« Nous accueillons avec grande joie et gratitude cette confession de foi intégrale en forme de catéchèse à quatre mains des successeurs de Pierre », déclare le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, en présentant la première encyclique du pape François, « Lumen Fidei », ce 5 juillet au Vatican.
Le pape a repris à son compte un texte commencé par Benoît XVI avant sa renonciation : pour le cardinal Ouellet, l’encyclique est donc « un symbole d’unité, car en assumant et complétant l’œuvre entreprise par son prédécesseur, le Pape François témoigne avec lui de l’unité de la foi. »
« Ils exposent ensemble la foi de l’Église en sa beauté », estime-t-il, et « ce mode partagé de transmission illustre d’une façon extraordinaire l’aspect le plus fondamental et original développé par l’Encyclique, la dimension de la communion dans la foi ».
« Cette encyclique parle en effet sur un mode « nous » qui n’est pas de majesté mais bien de communion. Elle raconte la foi comme une expérience de communion, de dilatation du moi et de solidarité dans la marche de l’Église avec le Christ pour le salut de l’humanité », ajoute le cardinal.
Intervention du card. Ouellet
Il manquait un pilier à la trilogie de Benoît XVI sur les vertus théologales. La Providence a voulu que le pilier manquant soit un cadeau du Pape émérite à son successeur et en même temps un symbole d’unité, car en assumant et complétant l’œuvre entreprise par son prédécesseur, le Pape François témoigne avec lui de l’unité de la foi. La lumière de la foi est ainsi relayée d’un pontife à l’autre, comme dans les courses du stade, grâce « au don de la succession apostolique » par laquelle « la continuité de la mémoire de l’Église est assurée » de même que la « certitude d’atteindre la source pure d’où surgit la foi » (49).
Nous éprouvons donc une joie particulière à recevoir l’Encyclique Lumen Fidei, dont le mode partagé de transmission illustre d’une façon extraordinaire l’aspect le plus fondamental et original développé par l’Encyclique, la dimension de la communion dans la foi. Cette encyclique parle en effet sur un mode « nous » qui n’est pas de majesté mais bien de communion. Elle raconte la foi comme une expérience de communion, de dilatation du moi et de solidarité dans la marche de l’Église avec le Christ pour le salut de l’humanité. Je me limiterai à illustrer ce point de vue.
L’Encyclique présente en effet la foi chrétienne comme une lumière qui vient de l’écoute de la Parole de Dieu dans l’histoire. Une lumière qui fait voir l’amour de Dieu à l’œuvre pour faire alliance avec l’humanité. Cette lumière se laisse déjà percevoir dans les œuvres du Créateur mais elle resplendit comme amour dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ. En Lui, la lumière de l’Amour fait irruption dans l’histoire et offre aux humains une espérance qui donne le courage de marcher ensemble vers un avenir de pleine communion. « Le Christ est celui qui, en ayant supporté la souffrance, ‘est le chef de notre foi et la porte à la perfection’ » nous dit la Lettre aux Hébreux, largement reprise par l’Encyclique (He 12, 2) (57).
Objectivement, la lumière de la foi oriente le sens de la vie, elle réconforte et console les cœurs inquiets et meurtris, mais elle engage aussi les croyants à servir le bien commun de l’humanité par l’annonce et le partage authentique de la grâce reçue de Dieu. C’est pourquoi la foi appelle les croyants à embrasser la souffrance du monde, comme saint François et la Bienheureuse Mère Teresa, afin d’y répandre la lumière du Christ. « La foi n’est pas une lumière qui dissiperait toutes nos ténèbres, mais la lampe qui guide nos pas dans la nuit, et cela suffit pour le chemin », déclare (57) l’Encyclique.
Subjectivement, la foi est une ouverture à l’Amour du Christ, un accueil, l’entrée dans une relation qui élargit le ‘je’ aux dimensions d’un ‘nous’ qui n’est pas seulement humain, dans l’Église, mais qui est proprement divin, c’est-à-dire une participation authentique au ‘Nous’ du Père et du Fils dans le Saint Esprit. L’Encyclique insiste sur ce fondement trinitaire qui constitue la foi comme réalité à la fois personnelle et ecclésiale : « Cette ouverture au « nous » ecclésial se produit selon l’ouverture même de l’amour de Dieu, qui n’est pas seulement relation entre Père et Fils, entre « moi » et « toi », mais, qui est aussi dans l’Esprit un « nous », une communion de personnes » (39).
Dans cette lumière christologique, trinitaire et ecclésiale, la confession de la foi acquiert sa figure concrète par la célébration des sacrements du baptême, de la confirmation et de l’Eucharistie, où « le croyant affirme que le centre de l’être, le secret le plus profond de toute chose, c’est la communion divine » (45). Il se trouve alors « engagé dans la vérité qu’il confesse » et par là-même transformé et « introduit dans une histoire d’amour qui le saisit, qui dilate son être en le rendant membre d’une grande communion », l’Église.
De ce « Nous » trinitaire qui se prolonge dans le « nous » ecclésial, l’Encyclique enchaîne tout naturellement avec le « nous » de la famille qui est le lieu par excellence de la transmission de la foi (43). D’une part, cela est manifeste dans l’expérience du baptême des enfants où les parents, le parrain et la marraine confessent la foi au nom de l’enfant, l’accueillant ainsi dans la foi de l’Église qui nous précède toujours. D’autre part, rappelle l’Encyclique, il existe de profondes affinités entre la foi et l’amour définitif que se promettent l’homme et la femme qui se marient. « Promettre un amour qui soit pour toujours est possible quand on découvre un dessein plus grand que ses propres projets, qui nous soutient et nous permet de donner l’avenir tout entier à la personne aimée » (52). Ainsi, grâce à la foi, l’amour des époux a plus de chance de durer et d’unir les générations dans la joie de la fidélité et du service de la vie. « La foi n’est pas un refuge pour ceux qui sont sans courage, mais un épanouissement de la vie » conclut l’encyclique qui voit la famille comme « le premier environnement dans lequel la foi éclaire la cité des hommes » (52).
L’Encyclique ajoute un développement remarquable sur la pertinence de la foi pour la vie en société, pour l’édification de la cité dans la justice et la paix, grâce au respect de chaque personne et de sa liberté, grâce aux ressources de compassion et de réconciliation qu’elle offre pour le soulagement des souffrances et la résolution des conflits. « Oui la foi est un bien pour tous, elle est un bien commun » (51). La tendance à confiner la foi au domaine de la vie privée se trouve ici réfutée pacifiquement, mais d’une façon décisive.
Beaucoup d’aspects développés antérieurement dans les encycliques de Benoit XVI sur la charité et l’espérance trouvent leur complément dans cette mise en lumière de la foi comme communion et service du bien commun. « Les mains de la foi s’élèvent vers le ciel mais en même temps, dans la charité, elles édifient une cité, sur la base de rapports dont l’amour de Dieu est le fondement » (51). « Si nous ôtons la foi de nos villes, s’affaiblira la confiance entre nous » (55) Bref, par la foi Dieu veut « rendre solides les relations entre les hommes » (ib), Il espère que se réalise la « grandeur de la vie en commun qu’il rend possible » par la grâce de sa présence (55).
En conclusion, l’Encyclique contemple Marie, la figure par excellence de la foi, celle qui a écouté la Parole et l’a gardée dans son cœur, celle qui a suivi Jésus et qui s’est laissée transformer « en entra
nt dans le regard du Fils de Dieu incarné » (58). Le Pape François réaffirme à la fin avec son prédécesseur une vérité de la foi mise en veilleuse et parfois même mise en doute en certains milieux : « Dans la conception virginale de Marie nous avons un signe clair de la filiation divine du Christ. L’origine éternelle du Christ est dans le Père, il est le Fils dans un sens total et unique; et pour cela, il naît dans le temps sans l’intervention d’un homme » (59).
Nous accueillons donc avec grande joie et gratitude cette confession de foi intégrale en forme de catéchèse à quatre mains des successeurs de Pierre. Ils exposent ensemble la foi de l’Église en sa beauté qui « se confesse de l’intérieur du corps du Christ, comme communion concrète des croyants » (22).