Le pape Benoît XVI a présidé la dernière audience générale de son pontificat, ce mercredi matin, 27 février, place Saint-Pierre, sous un ciel limpide et un soleil éclatant: au moins 150 000 personnes étaient présentes, jusque dans la rue de la Conciliation, et environ 70 cardinaux.
C’était le dernier « discours public » de Benoît XVI, même s’il adressera quelques mots demain, 28 février, aux cardinaux déjà présents à Rome, et il prononcera une allocution pour saluer les habitants de Castelgandolfo qui l’accueilleront vers 17 h 15.
Le pape a ensuite rencontré des personnalités présentes à l’audience, comme le président de Slovaquie, les Capitaines régents de Saint-Marin, le maire de Rome.
Catéchèse de Benoît XVI en italien:
Vénérés Frères dans l’Episcopat et dans le Sacerdoce !
Autorités distinguées !
Chers frères et sœurs !
Je vous remercie d’être venus si nombreux à cette dernière audience générale de mon pontificat.
[Applaudissements]Merci de tout coeur, je suis vraiment ému. Et je vois l’Eglise vivante! Et je pense que nous devons dire aussi merci au Créateur pour le beau temps qu’il nous offre maintenant, encore en hiver.
Comme l’apôtre Paul dans le texte biblique que nous avons écouté, moi aussi je sens dans mon cœur de devoir surtout remercier Dieu, qui guide et fait grandir l’Eglise, qui sème sa Parole et nourrit ainsi la foi dans son Peuple. En ce moment, mon âme se dilate pour embrasser toute l’Eglise répandue dans le monde ; et je rends grâce à Dieu pour les « nouvelles » que durant ces années de ministère pétrinien j’ai pu recevoir sur la foi dans le Seigneur Jésus-Christ, et la charité qui circule dans le Corps de l’Eglise et le fait vivre dans l’amour et dans l’espérance qui nous ouvre et nous oriente vers la vie en plénitude, vers la patrie du Ciel.
Je sens que je vous porte tous dans la prière, dans un présent qui est celui de Dieu, où je recueille chaque rencontre, chaque voyage, chaque visite pastorale. Je recueille dans la prière tout et tous pour les confier au Seigneur : afin que nous ayons une pleine conscience de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, et afin que nous puissions nous comporter de façon digne de lui, de son amour, en portant du fruit dans toute oeuvre bonne (cf. Col 1,9-10).
En ce moment, j’ai en moi une grande confiance, parce que je sais, nous savons tous, que la Parole de vérité de l’Evangile est la force de l’Eglise, c’est sa vie. L’Evangile purifie et renouvelle, porte du fruit, partout la communauté des croyants l’écoute et accueille la grâce de Dieu dans la vérité et vit dans la charité. Telle est ma confiance, telle est ma joie.
Lors que, le 19 avril, [applaudissements] d’il y a presque huit ans, j’ai accepté d’assumer le ministère pétrinien, j’ai eu cette ferme certitude qui m’a toujours accompagné: cette certitude de la vie de l’Eglise, de la Parole de Dieu. En ce moment, comme je l’ai déjà exprimé à plusieurs reprises, les paroles qui ont résonné en mon cœur ont été : « Seigneur, que me demandes-tu ? C’est un grand poids que tu mets sur mes épaules, mais si Tu me le demandes, sur ta parole, je jetterai les filets, sûr que Tu me guideras, même avec toutes mes faiblesses ».
Et huit ans plus tard, je peux dire que le Seigneur m’a vraiment guidé, a été proche de moi, j’ai pu percevoir sa présence quotidiennement. Cela a été un bout de chemin de l’Eglise qui a eu des moments de joie et de lumière, mais aussi de moments pas faciles ; je me suis senti comme saint Pierre avec les Apôtres dans la barque sur le lac de Galilée : le Seigneur nous a donné tant de journées de soleil et de brise légère, de jours où la pêche a été abondante ; il y a eu aussi des moments où les eaux étaient agitées et le vent contraire, comme dans toute l’histoire de l’Eglise et où le Seigneur semblait dormir. Mais j’ai toujours su que dans cette barque il y avait le Seigneur et j’ai toujours su que la barque de l’Eglise n’est pas à moi, n’est pas la nôtre [applaudissements] mais est la sienne et qu’il ne la laisse pas couler ; c’est Lui qui la conduit, certainement aussi à travers les hommes qu’il a choisis, parce qu’il l’a voulu ainsi. Telle a été la certitude que personne ne peut troubler. Et c’est pour cela qu’aujourd’hui mon cœur est rempli de gratitude envers Dieu parce qu’il n’a jamais fait manquer ni l’Eglise ni à moi sa consolation, sa lumière, son amour.
Nous sommes dans l’Année de la foi, que j’ai voulu pour fortifier justement notre foi en Dieu dans un contexte qui semble le mettre toujours davantage au second plan. Je voudrais tous vous inviter à renouveler votre ferme confiance dans le Seigneur, à vous confier comme des enfants dans les bras de Dieu, certains que ces bras nous soutiennent toujours et sont ce qui nous permet de marcher chaque jour dans les fatigues.
Je voudrais que chacun se sente aimé de ce Dieu qui a donné son Fils pour nous et qui nous a montré son amour sans frontières. Je voudrais que chacun sente la joie d’être chrétien. Dans une belle prière qui se récite quotidiennement le matin il est dit: « Je t’adore, mon Dieu, et je t’aime de tout mon coeur. Je te remercie de m’avoir créé, fait chrétien… »
Oui, nous sommes contents du don de la foi, c’est le bien le plus précieux que personne ne peut nous enlever ! Remercions le Seigneur de cela chaque jour, par la prière et par une vie chrétienne cohérente. Dieu nous aime mais il attend aussi que nous l’aimions !
Mais ce n’est pas seulement Dieu que je voudrais remercier en ce moment. Un pape n’est pas seul pour conduire la barque de Pierre, même si c’est sa première responsabilité; et je ne me suis jamais senti seul en portant la joie et le poids du ministère pétrinien. Le Seigneur a mis à côté de moi tant de personnes qui, avec générosité et amour de Dieu et de l’Eglise m’ont aidé et m’ont été proches. Tout d’abord vous, chers Frères cardinaux: votre sagesse, vos conseils, votre amitié, ont été pour moi précieux; mes collaborateurs, à commencer par mon Secrétaire d’Etat qui m’a accompagné avec fidélité en ces années; la Secrétairerie d’Etat et la Curie romaine entière, ainsi que tous ceux qui, dans des domaines variés, offrent leur service au Saint-Siège: il y a tant de visages qui ne se voient pas, qui restent dans l’ombre, mais justement dans le silence, dans le dévouement quotidien, avec un esprit de foi et d’humilité, ils ont été pour moi un soutien sûr et fiable. J’ai une pensée spéciale pour l’Eglise de Rome, mon diocèse ! Je ne peux oublier les Frères dans l’Episcopat et dans le Sacerdoce, les personnes consacrées et le Peuple de Dieu tout entier : dans les visites pastorales, les rencontres, les audiences, les voyages, j’ai toujours perçu une grande attention et une profonde affection; mais moi aussi je vous ai aimés, tous et chacun, sans distinction, avec cette charité pastorale qui est au cœur de tout Pasteur, surtout de l’Evêque de Rome, du Successeur de l’Apôtre Pierre. Chaque jour j’ai porté chacun de vous dans ma prière, avec un cœur de père.
Je voudrais que ma salutation et ma reconnaissance rejoignent chacun : le cœur d’un Pape s’ouvre au monde entier. Et je voudrais exprimer ma gratitude au Corps diplomatique près le Saint-Siège, qui rend présente la grande famille des Nations. Ici, je pense aussi à tous ceux qui travaillent pour une bonne communication et que je remercie pour leur important service.
A présent je voudrais remercier de tout cœur aussi les nombreuses personnes dans le monde entier qui, ces dernières semaines, m’ont envoyé des signes émouvants d’attention, d’amitié et de prière. Oui, le Pape n’est jamais seul, aujourd’hui je fais l’expérience e
ncore une fois d’une façon si grande qu’elle touche mon coeur. Le pape appartient à tous et tant de personnes se sentent très proches de lui. Il est vrai que je reçois des lettres des grands du monde – des Chefs d’Etats, des Chefs religieux, des représentants du monde de la culture, etc., mais je reçois aussi de très nombreuses lettres de personnes simples qui m’écrivent simplement avec leur cœur et me font sentir leur affection, qui naît de l’appartenance au Christ Jésus, dans l’Eglise. Ces personnes ne m’écrivent pas comme on écrit par exemple à un prince ou à un « grand » que l’on ne connaît pas. Ils m’écrivent comme frères et sœurs ou comme fils et filles, avec le sens d’un lien familier très affectueux. Ici, on peut toucher du doigt ce qu’est l’Eglise – non pas une organisation, non pas une association à fins religieuses ou humanitaires, mais un corps vivant, une communion de frères et soeurs dans le Corps de Jésus-Christ, qui nous unit tous. Faire l’expérience de l’Eglise de cette façon et pouvoir toucher quasi physiquement la force de sa vérité et de son amour, est motif de joie, en un temps où tant parlent de son déclin. Mais nous voyons combien l’Eglise est vivante aujourd’hui !
Ces derniers mois, j’ai senti que mes forces avaient diminué, et j’ai demandé à Dieu avec insistance, dans la prière, de m’éclairer de sa lumière pour me faire prendre la décision la plus juste, non pour mon bien, mais pour le bien de l’Eglise. J’ai fait ce pas avec la pleine conscience de sa gravité et aussi de sa nouveauté, mais avec une profonde sérénité d’âme. Aimer l’Eglise signifie aussi avoir le courage de faire des choix difficiles, soufferts, en ayant toujours devant [soi] le bien de l’Eglise et non de soi-même.
Permettez-moi de revenir encore une fois au 19 avril 2005. La gravité de la décision était due aussi au fait qu’à partir de ce moment-là, j’étais engagé toujours et pour toujours par le Seigneur. « Toujours »: celui qui assume le ministère pétrinien n’a plus aucune vie privée. Il appartient toujours et totalement à tous, à toute l’Eglise. Sa vie est dépouillée en quelque sorte de toute dimension privée. J’ai pu faire l’expérience et j’en fais précisément maintenant l’expérience du fait qu’on reçoit la vie justement lorsqu’on la donne. J’ai déjà dit que beaucoup de personnes qui aiment le Seigneur aiment aussi le Successeur de saint Pierre et sont attachées à lui; que le pape a vraiment des frères et soeurs, des fils et des filles dans le monde entier, et qu’il se sent entouré dans l’embrassement de leur communion; car il ne s’appartient plus, il appartient à tous et tous lui appartiennent.
Le “toujours” est aussi un “pour toujours” : il n’y a plus de retour à la vie privée. Ma décision de renoncer à l’exercice actif du ministère, ne révoque pas cela. Je ne retourne pas à la vie privée, à une vie de voyages, de rencontres, de réceptions, de conférences, etc. Je n’abandonne pas la Croix, mais je reste de façon nouvelle auprès du Seigneur Crucifié. Je ne porte plus le pouvoir de la charge du gouvernement de l’Eglise, mais dans le service de la prière je reste, pour ainsi dire, dans l’enclos de saint Pierre. Saint Benoît, dont je porte le nom comme pape, me sera d’un grand exemple en cela. Il nous a montré le chemin d’une vie, qui, active ou passive, appartient totalement à l’œuvre de Dieu.
Je remercie tous et chacun aussi pour le respect et la compréhension avec lesquels vous avez accueilli cette décision si importante. Je continuerai à accompagner le chemin de l’Eglise par la prière et la réflexion, avec ce dévouement au Seigneur et à son Epouse que j’ai cherché à vivre chaque jour jusqu’à présent et que je veux vivre toujours. Je vous demande de vous souvenir de moi devant Dieu, et surtout de prier pour les Cardinaux, appelés à un devoir si important, et pour le nouveau Successeur de l’Apôtre Pierre: que le Seigneur l’accompagne de la lumière et de la force de son Esprit.
Invoquons l’intercession maternelle de la Vierge Marie, Mère de Dieu et de l’Eglise pour qu’elle accompagne chacun de nous et toute la communauté ecclésiale; confions-nous à Elle, avec une profonde confiance.
Chers amis! Dieu guide l’Eglise, il la soutient toujours, même et surtout dans les moments difficiles. Ne perdons jamais cette vision de foi, qui est l’unique vraie vision du chemin de l’Eglise et du monde. Dans notre coeur, dans le coeur de chacun de vous, qu’il y ait toujours la joyeuse certitude que le Seigneur est auprès de nous, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il est proche de nous, qu’il nous enveloppe de son amour. Merci ! [Presque deux minutes d’applaudissements]
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Traduction de Zenit: Anne Kurian et Anita Bourdin