Avec l’élection du pape François, « pour la première fois depuis de nombreux siècles, nous sommes sortis des repères européens », souligne le cardinal Abril y Castello qui souligne que « presque la moitié des catholiques » vivent en Amérique et émet le vœu que « ceci permettra une évangélisation plus efficace et plus dynamique ».
Jeudi 14 mars au matin, pour sa première sortie du Vatican, le pape François s’est rendu à la basilique Sainte-Marie-Majeure pour prier devant l’icône de la sainte patronne de Rome (cf. Zenit du 14 mars 2013).
Le cardinal aragonais Abril y Castello, archiprêtre du sanctuaire, qui était présent jeudi dans la basilique, revient sur cette visite pour Zenit. Il a été nonce apostolique en Argentine de 2000 à 2004, lorsque le cardinal Bergoglio était archevêque de Buenos Aires.
Zenit – Éminence, comment est venue l’idée de la visite du pape François à Sainte-Marie-Majeure ?
Card. Abril y Castello – Il m’avait dit, mercredi, qu’il désirait faire une visite à Sainte-Marie-Majeure ; je lui ai répondu que j’en étais honoré et que, s’il le voulait, je pourrais bien sûr l’accompagner. Et il m’a répondu oui.
Nous l’avons donc accompagné. Le cardinal Agostino Vallini (vicaire du pape pour Rome, ndlr) est aussi venu avec nous. Il n’y avait personne dans la basilique, pour des raisons de sécurité. Cela a été un moment de prière à la Vierge très intense, après quoi le pape lui a rendu hommage en déposant un bouquet de fleurs. Il a prié un moment en silence, puis nous avons chanté tous ensemble le Salve Regina.
Concrètement, il m’avait dit qu’il désirait aller prier la Vierge Marie pour lui confier son pontificat, pour qu’elle le bénisse et qu’elle l’aide.
Et ensuite ?
Je lui ai montré la partie restaurée de la chapelle de devant – qui s’appelle la chapelle Sixtine – qui n’est pas encore complètement ouverte au public : comme nous le savons, c’est là que saint Ignace de Loyola a célébré sa première messe. Le pape a beaucoup aimé la restauration de la chapelle. Il a ensuite salué tous mes collaborateurs les plus proches à la basilique.
Ensuite, le pape est allé rue de la Scrofa…
Oui, il est allé reprendre ses affaires qu’il avait laissées dans la résidence de la rue de la Scrofa et puis il a voulu régler lui-même la note. Je lui ai dit : « Saint Père, laissez-nous régler la note. Mais il a répliqué : — Non, non, non, c’est moi qui paye. » Après, il m’a expliqué : « Si je vous ai dit non, c’est parce que je veux qu’il soit bien clair que le pape ne profite pas du tout des biens de l’Église. » Cela a été un exemple magnifique et qui donne une idée de qui il est.
Le cardinal Bergoglio avait aussi son billet de retour. Il avait laissé des affaires dans la résidence parce qu’il pensait y revenir ?
Certainement, il n’avait pas encore payé puisqu’il pensait régler la note le jour de son départ. Cela aussi le définit bien.
Le nom de « François », c’est tout un programme…
Dans un premier temps, n’ayant pas bien entendu, nous avons pensé qu’il se référait à François d’Assise ou à saint François-Xavier. Pendant le dîner, je lui ai demandé et il m’a répondu très clairement qu’il s’agissait d’un hommage à saint François d’Assise.
Les cardinaux étaient contents ?
Oui, je crois que oui, vraiment. Il a été accueilli avec une grande joie parce que nous croyons qu’il peut être un excellent pape. Naturellement, c’est un très grand changement. Je ne dis pas que c’est une révolution parce que le mot n’est pas approprié ; mais je crois que c’est un changement important, pour la première fois depuis de nombreux siècles, nous sommes sortis des repères européens – alors que ce sont les repères italiens qui ont prévalu pendant longtemps, mais désormais on est allé au-delà et on a dit : allons là où se trouve presque la moitié de l’Église.
Cette élection sera importante pour l’Amérique latine ?
Il faut tenir compte de cette donnée que je viens d’indiquer : presque la moitié des catholiques vivent là-bas, c’est pourquoi je crois que le fait qu’il y ait un pape originaire de là-bas le fera considérer comme leur pape. Espérons que ceci permettra une évangélisation plus efficace et plus dynamique, et que celle-ci sera suivie par les pasteurs et les fidèles.
Nous avons vu que le pape n’a pas été élu par les journalistes, mais par l’Esprit-Saint !
Grâce à Dieu, je dois dire, parce qu’on a donné si souvent des interprétations arrêtées. J’ai dit à la presse : « Ceci, ce sont vos questions, arrangez-vous entre journalistes. »
Pouvait-on faire mieux ?
Il est clair qu’en théorie, on peut envisager toutes les hypothèses que l’on veut, mais je crois que cela a été un choix magnifique, magnifique. Il n’y avait pas de meilleur moment que maintenant. C’est l’Esprit-Saint qui a donné cette inspiration. Je vois le Saint-Père très serein, très tranquille, je crois qu’il fera un grand travail ; espérons et prions donc pour lui.
Traduction Hélène Ginabat