Egypte, Tunisie, la « révolution de la dignité », selon le curé de Ramallah

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ROME, Lundi 21 février 2011 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous une analyse du P. Faysal Hijazen, curé de Ramallah, en Palestine, docteur en théologie morale et professeur à

l’université de Bethléem, dans laquelle il évoque la « révolution de la dignité » qui a libéré les peuples tunisiens et égyptiens de la « peur provoquée par des régimes habitués à l’intimidation ».

« Cette révolution nous a surpris par sa force et par ses fruits », affirme le père Hijazen dans ce texte intitulé « Contre quelles idoles nous sommes-nous rebellés ? ». Il appelle de ses vœux une nouvelle « civilisation qui donne la confiance en soi et favorise le dialogue », une nouvelle « mentalité qui libère de toute chaîne qui détruit l’homme et le dégrade ».

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Après le départ forcé du président Moubarak, qui a quitté le pouvoir, beaucoup s’imaginent que cette « révolution blanche », la révolution qu’on a appelée celle de la dignité, qui a conduit les jeunes gens en Tunisie comme en Égypte, beaucoup s’imaginent que c’était seulement une rébellion contre des individus ou des régimes. Mais si nous regardons profondément les choses, nous nous rendons compte qu’il s’agit d’une révolution idéologique, profonde, fondée sur des principes auxquels il est difficile de renoncer.

Il s’agit d’une courageuse détermination de regagner la liberté et la dignité de la personne humaine, qui a déraciné des cœurs, la peur. Cette peur qui a été le facteur dominant, précisément pour dominer tous ces peuples pendant de longues décades. Cette révolution a donc enlevé des cœurs la peur provoquée par des régimes habitués à l’intimidation, aux menaces, des régimes qui avaient aboli la liberté intellectuelle et ont imposé la peur. Une peur qui vient d’éléments forts qui imposent leurs idées, leurs traditions et leurs habitudes à tout individu en effaçant la personnalité et la liberté. Une peur qui vient de loin, surtout centrée sur des éléments religieux qui semblent priver l’être humain de sa liberté et de sa dignité.

Une peur qui a dominé la société, qui a écrasé l’individu. Une peur qui a privé l’individu de ses droits les plus simples, qui a ignoré ou miné sa dignité humaine.

Cette révolution qui nous a surpris par sa force et par ses fruits, elle nous a aussi surpris par la détermination de ses promoteurs. Il s’agit d’une révolution fondée sur des principes profondément enracinés en l’homme et venant directement de son être même et de la valeur de sa personnalité.

C’est une révolution fondée sur des valeurs essentielles, dont les plus importantes sont celles de la vie, de la dignité, de la liberté, de l’égalité, de la justice. C’est la révolution de l’homme privé de sa dignité et de son droit à l’expression de sa pensée. C’est la révolution de l’homme écrasé, de l’homme envahi par la peur de celui qui décide à sa place et qui le considère éternellement mineur, incapable de réfléchir, de comprendre son propre bien et celui de la société.

Cette révolution n’est donc pas dirigée contre un individu, une personne, un chef, un dirigeant, un responsable, mais il s’agit plutôt de la révolution ou de la rébellion contre une mentalité et s’il en est une civilisation qui nous a opprimés pendant des décades et nous a relégués dans l’empire de la peur en faisant de nous des êtres infrahumains sous prétexte que c’était l’ordre, la religion qui imposait le devoir de nous écraser et de nous dominer intellectuellement et spirituellement. Il s’agit d’une révolution contre une certaine culture de peur qui est passée d’une société intimidée aux dirigeants mêmes qui avaient imposé cette peur.

Il s’agit pour nous maintenant de chercher une culture, une civilisation qui respecte l’individu, la personne humaine, sa dignité, et qui l’aide à se construire. Nous avons besoin d’une civilisation à laquelle nous devons être éduqués depuis notre enfance, une civilisation gravée dans le cœur de l’enfant qui la boit avec le lait maternel, à laquelle il est éduqué  à la maison, à l’école, à l’église, à l’université, dans la mosquée, dans la société. Nous souhaitons une civilisation qui donne la confiance en soi et qui favorise le dialogue, qui enlève les barrières de la peur des coeurs des jeunes et des moins jeunes. Une barrière qui a trop duré dans nos sociétés.

Nous avons besoin d’une nouvelle mentalité qui libère de toute chaîne qui détruit l’homme et le dégrade. Nous avons besoin d’une nouvelle mentalité, d’une nouvelle pensée et d’une nouvelle volonté. La pensée qui distingue entre le bien et le mal, et la volonté de marcher vers le bien de l’homme et de la société, et non pas dans le sens de l’égoïsme. Nous souhaitons une mentalité qui respecte la liberté de l’homme. La liberté est essentielle. Elle est l’élément le plus important, un élément constituant dans la nature humaine. La liberté, bien entendu, est seulement celle qui fait le bien et qui choisit le bien. On ne saurait parler de liberté de faire le mal, parce que le mal est négatif. Notre liberté consistera donc à faire le bien et à résister au mal et non pas à nous soumettre au mal.

En tant que prêtre, en tant qu’éducateur, en tant que citoyen, je voudrais résumer ce que signifie pour moi cette révolte ou bien cette « révolution de la dignité » du point de vue religieux, éducatif et social.

Pour la religion, je pense que la religion ne devrait jamais restreindre la liberté de pensée. Mais elle devrait être un facteur d’édification pour construire l’homme, sa personnalité, sa dignité et sa liberté, afin qu’il soit responsable de ses actes et que ses décisions soient confirmées par une bonne conscience qui en couronne la liberté bien comprise.

Comme éducateur, je m’adresse à mes collègues, éducatrices et éducateurs dans les écoles et les universités afin qu’ils puissent promouvoir les valeurs de dignité, de liberté, l’expression de soi chez les élèves et les étudiants, chez les jeunes que nous pouvons désigner comme la génération de « la révolution de la dignité ». Et que nous éducateurs, nous restions loin de la mentalité de l’intimidation et de l’endoctrinement en laissant à chaque élève, si jeune soit-il ou soit-elle, sa dignité, son style et sa personnalité ; en donnant le temps suffisant pour le dialogue avec les élèves et les étudiants, afin que chacun exprime ce qu’il pense et ce qu’il est, évitant le despotisme et la dictature intellectuelle et morale.

En tant que citoyen, je souhaite que les autorités fortifient les liens du dialogue avec leur peuple respectif dans une démocratie d’ouverture à la liberté intellectuelle, idéologique, culturelle, religieuse et médiatique afin de construire une société bâtie sur le respect de la vie, de la dignité et des droits de la personne humaine, respectant cette conscience croissante des droits de l’homme et de sa dignité dans le monde.

Respectons-la dans notre Orient qui nous est si cher, afin qu’il puisse se rallier le plus vite possible, inspiré par la « révolution de la dignité », à une nouvelle ère de liberté et de lumière.

Père Faysal Hijazen

Docteur en Théologie morale

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ZENIT Staff

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