde entier se sont retrouvés à Paris pour un congrès, du 16 au 20 septembre dernier. Dans cet entretien, le P. Jacques Fournier, aumônier de Roissy et rédacteur d’Infocatho (www.infocatho.org), évoque le rôle de ces aumôniers représentant différentes confessions chrétiennes ou d’autres religions. Pour lui les aumôniers d’aéroport sont des « témoins » présents là pour aider chacun « à vivre selon sa conscience et selon sa foi ».
Z.: Les aumôniers d’aéroports du monde entier se sont retrouvés à Paris pour un congrès du 16 au 20 septembre dernier: qui représentent-ils?
J. F.: Nous sommes plus de cent aumôniers et chapelains, pasteurs, prêtres, religieuses et laïcs, qui sont venus à Paris pour participer à ce 35ème congrès international des aumôniers. Nous sommes de tous les continents : Parmi nous, Mexico, Manille, Johannesburg, Lubumbashi, Vancouver, Saint-Pétersbourg, pour ne citer que quelques noms.
Aujourd’hui, 132 aéroports internationaux, répartis dans 36 pays du monde entier, disposent d’une aumônerie « multiforme » affiliée à l’Association internationale des Aumôniers d’aéroports (International Association of Civil Aviation Chaplains, I.A.C.A.C.).
Soit 221 chapelains ou aumôniers dont 91 assurent à plein-temps une présence religieuse et spirituelle. En plus de leurs bureaux d’accueil, ils disposent de 106 chapelles, salles de prière et lieux de culte sur les plateformes aéroportuaires. Les religieuses ont aussi une place privilégiée en raison même de leur spécificité que nous pourrions appeler « des femmes d’Eglise ». Les hôtesses navigantes ou au sol, grâce à elles, sentent l’Eglise toute proche.
Z.: Il semble que ce soient des lieux de rencontre œcuménique entre chrétiens ou interreligieux?
P. J. F.: En fait, ces aumôneries disposent bien souvent de plusieurs centres spirituels et simultanément d’une aumônerie protestante, orthodoxe et catholique, voire israélite. On compte également dans le même aéroport plusieurs aumôniers à plein temps ou à temps partiel. L’œcuménisme et le dialogue interreligieux y sont vécus d’une manière souvent quotidienne.
Par exemple à Paris : la plateforme d’Orly dispose de deux centres spirituels dont un avec synagogue, mosquée et chapelle chrétienne. La plate-forme de Roissy-CDG dispose de trois centres dont deux avec synagogue, mosquée et chapelle chrétienne.
Z.: Mais qui sont vos « paroissiens »?
P. J. F.: Les » paroissiens potentiels » sont innombrables : plus de 10.000.000 sont des navigants ou des personnes travaillant sur ces plateformes. En 2001, 1.225.000.000 passagers se sont trouvés dans ces 132 aéroports internationaux.
Z.: N’est-ce pas difficile pour les représentants de la foi de « s’intégrer » et de se faire connaître dans une structure comme un immense aéroport international?
P. J. F.: Dans la vie d’un aéroport, nous avons une place toute particulière. Nous nous sentons pleinement intégrés à la vie quotidienne de tous ceux qui en réalisent l’existence et la raison d’être, et qui viennent nous consulter. Nous sommes aussi proches des manutentionnaires, des navigants, du personnel au sol que des responsables des escales et des directions aéroportuaires.
Nous voulons respecter la personnalité et les convictions de chacun, sans vouloir être des « prédicants ». Nous sommes des témoins qui aidons chacun à vivre l’essentiel de sa conscience personnelle et de sa foi.
Nous avons, tous et chacun, une vision de l’homme que nous inspire la Parole de Dieu et notre foi. Nous avons une vision du monde en raison même de cette pensée de Dieu qui rejoint tous les hommes sans exception et selon leur propre culture.
Nous sommes sur le chemin de ces passagers d’un jour que nous rencontrons pour ne plus jamais les revoir, mais qui viennent chercher et trouver le silence, la paix et l’unité intérieure, dans les centres spirituels, que les aéroports mettent à leur disposition ou dans les conversations qu’ils échangent avec nous.
Ces échanges, ces relations, ces accueils établissent une solidarité et une convivialité qui va souvent au cœur même de la personne et de ses préoccupations les plus fondamentales.
Z.: Les aéroports sont aussi des lieux ou se concentre la misère du monde (immigration, crises de l’emploi…), et dans la situation internationale actuelle, ils peuvent devenir des cibles potentielles, ou bien, du fait de défaillances de la machine ou de l’homme, des lieux de catastrophes: quel est votre place dans ces circonstances?
P. J. F. : Insérés dans cette vie des aéroports, nous partageons l’anxiété du personnel face aux situations difficiles de l’avenir de certaines compagnies. Nous essayons de soutenir les demandeurs d’asile qui attendent à la frontière. Nous partageons les terribles moments vécus par ceux qui sont frappés de près ou de loin, familles et navigants, par des catastrophes comme celle du Concorde, d’Halifax, du TWA 800 ou de Lockerby.
Nous ne sommes alors ni des psychologues, ni des médecins, ni des assistants sociaux. Nous sommes des hommes et des femmes qui transmettons la bonté et l’amour de Dieu, avec nos limites humaines et aussi avec tout notre cœur.
Z.: Comment résumeriez-vous le fruit de ce congrès?
P. J. F.: Ce congrès veut dire tout cela : l’aéroport n’est pas une frontière hermétique, il est surtout un lieu où la mondialisation se vit dans les échanges parce que chacun est au carrefour non seulement des lignes aériennes, mais surtout, par elles, au carrefour des cultures, des peuples, et des religions, grâce à la présence des aumôniers.