Aucune religion ne peut être un prétexte pour tuer ou violer les droits humains. C’est sur cette base que devrait se fonder la liberté religieuse et, en ce sens, les chrétiens sont le groupe le plus pénalisé : environ 300.000 de nos coreligionnaires dans le monde sont victimes de persécution et de discrimination ; 75 % de l’ensemble des personnes discriminées pour des raisons religieuses sont chrétiennes.
Ce thème a été abordé dans la matinée du vendredi 4 octobre, lors de la première table ronde de la session finale sur les Journées commémoratives du 50eme anniversaire de l’encyclique « Pacem in terris », qui s’est tenue à la Domus Pacis à Rome.
Après l’introduction du cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, président du Conseil pontifical « Justice et Paix », sont intervenus le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Mgr Michael Fitzgerald, ancien nonce apostolique en Égypte, et Paul Bhatti, ancien ministre de l’Harmonie nationale au Pakistan.
Le frère de Shabbaz Bhatti – l’ancien ministre pakistanais, assassiné par les fondamentalistes islamiques le 2 mars 2011 pour n’avoir jamais caché sa foi catholique – a fait le point sur la liberté religieuse dans son pays. Il a expliqué que ce droit (à la différence, par exemple, de l’Arabie Saoudite) est reconnu par le système et que même la tristement célèbre loi sur le blasphème n’avait, dans les faits, jamais condamné personne à mort.
Le vrai problème vient des franges extrémistes et fondamentalistes qui déchaînent des campagnes de haine contre les chrétiens, les accusant souvent de prétendus blasphèmes. Un fanatisme qui dégénère très souvent en agressions physiques et en homicides.
À l’occasion de cette table ronde, ZENIT a recueilli les réflexions de Paul Bhatti sur ce thème qui est l’un des plus déterminants pour l’avenir de l’humanité et pour la paix dans le monde.
Zenit – À votre avis, pour quelles raisons les moyens diplomatiques utilisés en faveur de la paix dans le monde ne sont-ils plus suffisants et pourquoi est-il de plus en plus nécessaire de tenir compte du facteur religieux ?
Paul Bhatti – Quand on parle de violences et de terrorisme, la religion sert souvent de prétexte. Pourtant aucune religion n’accorde le droit de tuer quelqu’un au nom de Dieu ; nous devons donc partager cette idée avec les personnes qui ont à cœur leur foi et qui la protègent. Le christianisme n’implique pas tant la conversion des non chrétiens que, surtout, le témoignage rendu au Christ et celui d’une vie dédiée aux autres, c’est-à-dire l’humanité et l’amour transmis comme expression d’une foi religieuse. D’autres religions, comme l’Islam, ont des valeurs humaines importantes : si l’on veut les promouvoir, on ne peut que condamner tout acte de violence commis au nom de la religion.
Pensez-vous que l’appel du pape François à prier et à jeûner pour la paix en Syrie et dans le monde entier a été un moyen efficace ?
Je pense que l’appel du pape a été extraordinaire ! On ne peut avancer qu’avec la prière et le dialogue. Lorsqu’il a parlé de la paix en Syrie, il a rappelé qu’une guerre en entraîne une autre et c’est sans fin… C’est pourquoi le dialogue, au niveau diplomatique, doit avoir la puissance de résoudre les crises humanitaires mondiales et la violence. Si l’on échoue, cela signifie peut-être que l’on n’a pas suffisamment tenu compte de la réalité de la situation, ou bien que l’on n’a pas impliqué dans le dialogue les personnes capables de faire la différence. Chaque situation doit être confiée à des personnes qui ont une certaine influence et une capacité intellectuelle et religieuse. S’il y a, dans une région du Pakistan, des manifestations extrémistes et si j’invite un chercheur ou un prêtre qui parlent bien de l’Islam, ils ne feront pas la différence parce qu’ils sont déjà convaincus que ces manifestations sont un mal. Il faudrait au contraire partager nos idées avec les personnes qui peuvent influencer ceux qui commettent des actes de violence. L’échec du dialogue interreligieux vient parfois de ce qu’on n’implique pas ceux qui pensent différemment de nous.
Vous avez vécu en Italie et vous connaissez bien la culture occidentale : en Europe, la liberté religieuse existe-t-elle vraiment ?
Je crois que désormais l’Occident, avec son évolution démocratique, devrait avoir acquis le concept de liberté religieuse (y compris le droit de n’avoir aucune religion), comme fondement des droits humains. Cependant, des groupes extrémistes et fanatiques s’infiltrent, parfois aussi terroristes, ce qui sera un problème à l’avenir pour l’Italie et tout l’occident ; il faut donc trouver un système pour bloquer ce type de menace.
L’Europe est déformée par le laïcisme ?
Aucun gouvernement ne devrait s’imposer sur des thèmes comme la foi. Dans les écoles, il faut donner une éducation universelle, dans la mesure où la foi devrait être de la responsabilité éducative des parents, tant que les enfants sont mineurs. L’État doit garantir une éducation universelle qui permette à un individu d’être capable à l’avenir de faire des choix.
Comment vivez-vous votre engagement comme catholique en politique ?
La question de l’engagement des catholiques en politique avait été traitée par Jean-Paul II qui avait rappelé que la politique est une forme d’assistance à autrui, en particulier aux plus faibles : si c’est cela la conception de la politique, elle est bienvenue ! Dans ce cas, tout chrétien devrait faire de la politique.
Un demi-siècle après, l’encyclique « Pacem in terris » est-elle toujours d’actualité ?
Les innombrables défis actuels impliquent le monde entier. C’est pourquoi parler de paix sur la terre, aujourd’hui, est une véritable exigence qui nécessite de faire des pas concrets.
Traduction Hélène Ginabat