« Je ne suis pas catholique, mais je voudrais vraiment rencontrer le pape » : c’est le message que Leandro, un jeune parti faire le tour du monde à vélo, a envoyé une quinzaine de fois au Vatican… jusqu’à obtenir gain de cause.
Le brésilien Leandro Martins, 30 ans, venu à Rome en vélo depuis Amsterdam, en Hollande, a été invité à participer à la messe privée célébrée par le pape François hier, 18 juillet 2013. Il donne le récit de sa rencontre improbable avec le pape, sur son blog Leandro en vélo.
Le jeune homme, originaire de la région brésilienne de Rio Grande do Sul, à la frontière avec l’Argentine, a commencé son voyage en mai dernier, il y neuf semaines. Il a déjà parcouru 3. 154 km – par l’Allemagne, la République tchèque, l’Autriche, la Slovénie et l’Italie – et en a prévu 7.000 de plus, notamment en Grèce, en Israël et en Asie.
« Je prenais mon petit déjeuner tôt hier matin quand mon téléphone portable a sonné. Comme je n’utilise pas mon téléphone régulièrement pendant ce voyage, j’ai su immédiatement que c’était soit ma mère, soit l’appel que j’attendais avec impatience. Quand j’ai vu que c’était un numéro inconnu, j’ai compris que c’était « l’appel » », écrit-il en guise d’introduction sur son blog.
Cet « appel », c’était le secrétaire particulier du pape, Mgr Alfred Xuereb, invitant Leandro Martins à 6h45 le lendemain au Vatican : « J’ai répondu oui sans même vérifier mon agenda… Oui, j’allais rencontrer le pape ! ».
Je voudrais vraiment le rencontrer
Comment cette invitation lui est-elle parvenue ? A force de persévérance, explique le jeune homme : « mon « plan pape » a commencé avant le début de ce voyage. Je savais que rencontrer le pape n’est pas une tâche simple… A Amsterdam, après quelques recherches, j’ai trouvé quelqu’un qui était très proche du pape, et je savais que si une de mes lettres lui parvenait, il y aurait une bonne chance de réussir ».
« Je lui ai écrit une lettre, poursuit Leandro, disant d’abord que je n’étais pas catholique, mais qu’en raison de la couverture médiatique de l’élection du pape, j’étais au courant et heureux que le nouveau pape soit non seulement un homme simple et aimable avec une forte attention aux questions sociales, mais aussi un de mes voisins, puisque je suis de l’Etat du Rio Grande do Sul, frontalier avec l’Argentine ».
Le jeune brésilien parle aussi de son tour du monde à vélo et fait part de son désir de « rencontrer M. Francisco ». Il demande à son interlocuteur de ne pas s’en remettre aux procédures du Vatican, mais de dire directement au pape qu’un « gaucho » (du nom des habitants du Rio Grande do Sul) « serait très heureux de le rencontrer ».
« Je sais que ça va paraître ridicule et vous allez rire de moi, mais … je voudrais vraiment le rencontrer », insiste le jeune homme.
En arrivant en Italie, Leandro envoie à nouveau une lettre du même acabit, puis d’autres une fois parvenu à Rome… une quinzaine de lettres au total, affirmera en riant son interlocuteur au pape.
Je ne savais pas que c’était le pape
Après l’appel de Mgr Xuereb, Leandro oscille entre « l’excitation » et « l’incrédulité ». Le lendemain, il arrive au Vatican à 6h15 et se dirige vers la porte que le secrétaire lui a indiquée : « je savais qu’il était trop tôt mais je devais savoir si c’était sérieux. Lorsque le garde suisse a demandé mon nom et a tiré de sa poche un morceau de papier sur lequel était écrit mon nom, j’ai été vraiment soulagé ».
Le jeune homme patiente, puis est introduit à 6h40 et guidé pour garer son vélo près de l’entrée des bâtiments. Puis il est introduit par son guide dans « la petite chapelle » de la Maison Sainte-Marthe, où, lui dit-on, le pape va célébrer la messe. On lui explique le déroulement de la célébration.
« Tout était simple, écrit le jeune homme : il y avait environ 15 personnes, des religieuses et des hommes habillés avec des vêtements religieux, et mon guide assis à côté de moi. Quand le pape est entré, je ne savais pas que c’était lui car il portait un vêtement vert et je me suis demandé: « pourquoi les gens sont debout? » jusqu’à ce que je comprenne qui était cet homme ».
« Je pense que c’était la première messe que j’ai suivie du début à la fin », ajoute Leandro qui affirme son « respect pour toutes les religions » : « j’ai fait ce que je voyais faire: debout et assis » selon les moments.
Que Dieu t’accompagne
« La messe a duré environ 25 minutes et quand ce fut fini, le pape et tous les autres sont partis… Puis soudain le pape était de retour, vêtu de blanc. Il s’est assis sur la troisième rangée sur le côté gauche de la chapelle et est resté en prière », explique le jeune homme.
La personne à qui Leandro avait écrit vient lui serrer la main en souriant : « vous avez réussi !… après ce temps de prière, le pape vous saluera ». Une fois sa prière terminée, le pape quitte en effet la chapelle et attend Leandro à la porte.
« Le pape savait que je n’étais pas catholique, et je sais que c’est quelqu’un de très simple qui ne se soucie pas beaucoup du protocole. Alors je l’ai traité de la façon dont je traite tous ceux que je rencontre lors de ce voyage: avec un sourire, de la gentillesse et de l’affection » : « nous nous sommes serré la main et embrassés ».
Le jeune homme fait prendre des photos – visibles sur son blog – et demande au pape de signer son drapeau brésilien, comme il le fait à ceux qu’il rencontre durant son périple. Le pape s’exécute : « Que Dios te acompañe – Francisco – 18-7-13 » (Que Dieu t’accompagne).
La vie, c’est de la folie
Ils échangent en espagnol, tout en se dirigeant vers l’endroit où est garé le vélo : « nous avons parlé de la tragédie de Santa Maria (231 morts dans l’incendie d’une discothèque en janvier 2013). Il a dit qu’il ne pouvait pas aller à Santa Maria, car c’était trop loin des lieux où il serait la semaine prochaine au Brésil, mais il a souligné que c’était une tragédie et qu’il s’en souviendrait… j’ai partagé quelques réflexions sur la religion, que je ne vais pas écrire ici, et puis nous avons parlé en dernier des manifestations au Brésil.».
« Quand nous sommes arrivés à l’extérieur, le pape a serré la main des gardes suisses qui étaient près de la porte et j’ai fait la même chose. Je lui ai montré mon vélo et j’ai parlé de mon voyage. J’ai dit, « c’est ma maison, mon lit, ma cuisine, etc. Il m’a posé des questions et nous avons tous deux ri quand j’ai dit qu’on trouvait des fous partout, y compris à Porto Alegre. « La vie c’est de la folie ! », a dit le pape ».
« Je sais que le pape est très occupé… alors je l’ai remercié pour sa gentillesse de m’avoir invité. Nous nous sommes dit au revoir et j’ai pédalé jusqu’à la place Saint-Pierre, où je suis en ce moment, écrivant ce post et annonçant à mes amis et aux gens qui vont lire ceci, que la vie est simple comme ça : un jour, vous pouvez faire du camping dans la forêt sans douche et le lendemain vous pouvez raconter des blagues au pape. La vie, c’est de la folie… »